"SwissLeaks": HSBC admet des défaillances de sa filiale suisse

La banque britannique HSBC a admis des "défaillances" de sa filiale suisse, dimanche, après des révélations de plusieurs journaux, dont Le Monde, sur un système d'évasion fiscale de grande ampleur mis en place dans les années 2000 au bénéfice de ses riches clients. /Photo prise le 9 février 2015/REUTERS/Pierre Albouy

LONDRES (Reuters) - La banque britannique HSBC a admis des "défaillances" de sa filiale suisse dimanche, après des révélations de plusieurs journaux, dont Le Monde, sur un système d'évasion fiscale de grande ampleur mis en place dans les années 2000 au bénéfice de ses riches clients. Selon Le Monde, qui a surnommé son enquête "SwissLeaks", HSBC Private Bank a accepté, voire encouragé, une "gigantesque fraude à l'échelle internationale" portant, pendant la seule période de novembre 2006 à mars 2007, sur la somme de "180,6 milliards d'euros qui auraient transité, à Genève, par les comptes de plus de 100.000 clients et de 20.000 sociétés offshore". Le journal français explique avoir obtenu d'une source dont il préserve l'anonymat la totalité des données volées par Hervé Falciani - un ancien employé de HSBC Private Bank inculpé en Suisse pour espionnage économique et violation du secret bancaire - et les avoir partagées avec une soixantaine de médias internationaux par l'intermédiaire de l'ICIJ, un consortium de journalistes d'investigation. "Nous admettons et nous assumons la responsabilité des défaillances passées en matière de respect des règles ("compliance") et de procédures de contrôle", a réagi la banque britannique dans un communiqué. HSBC y explique que sa filiale suisse n'a pas été totalement intégrée au groupe après son rachat en 1999 et que par conséquent les niveaux de mise en conformité ont été par la suite et de manière durable "significativement plus bas" que la norme. Une commission parlementaire britannique a fait savoir lundi qu'elle comptait ouvrir rapidement une enquête sur la banque. "Les révélations choquantes d'aujourd'hui au sujet de HSBC exposent à nouveau un secteur international adepte du secret, au service d'une élite fortunée", a déclaré Margaret Hodge, membre du parti travailliste et présidente de la commission des Comptes publics. "La commission des Comptes publics ouvrira une enquête d'urgence et nous exigerons de HSBC, s'il le faut, qu'elle s'y soumette." HSBC DÉJÀ MISE EN EXAMEN EN FRANCE En France, HSBC Private Bank a été mise en examen fin novembre pour démarchage bancaire et financier illicite et blanchiment de fraude fiscale en 2006 et 2007. Une caution de 50 millions d'euros lui a été demandée par les juges. "Le Parquet national financier est en train d'analyser les éléments" publiés lundi dans Le Monde, a indiqué à Reuters une source judiciaire. "Il en tirera toutes les conséquences qui paraissent devoir s'imposer." A Istanbul, où il participe à une réunion du G20, le ministre français des Finances Michel Sapin a rappelé que l'administration fiscale travaillait déjà sur ces dossiers, les listings de quelque 3.000 détenteurs français de comptes en Suisse de la banque HSBC ayant été transmis à Paris en 2009. "Dans la plupart de ces dossiers s'agissant de la France, des poursuites ont été engagées, des procès sont d'ailleurs en cours ou vont être menés contre des personnes qui ont fraudé le fisc et, comme vous le savez, nous avons une procédure qui est engagée contre HSBC en tant qu'acteur ou complice de cette fraude fiscale", a-t-il dit à Reuters TV. "Donc pour nous, c'est une information importante mais qui ne change rien à notre politique. Nous sommes déterminés à faire en sorte que tous ceux qui ont fraudé ou tous ceux qui ont aidé à frauder soient punis", a ajouté Michel Sapin. L'administration fiscale a d'ores et déjà saisi la justice de 62 cas parmi les 3.000 des "listings Falciani", selon Le Monde, qui rappelle que les poursuites pénales en matière de fraude fiscale sont sa prérogative. Reste à savoir si Bercy décidera de la saisir de nouveaux noms dévoilés par Le Monde. D'après le quotidien, huit prévenus en lien avec ces listings ont été condamnés, à Paris ou à Pontoise, pour fraude fiscale ou blanchiment, à des peines allant de six mois de prison avec sursis à six mois d'emprisonnement ferme. Une trentaine d'enquêtes sont toujours menées au parquet de Paris et cinq "dossiers" sont "en cours" d'examen ou de règlement auprès du Parquet national financier, indique une source judiciaire. Parmi ces derniers, celui d'Arlette Ricci, héritière des parfums Nina Ricci, qui sera jugée pour fraude fiscale le 16 février à Paris. STRUCTURES OFFSHORE D'après les informations publiées par Le Monde et, en Grande-Bretagne, par le Guardian, HSBC Private Bank aidait ses clients à échapper à certains impôts, comme la taxe européenne ESD, instituée en 2005, en dissimulant "leur argent derrière le paravent de structures offshore généralement basées au Panama ou dans les îles Vierges britanniques". Elle les autorisait aussi à retirer régulièrement de grosses sommes d'argent en liquide, notamment en devises étrangères dont ils n'avaient pas l'usage en Suisse. Dans son communiqué de quatre pages, HSBC met ces pratiques sur le compte du fonctionnement du système bancaire privé suisse, qui a longtemps cultivé le secret, "ce qui pourrait avoir eu pour conséquence qu'un certain nombre de clients pourraient ne pas avoir totalement respecté leurs obligations fiscales". Elle ajoute que sa filiale suisse a subi ces dernières années une "transformation radicale" et que ces pratiques de fraude fiscale ne sont plus d'actualité. Le nombre de comptes clients de HSBC Private Bank est passé de 30.412 en 2007 à 10.343 à la fin de l'année dernière, précise l'établissement britannique qui assure pleinement coopérer avec les autorités enquêtant sur ce sujet. (Steve Slater, Tom Bergin, avec Chine Labbé et Yann Le Guernigou à Paris, Tangi Salaün et Wilfrid Exbrayat pour le service français)