Suicide d’Océane Bourdin, violée à plusieurs reprises : "Elle était sur le lit. Ses yeux et sa bouche étaient grands ouverts, remplis de vomi""

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

Océane Bourdin s'est donné la mort à 21 ans, après avoir subi deux viols et une agression sexuelle. Pour "Trauma", le nouveau format de Yahoo, le père de la jeune femme a accepté de raconter le calvaire qu’elle a vécu et la manière dont elle a tenté de se faire entendre, sans grand succès. Un témoignage édifiant.

Elle a alerté la justice mais personne n’a réagi à temps. Le 4 juin dernier, Océane Bourdin s'est donné la mort à l’âge de 21 ans, après avoir subi deux viols et une agression sexuelle. Un drame dont ne peuvent se remettre ses parents qui dénoncent la lenteur de la justice. Dévastés par la perte de leur fille, ils militent depuis en faveur d’une proposition de loi destinée à mieux soutenir les femmes qui portent plainte pour viol (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

"Elle l'a supplié d'arrêter alors qu'il était en plein acte sur elle"

La vie d’Océane s’est réellement arrêtée le 10 février 2022. Lors d’une soirée à Beaune, organisée par son école en sommellerie, l’un de ses camarades de classe, devenu son confident, lui propose de la cocaïne. La jeune femme se laisse tenter pour la toute première fois. Mais rapidement, après avoir bu son verre d’alcool, tout bascule. "Elle se sent partir et termine dans le coma", explique son père, encore bouleversé par le récit de sa fille. Droguée à son insu, la jeune femme se fait violer pendant des heures.

Découvrez l'intégralité du témoignage d'Yvan Bourdin, le papa d'Océane, en podcast :

À son réveil, elle ne se souvient de rien mais pressent qu’il s’est passé quelque chose de grave. En quête de vérité, elle décide de suivre une thérapie EMDR grâce à laquelle des souvenirs lui reviennent. Les flashs défilent dans sa tête. Elle parvient à se souvenir de l’avoir supplié d’arrêter alors qu’il était en plein acte. "Il entendait mais continuait. Elle s’est réveillée deux ou trois fois cette nuit-là mais ne pouvait pas se débattre. Ses bras et ses jambes étaient paralysés". Plusieurs jours plus tard, l’agresseur présumé avoue les faits sur Snapchat mais supprime dans la foulée la conversation.

"Elle m'a dit : "La justice ne peut rien pour moi, personne ne le peut""

Trois mois après, Océane trouve enfin le courage de porter plainte. De là commence sa descente aux enfers. Le policier, en charge de son cas, se veut très pessimiste et lui explique qu’ils ne pourront pas auditionner le suspect tant que les résultats d’analyse de ses cheveux ne seront pas disponibles, des résultats dont l’attente peut mettre jusqu’à six mois. Une analyse qui, en parallèle, n’a que très peu de chance d’aboutir. Premièrement en raison du délai d’attente entre le viol et la prise en charge. Les drogues comme le GHB restent très peu de temps dans le corps. Et secondement, à cause de la couleur qu’elle s’est faite récemment. Un obstacle à la détection de produits.

La jeune femme ressort du commissariat dépitée. Personne ne peut l’aider, elle ne voit pas le bout du tunnel et commence à envisager le pire. Aujourd’hui, son père s’insurge contre la lenteur des procédures. "Il y a une grosse défaillance de la justice. Un laxisme. Pourquoi le mis en cause n’a-t-il pas été auditionné dans l’immédiat ? Pourquoi n’a-t-on pas fait une saisie de son téléphone portable ?", se questionne-t-il.

"Il en a profité, pendant qu'elle dormait, pour mettre la main dans sa culotte"

Océane avait déjà franchi la porte du commissariat deux fois pour porter plainte : en 2021 dans le cadre d’une affaire de viol qui se serait déroulé le soir du Nouvel an 2017 puis en janvier 2022, après une soirée lors de laquelle son maître d'alternance aurait essayé d’abuser d’elle. La première a été classée sans suite tandis que la deuxième est toujours en cours.

Les parents d’Océane espèrent que cette dernière agression, celle qui a fait basculer la vie de leur fille, aura un tout autre dénouement. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est mettre la main sur l’agresseur et le placer derrière les barreaux. "On ne sait pas s’il a un historique. Il était en France depuis peu de temps, on a peur qu’il soit déjà reparti", conclu son père, attristé par la situation, toujours au point mort.

"Elle est froide. C'est trop tard. C'est terminé"

Océane veut en finir avec la vie et le fait savoir au travers de plusieurs tentatives. "Lorsque je suis en crise, je ne pense qu’à moi. Je veux que tout s’arrête", explique-t-elle à ses parents lorsqu’ils l’interrogent sur ses réelles intentions. Finalement, elle parviendra à ses fins. Le soir du 4 juin, sa petite sœur la découvre inanimée dans sa chambre alors que ses parents sont de sortie. "Elle était gelée". Son pouls, inaudible. À l’arrivée des pompiers, le couperet tombe.

L’un d’eux annonce la mauvaise nouvelle aux parents. "Je suis désolé, il n’y a plus rien à faire. Elle est morte depuis bien longtemps". Là, le monde s’arrête de tourner. Et l’horreur se poursuit lorsqu’ils découvrent leur fille. "On l’a vu sur le lit, les yeux grands ouverts. Elle regardait le plafond. Ses yeux et sa bouche étaient remplis de vomi. Elle n’était pas belle à voir", raconte son père tout en expliquant avoir cette image gravée dans sa tête à tout jamais.

"On sait très bien que notre fille ne reviendra pas. Mais son sacrifice doit servir à quelque chose"

Pour Yvan Bourdin, la justice a une grande part de responsabilité dans la mort de sa fille. "C’est seulement lorsqu’elle est montrée du doigt qu’elle se bouge", regrette-t-il, estimant qu’elle serait toujours "au stade zéro" s’il n’avait pas médiatisé l’affaire. "Je ne jette ni la pierre à la police ni à la gendarmerie ni au procureur. Ce sont des êtres humains, ils ont des enfants comme nous et se mettent à notre place mais ils sont débordés. Ils ne peuvent pas traiter toutes les affaires".

Déterminés à faire changer les mentalités, Yvan et sa femme souhaitent désormais porter un projet de loi du nom de leur fille afin que les victimes de viol soient mieux soutenues. Ils veulent notamment qu’un avocat commis d’office soit automatiquement désigné pour les victimes d’une agression sexuelle ou d’un viol. Une mesure soutenue par le sénateur du Doubs, Jacques Grosperrin avec lequel ils travaillent.

Retrouvez l’intégralité de l’interview dYvan Bourdin :