Suicide d'Amandine, atteinte de troubles psychiques : "Elle s’est jetée sur moi, a lacéré mon cou. Elle voulait m’achever"

Une personne sur quatre est atteinte d’un trouble psychique à un moment de sa vie. Et la pandémie de Covid-19 a encore renforcé ces troubles. Pour briser le tabou, personnalités et anonymes se confient au micro de Yahoo dans "Tourments", le nouveau format de Yahoo.

Atteinte de troubles psychiques, Amandine, la fille d’Isabelle Machado, s’est suicidée à l’âge de 27 ans après des années d'errance thérapeutique. Pour Yahoo, sa mère, auteure de l’ouvrage "Parfois l’amour ne suffit pas…" (ed. City), s’est livrée à cœur ouvert sur ce drame. Un récit poignant.

Adoptée en Polynésie en 1994, Amandine était une enfant calme, aimante et sans problème jusqu’à son adolescence, période à laquelle elle a soudainement changé de comportement. Après des années difficiles, ponctuées par des moments d’accalmie, la jeune femme, alors âgée de 27 ans et victime de troubles psychiques, met fin à ses jours le 4 juillet 2021 en se pendant dans sa salle de bain. Sa mère, Isabelle Machado, a accepté, pour Yahoo, de se livrer sur ce drame, expliquant notamment le long combat qu’elle a mené afin d’obtenir pour sa fille une prise en charge psychiatrique. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)

"Elle se sentait toujours persécutée, elle voyait des objets bouger dans sa chambre"

C’est à l’âge de 13 ans que tout bascule. Du jour au lendemain, Amandine commence à insulter sa mère, à devenir de plus en plus violente et intolérante à la frustration. "Elle avait un regard noir. Son visage avait changé", confie Isabelle, expliquant qu’elle était sujette à de grosses crises. Des bouffées de colère que la jeune fille n’assume pas complètement. "Amandine pouvait s’excuser et me dire qu’elle m’aimait peu de temps après. Elle me disait que tout ça la dépassait, qu’elle ne maîtrisait rien."

Face à ces violents sautes d’humeur, Isabelle décide de l’emmener chez des psychologues et psychiatres. Amandine est malade mais n’en a pas conscience. Devenue paranoïaque, elle se sent constamment persécutée, commence à voir des objets bouger dans sa chambre et accuse sa mère d’en être à l’origine. Mais pour les professionnels de santé, rien de très alarmant : une crise d’adolescence exacerbée ou un trouble de l’identité. L’adoption y serait pour quelque chose.

Neuf ans se passent, les allers-retours aux urgences sont réguliers. À ses 22 ans, Amandine vrille et fait une crise de bouffées délirantes. Une crise qui entraîne immédiatement son hospitalisation sous contrainte. Elle reste à l’hôpital pendant cinq mois, période à laquelle les médecins posent un nouveau diagnostic. Alors que sa psychologue évoque un trouble borderline, eux parlent de psychoses.

"Ses yeux se révulsaient, elle s’étouffait dans sa bave"

À sa sortie, Amandine suit un traitement dont les effets secondaires sont lourds. Elle souffre notamment de dyskinésies qui se manifeste par des mouvements involontaires et répétitifs comme les yeux qui révulsent. "Elle a très mal à la tête et s’étouffe dans sa bave". Ses médicaments semblent, de plus, renforcer sa paranoïa. "Je suis un cobaye, on me drogue, c’est pire qu’avant", aurait-elle dit à sa mère. Amandine ne trouve pas de solution à sa souffrance. Elle se tourne alors vers la drogue qui lui procure un certain réconfort. Mais ces substances illicites complexifient le diagnostic et la prise en charge.

Sans grande surprise, son état se détériore. Elle fait trois tentatives de suicide mais ressort à chaque fois de l’hôpital, sans suivi. Elle est comme lâchée dans la nature. Une situation révoltante pour sa mère. À chaque fois, c’est le même refrain : "Il n’y pas de place", lui répète-t-on. Comme elle l’explique, Amandine est trop agitée pour aller dans le privé et ne l’est pas assez pour le public. Retourner à la maison est donc la seule option possible. Seulement voilà : au domicile familial, "c’est l’enfer". "Elle casse tout, elle fait des crises démesurées." Amandine ne gère plus rien, ni ses colères ni sa frustration. "La souffrance se lit sur son visage", confie-t-elle.

"Elle s’est jetée sur moi, a lacéré mon cou. Elle voulait m’achever"

Et à son grand regret, Amandine retourne tous ses tourments contre elle. "Je suis sa bête noire. Celle qui la rendue comme ça, celle qui a pourri sa vie", explique-t-elle tout en confiant que sa fille la considérait, à l’époque, comme une "serial killeuse de bébés". "Comme j’ai fait plusieurs fausses couches, j’étais pour elle un assassin. Elle pensait que je l’avais prise un peu comme un pansement."

Mais sa mère ne se braque pas et sait qu’Amandine n’est pas responsable de son état. "Elle ne se savait pas malade mais comprenait que quelque chose ne fonctionnait pas. Elle se sentait mauvaise et s’estimait être un poison pour tout le monde. Elle pensait qu’elle n’avait pas d’avenir", s’est-elle remémorée expliquant avoir été plusieurs fois la cible d’Amandine. L’une de ses agressions reste d’ailleurs particulièrement gravée dans sa mémoire. "Elle s’est jetée sur moi, a lacéré mon cou et m’a tiré les cheveux. Elle voulait m’achever."

Mais fort heureusement, les gendarmes viennent ce jour-là à son secours, la dispute cesse et la jeune femme est emmenée au poste. Là-bas, le médecin en charge de son cas estime qu’elle va bien et qu’il s’agit uniquement d’un conflit familial. Une analyse dont ne se remet toujours pas sa mère. "Elle était malade, elle avait juste besoin de soins."

"Elle faisait des crises de bouffées délirantes. Elle s’est pendue dans sa salle de bain"

La vie prend un autre tournant à l’aube de ses 27 ans, lorsqu’elle fait une nouvelle fois une crise de bouffées délirantes. "Elle était persuadée qu’elle prenait feu, que la maison brûlait. On la alors mise sous la douche pour essayer de la rassurer", se souvient-elle expliquant avoir été, une nouvelle fois, témoin du même schéma et du même constat d'échec : une hospitalisation de plusieurs mois, une sortie sans suivi et de nouvelles hallucinations. Elle le sent, le voit, Amandine n’est pas bien et décide donc de le signaler au médecin qui évoque encore, après tout ce long parcours, "des provocations".

Le pire finit par se produire. La jeune femme se suicide en se pendant dans sa salle de bain. Le jour-même, elle envoie des messages d’alerte à sa mère. "Pourquoi m’alarmer plus que les autres fois", a-t-elle expliqué précisant qu’elle était coutumière de ce genre de messages. Mais l’inquiétude grandit lorsqu’un ami de sa fille la joint par téléphone et l’avertit de ses idées sombres. Elle ne répond plus au téléphone. "Sur le coup, on a pensé qu’elle avait pris une forte dose de médicaments et qu’elle avait dû s’endormir", un phénomène qui s’était déjà produit par le passé. Inquiets malgré tout, elle et son mari se rendent à son appartement mais ne peuvent y rentrer. "La clé était sur la porte". Les pompiers sont prévenus, arrivent et annoncent le drame .

À cet instant, c’est le choc. "Je ne suis plus moi. Je pleure. Les souvenirs sont brouillés mais je me rappelle être dans le déni", explique-t-elle tout en confiant avoir développé depuis un cancer du sein. Si l’absence de sa fille l'a plongée dans une profonde détresse et tristesse, cette mère de famille reconnaît malgré tout un certain "soulagement" à cette fin de souffrance.

Regardez en intégralité l'interview d'Isabelle Machado