Stress, dépression, anxiété... Après les inondations, de lourdes conséquences
Des études mettent en avant les conséquences médico-psychologiques des inondations pour les sinistrés sur le long terme.
Après une semaine d'inondations, la situation pourrait de nouveau s'aggraver avec le retour des pluies dans le Pas-de-Calais en ce début de semaine. Bilan provisoire : plus de 10 000 sinistrés selon les autorités, quatre blessés légers et des centaines d'établissements scolaires fermés. Symbole de l'ampleur de la catastrophe, Emmanuel Macron s'est rendu auprès des sinistrés.
Si les conséquences matérielles font les gros titres et concentrent toute l'attention, plusieurs études alertent sur les conséquences médico-psychologiques des inondations chez les sinistrés, une fois la décrue achevée, les assurances passées et le président reparti.
"Quand les capacités d'adaptation sont dépassées, un syndrome de stress post-traumatique s'installe"
"L'eau abîme tout. Comme pour les incendies, ça ravage tout, faut faire le deuil de tous les biens détruits, et l'on n'a aucun contrôle sur cet élément. Ces dégâts peuvent générer une perte de contrôle totale, un sentiment d'impuissance, et un sentiment de ne pas pouvoir contrôler l'avenir. Quand les capacités d'adaptation sont dépassées, un syndrome de stress post-traumatique s'installe", met en garde la psychiatre Christine Barois, spécialiste du stress, de l'anxiété et de la dépression.
Entre février et avril 2001, le département de la Somme est en proie à d'importantes inondations. Une étude menée auprès de ces sinistrés révèle les conséquences, bien moins connues, des inondations à long terme.
"Des symptômes dépressifs et anxieux" chez les sinistrés
Globalement, les chercheurs mettent en avant "des symptômes dépressifs et anxieux ainsi que des problèmes somatiques (...) l'ensemble de ces séquelles altèrent fortement le fonctionnement familial, social et professionnel", écrivent-ils, ajoutant parmi les symptômes évoqués par les victimes "l'incapacité à prendre des décisions, la désorganisation, l'incapacité à se concentrer et les pertes de mémoire (...) des craintes et des peurs pour soi-même ou pour les proches".
Dans le détail, un état de stress en lien avec les inondations a été relevé chez 22% des évacués et 13,4% des inondés. Les troubles anxieux et dépressifs sont significativement plus fréquents chez les personnes évacuées.
Une hausse des problèmes de santé
Un état de stress qui a des conséquences sur la santé notamment pour les personnes âgées : les personnes de 60 ans et plus ont un risque accru de voir l’apparition de nouvelles maladies par rapport aux plus jeunes. Ces nouveaux problèmes de santé sont essentiellement des troubles dépressifs, anxieux et des insomnies.
L'étude met également en avant une hausse des problèmes de santé pour les victimes d'inondations : 43,1% des évacués déclarent de nouveaux problèmes de santé depuis le sinistre, 27,3% des inondés, contre 17,5% des personnes indemnes. Ce qui entraine une hausse de la consommation des médicaments chez un tiers des évacués et 23,8% des inondés.
Augmentation de la consommation de tabac et de médicaments psychotropes
Une autre étude, menée après les inondations survenues dans le Gard en septembre 2002 met en avant une hausse de médicaments psychotropes (anxiolytique, hypnotique et antidépresseur) chez les victimes d'inondations dans la région.
Enfin, la consommation de tabac a significativement augmenté pour les évacués et les inondés de la Somme, comparativement aux indemnes : respectivement 25%, 20,9 % et 3%. Ce qui n'étonne pas la psychiatre Christine Barois : "Il faut calmer l'anxiété, car ce sont des peurs qui se réveillent. Pour calmer cette peur, lorsque l'on n'est pas outillé avec des exercices de respiration, de l'activité sportive, de s'occuper à faire autre chose, et bien plutôt que de tourner en rond on se tourner vers l'alcool ou le tabac", poursuit la spécialiste.
"Des réminiscences lors de fortes pluies ou de bruits de rivière par exemple"
Des inondations qui peuvent aussi avoir un lourd impact au sein des familles les plus touchées, poursuit l'étude, qui montre que les parents du groupe évacué sont significativement plus nombreux (15,4%) que les parents inondés (5,2%) et indemnes (3%) à supporter moins bien leur(s) enfant(s) depuis les inondations.
"Un syndrome post-traumatique aigüe se déclare suite aux évènements, puis à partir de six mois, on considère que c'est un syndrome avéré. Il peut alors y avoir des réminiscences lors de fortes pluies ou de bruit de rivière par exemple, qui peuvent réveiller le traumatisme", décrypte la psychiatre Christine Barois.
"Il faut se rassurer, mettre en place des techniques de méditation, garder du lien social"
Une enquête similaire a été menée au Canada après des inondations survenues en 2019. Bilan : les personnes inondées sont 4 à 5 fois plus nombreuses à présenter des problèmes de santé mentale, près de la moitié (44 %) des personnes inondées éprouvent des symptômes de stress post-traumatique.
Pour limiter les conséquences psychiques, "il faut se rassurer, se dire qu'on a connu d'autres crises comme les confinements durant le Covid, des guerres, des attentats, que cela fait partie des épreuves de la vie et compter sur notre résilience. Idéalement, il faut mettre en place des techniques de méditation, de respiration, mais avant tout, le plus important est la solidarité, avec des voisins par exemple. Car sans lien social, cette épreuve est beaucoup plus difficile à surmonter", conclut la spécialiste.
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