Steven Cohen, requiem en talons hauts

A Montpellier, le performeur sud-africain s’est livré à une bouleversante cérémonie funéraire en mémoire de son compagnon danseur, décédé après vingt ans de vie commune. Un geste cathartique doublé d’une courageuse profession de foi.

En équilibre précaire, les pieds vissés sur des talons aiguilles d’une hauteur aberrante, Steven Cohen est juché au-dessus du monde. Le monde, cette terre en putréfaction où sédimentent nos morts, depuis des milliers d’années. Sur quoi marchons-nous, au juste ? Quelle est cette matière qu’on écrase de nos talons ? Sur le plancher des théâtres, Pina Bausch avait fait déraper ses danseurs sur des milliers d’œillets roses dans Nelken, les avaient fait s’épuiser sur un sol de tourbe dans le Sacre du Printemps, ou jouer dans des hectolitres d’eau comme sur de l’herbe tendre, de la vraie. A quelques années d’écart, dans le fondamental Description d’un combat, Maguy Marin épluchait de son côté le plateau de scène comme on pèle un oignon : sur les vers de l’Iliade, les tissus bleus amoncelés au sol laissaient place aux tissus or qui eux-mêmes découvraient des tissus rouges. L’héroïsme, puis le bain de sang. Sur quel sol est-il encore possible d’avancer, dans la vie, comme au théâtre ? Quand tout est déjà recouvert ? Quand il faut enjamber les cadavres ? Steven Cohen a toujours semblé transporter toute la solitude du monde, toute la stupéfaction des hommes, sous ses pieds. D’année en année, il s’est inventé des centaines de chaussures originales. Des falaises d’une hauteur vertigineuse sur lesquelles il sillonnait le sol défoncé des townships de Soweto, quasi nu sous son lustre en cristal porté en tutu pour une performance filmée en 2002. Des sculptures anthropomorphes et superlatives avec lesquelles il broyait au sol des faïences de Vallauris dans un bruits de craquements d’os pour Golgotha (2009) sur le suicide de son frère. Des chaussures parfois en forme de vanités, comme si Alexander McQueen avait designé des crânes humains. Ou en forme de (...) Lire la suite sur Liberation.fr

«El Baile», reprise de bal à la volée
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Les Tombées de la Nuit, 5-9 juillet, Rennes
Montpellier Danse, 23 juin-7 juillet
Loud & Proud, 6-9 juillet à la Gaîté Lyrique, Paris