Stanislas Guérini : les fonctionnaires peuvent-ils vraiment ne pas être licenciés ?

Le ministre de la Fonction publique a annoncé sa volonté de "lever le tabou" du licenciement chez les fonctionnaires. Explications.

Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique (Photo by Geoffroy Van der Hasselt / AFP)
Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique (Photo by Geoffroy Van der Hasselt / AFP)

"Lever le tabou du licenciement dans la fonction publique". Stanislas Guérini a allumé un incendie dans Le Parisien, en affirmant sa volonté de faire évoluer le licenciement des fonctionnaires, hérité de la création du statut en 1946.

Des propos précisés le lendemain matin sur France Inter. "Le statut de la fonction publique c'est la garantie de l'emploi. Je ne veux pas le remettre en cause". Une garantie de l'emploi, qui n'est pas un emploi garantie à vie mais qui assure un reclassement dans la fonction publique en cas de suppression du poste ou du service, par exemple.

"Un moyen d’assurer aux usagers un service public rendu de manière impartiale"

En 2003, le Conseil d’Etat rappelait que le statue de fonctionnaire, dont la garantie de l’emploi, est "destiné à assurer l’égal accès aux emplois publics, à garantir les fonctionnaires contre l’arbitraire et le favoritisme et à donner à la puissance publique les moyens d’assurer ses missions sur tout le territoire dans le respect des règles d’impartialité et de continuité".

Pour la CGT, "la garantie de l’emploi est donc, dans le cadre républicain, un moyen d’assurer aux usagers un service public rendu de manière impartiale, par des agents préservés des pressions politiques et partisanes", écrivent-ils.

La contrepartie de salaires plus bas

La garantie d'emploi est aussi une contrepartie à des salaires plus faibles que dans le privé, et un moyen de maintenir l'attractivité de la fonction publique. En 2021, les salariés du secteur privé gagnent en moyenne 2 520 euros nets par mois en équivalent temps plein. Dans la fonction publique, les salariés gagnent en moyenne 2 380 euros nets par mois en équivalent temps plein en 2020.

Contrairement à ce que laissent penser les déclarations de Stanislas Guérini, il existe plusieurs cas dans lesquels le licenciement d'un fonctionnaire est possible. Ils sont listés dans le Code général de la fonction publique.

Les cas dans lesquels le licenciement est possible

Pour abandon de poste, si après une période de disponibilité il refuse successivement trois postes qui lui sont proposés pour sa réintégration, et pour insuffisance professionnelle, rappelle la CFDT Fonctions publiques. C'est à ce cas auquel le ministre souhaite s'attaquer.

À noter qu'il existe également des cas particuliers selon la fonction publique. Dans la fonction publique d'État, un agent peut être licencié "en vertu de dispositions législatives de dégagement des cadres prévoyant soit le reclassement des fonctionnaires intéressés, soit leur indemnisation".

Dans la fonction publique territoriale "au cours d'une période de prise en charge" pour "l'absence de respect par l'intéressé de ses obligations" "ou son refus de trois emplois de son grade", ou "pour refus d'une modification de la durée de travail d'un emploi à temps non complet" ou pour inaptitude physique.

Le licenciement pour insuffisance professionnelle, une définition aux contours flous

"Le statut n'a jamais expliqué qu'on ne pouvait pas licencier quelqu'un qui ne fait pas bien son travail". Le ministre envisage donc un élargissement des sanctions face à une insuffisance professionnelle. "Le licenciement pour insuffisance professionnelle dans la fonction publique est un "outil très mal défini et extrêmement peu appliqué", a ajouté le ministre.

Le site de la CFDT relève "l’absence de définition de cette insuffisance au sein du statut général qui se limite à en faire mention". Pour justifier un licenciement pour inaptitude professionnelle, le syndicat rappelle qu'il "s’agit d’une remise en cause tant du savoir-faire que du savoir-être de l’agent. La théorie du faisceau d’indices permet de la mettre en lumière au travers de l’accumulation d’actes ou de négligences, de carences, ou de lenteur dans l’exécution des missions, voire de médiocrité, ce dont il résultera des rappels à l’ordre itératifs, mais aussi au travers de comportements inadaptés".

13 licenciements pour insuffisance professionnelle l'an dernier

Le syndicat liste comme exemples d'insuffisance professionnelle le "manque d’implication, de motivation, le rejet de l’adhésion à la politique de l’employeur ou l’absence de conscience professionnelle, mais aussi dans ses relations conflictuelles avec les usagers, y compris ces collègues ou sa hiérarchie, ainsi que l’incapacité à travailler en équipe". Le syndicat précise toutefois que cette insuffisance professionnelle "s’apprécie dans l’activité quotidienne" et "ne peut reposer sur des défaillances occasionnelles".

Des critères que le ministre de la Fonction publique voudrait définir plus précisément et élargir : "l'année dernière il y a eu 13 licenciements pour insuffisance professionnelle et 222 révocations pour faute", dénonce-t-il.

Pour cela, il promet des réunions en format bilatéral avec les syndicat en plus des deux rendez-vous déjà prévus. Un sujet que le ministre n'a pas osé "évoquer ce matin à la table de concertation avec les syndicats", regrette Céline Verzeletti, secrétaire confédérale CGT, assurant que la CGT non plus n'avait "pas de tabou". Ce mercredi, les préavis de grèves pour les JO ont été déposés par le syndicat.