Stanislas Guérini veut réformer la fonction publique pour contrer le « statu quo » : un argument hasardeux

POLITIQUE - À peine esquissée, déjà conspuée. Avec plusieurs mois de retard sur le calendrier initial, le gouvernement a lancé début avril une nouvelle concertation pour réformer la fonction publique d’ici l’automne. Ce mercredi 10, le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini est venu en défendre l’utilité sur France Inter, n’hésitant pas à invoquer l’esprit de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen pour le faire.

Au programme dans cette réforme : accentuer la rémunération au mérite des fonctionnaires, suppression des catégories A,B et C, faciliter les mutations d’une branche à l’autre de la fonction publique (État, collectivités, hôpitaux) mais aussi et surtout « lever le tabou du licenciement », selon les déclarations du ministre au Parisien le 9 avril.

Cette déclaration a immédiatement provoqué un tollé, que Stanislas Guérini a tenté d'éteindre sur France Inter ce mercredi. « Le statut de la fonction publique, c’est la garantie de l’emploi. Je ne souhaite pas le remettre en cause », a-t-il déclaré, assurant qu’il n’était pas question de créer des « licenciements économique ».

Il a cependant insisté sur la nécessité d’une réforme. « La fonction publique ce n’est pas une entreprise privée. C’est un statut de la fonction publique. Je pense qu’il faut le préserver. (...) Est-ce que ça veut dire qu’il ne faut rien bouger ? Est-ce que ça veut dire que le statut doit être le statu quo ? Je ne pense pas », fait-il valoir. Avant d’évoquer, sur le sujet du licenciement, deux motifs possibles aujourd’hui dans le secteur mais très peu appliqués car « mal défini » selon lui : « l’insuffisance professionnelle », évoquée dans 13 procédures en 2022 et « la révocation pour faute », utilisée 222 fois.

« Les agents publics sont les premiers à me dire qu’ils veulent un système qui soit juste, qui récompense mieux l’engagement, qui puisse justement récompenser le travail et qui au fond soit capable de distinction. Je tire cette inspiration au fond de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce sont des vertus, ce sont des talents », a-t-il souligné.

Le « statu quo » qui n’en est pas un ?

Ces arguments ont cependant été rapidement mis à mal, notamment sur l’absence d’évolution présumée et sur le « statu quo » dans le régime de la fonction publique. En 2019 notamment, le gouvernement d’Édouard Philippe avait déjà porté une loi de « transformation » de la fonction publique, actant notamment la suppression de l’ENA et toujours décriée par les syndicats.

En parallèle, de multiples décrets portant sur des modifications très précises ont aussi été publiés. En 2019, dans son ouvrage Le statut de la fonction publique : protection ou immobilisme ? , le professeur de droit public Antony Taillefait estimait déjà à 300 le nombre de modifications des statuts enregistrés depuis 1986. Une estimation à revoir obligatoirement à la hausse puisqu’en août 2022 un décret a été publié sur l’organisation des carrières des fonctionnaires de la catégorie B ; puis un autre fin décembre 2023 sur l’assouplissement du mécanisme de promotion interne des agents des collectivités territoriales selon une rapide recherche non exhaustive.

En parallèle, les oppositions, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, ont raillé les propos du ministre sur les licenciements pour insuffisance professionnelle. « Pour ma part, je veux qu’on lève le tabou de l’incompétence de ce gouvernement », a ironisé la députée LFI Clémentine Autain sur X, quand Olivier Marleix, président du groupe LR à l’Assemblée, demandait « sans malice » sur franceinfo « est-ce que cela vaudra pour les ministres incompétents ? », en référence à la gestion budgétaire de Bruno Le Maire critiquée par la droite.

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