Standard & Poor dégrade la note de la France, Bruno Le Maire exclut toute hausse d’impôt

Bruno Le Maire en avril 2024.
BERTRAND GUAY / AFP Bruno Le Maire en avril 2024.

ÉCONOMIE - C’est un mauvais signal, dont le gouvernement se serait bien passé, à neuf jours des élections européennes. La France a subi la première dégradation de sa note souveraine par Standard & Poor’s depuis 2013 : la note de la France est passée du troisième cran, AA, au quatrième : AA-, a annoncé l’agence de notation dans la soirée du vendredi 31 mai.

Après la note de Standard & Poor’s, la Macronie sous pression (mais pas toute seule)

Cette rétrogradation sanctionne la hausse du déficit public de la France. Et l’agence de notation américaine ne croit pas, à ce stade, au rétablissement des comptes promis d’ici la fin du mandat d’Emmanuel Macron en 2027. Plus précisément, Standard & Poor’s estime que le déficit ne sera pas ramené sous 3 % du PIB en 2027, comme le gouvernement le prévoit, et table plutôt sur un déficit à 3,5 % à cette date.

Le dérapage surprise du déficit public de la France pour 2023, à 5,5 % du PIB (Produit intérieur brut), au lieu de 4,9 % attendus, n’a pas joué en la faveur d’Emmanuel Macron, selon le rapport détaillé publié pour expliquer cette dégradation. Standard & Poor’s salue certes l’adoption de plusieurs de ses réformes (retraites, assurance chômage), mais elle estime que la dette publique française en proportion du PIB ne va pas cesser d’augmenter, pour atteindre 112 % du PIB d’ici 2027 - contre 109,9 % en 2023 « en raison des déficits plus importants que prévus en 2023-2027 ».

« Pas d’impact »

Concrètement, cette dégradation ne devrait pas conduire à augmenter les taux auxquels la France emprunte sur les marchés mondiaux. Avec un double A même suivi d’un signe moins, la capacité de la France à honorer les échéances de sa dette reste encore « très forte » selon les critères de l’agence de notation.

Mais le signal est fort, car cette évaluation indépendante des finances publiques françaises, reste très suivie et commentée. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, n’a pas manqué de réagir immédiatement vendredi soir dans une interview au Parisien. « Il n’y aura pas d’impact sur le quotidien des Français. (...) Nous restons à un niveau de notation très bon. C’est comme si nous étions passés de 18 à 17 sur 20 ! Notre dette trouve facilement preneur sur les marchés », veut rassurer le ministre, en poste depuis 2017.

S’exprimant à nouveau samedi 1er juin, interrogé sur le sujet pendant 23 minutes sur BFM, Bruno Le Maire a aussi promis qu’il « n’y aura pas d’augmentation d’impôts » en 2025.

« Face au Covid, nous avons dépensé pour bien protéger. Ces dépenses indispensables ont évidemment augmenté la dette. Mais elles nous ont aussi permis de sauver nos entreprises et nos emplois », s’était défendu Bruno Le Maire dans Le Parisien. « J’ai sauvé l’économie française », a-t-il répété en écho sur BFM samedi matin :

« Gestion catastrophique »

« Notre stratégie reste la même : réindustrialiser, atteindre le plein-emploi et tenir notre trajectoire pour revenir sous les 3 % de déficit en 2027 », a encore insisté Bruno Le Maire.

Des prévisions contre lesquelles plusieurs voix s’élèvent pourtant, à commencer par la Cour des comptes. Le Haut conseil des finances public a par exemple jugé en avril dernier que la nouvelle trajectoire de réduction du déficit public proposée par le gouvernement, qui vise un retour sous les 3 % du PIB en 2027, manquait de « crédibilité » et de « cohérence ».

Sans surprise, les oppositions à Emmanuel Macron ont saisi l’occasion de l’annonce de Standard & Poor’s pour éreinter la politique gouvernementale. « La gestion catastrophique des finances publiques par des gouvernements aussi incompétents qu’arrogants a mis notre pays dans de très graves difficultés cumulant records d’impôts, de déficit et de dettes », a écrit Marine Le Pen, cheffe des députés du Rassemblement National - le parti qui arrive largement en tête des intentions de vote aux Européennes du 9 juin prochain.

« Voilà où nous mène la piteuse gestion des finances publiques du duo Macron/Le Maire ! », a écrit sur X Eric Ciotti, président des Républicains, suivi de près par la présidente LR de la région Île-de-France Valérie Pécresse qui appelle au « courage » et à la « bonne gestion » pour une « remise en ordre dans nos comptes ».

Le président insoumis de la commission des Finances de l’Assemblée nationale Eric Coquerel a averti de son côté que le gouvernement allait « se servir de cette décision pour justifier de nouvelles coupes budgétaires ».

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