Zaïre-Emery, Camavinga, Gavi... Pourquoi tant de blessés lors de cette trêve internationale?

Zaïre-Emery, Camavinga, Gavi... Pourquoi tant de blessés lors de cette trêve internationale?

Camavinga, Zaïre-Emery, Vinicius, Gavi, Rashford… La troisième fenêtre internationale de l’automne, venue interrompre un calendrier déjà surchargé, est frappée de plein fouet par une hécatombe de blessures, plus ou moins graves selon les cas. Et le malheur des clubs dont les rangs s’en trouvent décimés n’est peut-être pas terminé, alors qu’une dizaine de matches internationaux à forts enjeux sont encore programmés ce mardi, entre les éliminatoires de l’Euro 2024 et les qualifications pour la Coupe du monde 2026 de la zone AmSud.

Les joueurs touchés par ces pépins physiques ont tous en commun le fait de disputer un maximum de compétitions (championnat, coupes nationales, coupes d'Europe...) avec leurs clubs respectifs quand ils ne sont pas appelés sous les drapeaux. A titre d’exemple, les joueurs du Paris Saint-Germain auront à peine le temps de souffler entre la réception de Monaco en Ligue 1 vendredi (21h), et l’accueil de Newcastle quatre jours plus tard, en Ligue des champions (mardi 28 novembre à 21h).

Contraint de mettre un terme à sa carrière internationale à l’âge de 29 ans, le champion du monde 2018 Raphaël Varane avait glissé un avertissement aux instances en guise de legs pour les futures générations, et lancé un cri du cœur dans les colonnes de Ouest France pour dénoncer les cadences insoutenables imposées aux joueurs.

"Sur le court terme, on peut faire le dos rond, mais à long terme, c’est juste impossible", jugeait le défenseur international.

"Évidemment qu'on joue trop de matchs, s’indignait de son côté Aurélien Tchouaméni lors du dernier rassemblement des Bleus. (...) Aujourd'hui, c'est rare d'avoir un seul match par semaine. Les organismes sont mis à rude épreuve. C'est aux instances de faire quelque chose et à un moment, ça va être à nous, joueurs, de taper du poing sur la table. (...) Pour un joueur, jouer 80 ou 90 matchs, ce n'est pas possible."

"La santé des joueurs est en danger", alertait déjà la Fifpro en 2019. Le syndicat des footballeurs travaille de longue date sur cette problématique du resserrement incessant des calendriers, et publie chaque année des rapports très circonstanciés. Il y a deux ans, la cadence la plus insoutenable a été attribuée à Luka Modric, qui aura disputé 24 matches d'affilée sans avoir plus de quatre jours de repos entre deux d'entre eux.

Dernier exemple en date? Le syndicat des joueurs Fifpro a critiqué en juin 2023 l'inflation des matches et des compétitions observée en 2022-2023, avec un Mondial en plein exercice. L'organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar en hiver a même été jugée responsable d'une augmentation de la gravité des blessures, selon une étude du groupe d'assurance Howden. Avec deux championnats particulièrement touchés: la Premier League et la Bundesliga.

La Fifa ne semble toutefois pas s’en émouvoir pour autant, pas plus que l’UEFA, malgré l’appel à "une réforme urgente" lancée par la Fifpro. Les deux organisations les plus puissantes du football ont même entériné l’extension de la Ligue des champions et du Mondial des clubs, avec toujours plus de matchs disputés.

"Les acteurs ne sont pas écoutés", soupire auprès de RMC Sport Nicolas Dyon, le préparateur physique du Borussia Mönchengladbach.

Pour l’adjoint de Gerardo Seoane, cela ne fait aucun doute: si la blessure relève de facteurs multiples, le facteur principal reste "le nombre de matches qui augmente chaque année".

La Fifpro a calculé que le Brésilien Vinicius a joué, à 22 ans (il en a 23 aujourd’hui), "près de 19.000 minutes", soit "deux fois plus que Ronaldinho au même âge". "On a pu calculer que Marcus Rashford avait disputé deux fois plus de matchs que David Beckham au même âge", confiait à nos confrères du Temps Maheta Molango, à la tête du puissant syndicat des footballeurs anglais (PFA).

L’intensité des matches ayant elle aussi augmenté, les joueurs sont d’autant plus exposés par ce rythme frénétique qui met les organismes à rude épreuve. Selon une étude relayée par la BBC, une augmentation de 96% des blessures aux ischio-jambiers a été relevée en Premier League par rapport à la saison dernière.

"Je ne suis pas surpris. C’est le groupe musculaire le plus fortement sollicité et par conséquent le plus lésé", souligne pour RMC Sport Loïc Damas, préparateur physique de l’AJ Auxerre.

Le calvaire du mois de novembre

Blessure la plus récurrente chez le footballeur depuis au moins dix ans, la lésion musculaire des ischio-jambiers est symptomatique de la congestion extrême du calendrier. "On manque de temps", déplore Loïc Damas. "Si on arrivait à respecter trois voire quatre jours entre deux matches, ce serait parfait, mais ça ne se passe pas comme ça. Les différents groupes musculaires n’ont pas le temps de récupérer. Ils s’exposent sur des exercices à haute intensité: sprint, accélération, décélération."

Le rythme frénétique peut-il en revanche expliquer à lui seul l’évolution inquiétante du nombre de blessures observée depuis le début de la saison, et plus particulièrement lors de cette trêve internationale?

"On sait que le mois de novembre est critique, et ce pour plusieurs raisons: on change de saison, il fait plus froid, il y a plus d’humidité, les terrains sont plus gras et n’offrent pas la même réaction aux glissades, aux changements de direction. On a aussi changé d’horaire, la luminosité n’est pas la même, la fatigue s’est accumulée", rappelle Nicolas Dyon.

Le préparateur physique du Borussia Mönchengladbach n’est pas le seul à évoquer les dommages importants infligés aux fonctions cognitives par une accumulation de fatigue (perte de concentration, manque de vigilance, le tout engendrant de mauvaises décisions…). La préparation invisible du joueur (nutrition, sommeil, récupération) entre, elle aussi, en ligne de compte, tout comme les facteurs psychosociaux.

"Quand un joueur a quelque chose qui change dans sa vie, ça peut être un nouveau contrat, une prolongation, un changement de statut, une promotion, une séparation, une naissance… Tout cela constitue un facteur susceptible de faire apparaître une blessure", souligne Loïc Damas, qui l’a constaté à plusieurs reprises avec l’AJ Auxerre, avec "des blessures qui interviennent sur des moments de vie", après un choc émotionnel.

"Le jeune Warren Zaïre-Emery est promu chez les A, et célèbre sa première titularisation. Est-ce que, si la même chose lui arrive chez les Espoirs, la blessure est aussi grave? Je ne sais pas", s’interroge le préparateur de l’AJA. "Il y a tellement d’éléments qui font qu’une blessure peut survenir, mais la cadence des calendriers est un facteur que l’on pourrait contrôler facilement. Il faudrait réduire les cadences", plaide Nicolas Dyon. Ce que les plus hautes instances du football ne semblent pas envisager.

Article original publié sur RMC Sport