UFC Paris: comment le consultant Taylor Lapilus a aidé Taylor Lapilus le combattant

Il n’en croyait pas ses oreilles. "Je me suis dit que j’étais maudit…" Quand Taylor Lapilus a appris à moins d’une semaine de l’événement le forfait de Muin Gafurov pour leur combat prévu ce samedi soir à l’UFC Paris, le combattant français a cru voir le ciel lui tomber sur la tête. Il avait déjà raté le premier UFC Paris, en septembre 2022, en raison d’une blessure au poignet. Allait-il aussi manquer la deuxième édition? La chose aurait été terrible. Mais l’UFC a trouvé une solution. Un autre forfait – Lucas Almeida, qui devait affronter William Gomis – a permis un chassé-croisé qui arrangeait tout le monde: Gomis se retrouve face à Yanis Ghemmouri chez les -66 kilos alors que l’adversaire de ce dernier, l’Irlandais Caolan Loughran, finit par se retrouver en face de Lapilus chez les -61 kilos.

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Ouf. On oublie la mauvaise surprise. Sept ans après, presque jour pour jour, "Double Impact" va enfin faire son retour dans la plus grande organisation de MMA à travers la planète. Arrivé à l’UFC en avril 2015 à tout juste 23 ans, avec le statut de plus jeune Français jamais signé par l’organisation (record depuis battu par Farès Ziam), signe trois victoires contre une défaite en un peu plus d’un an. Mais l’UFC décide de s’en séparer et le coupe. "A ce jour, je ne sais toujours pas pourquoi", explique Lapilus dans le RMC Fighter Club. Son sponsor principal, Reebok, emboîte le pas et le lâche aussi. Son rêve vient de s’écrouler. Il va longtemps batailler pour le revivre. Le frère de Damien part combattre partout où il le peut.

Il prend deux ceintures en Allemagne, au GMC, et une au Canada, au TKO (où a débuté Ciryl Gane). Entretemps, il connaît le défaite – sa dernière en date, en septembre 2018 – en Russie, au RCC. L’UFC ne se rapproche plus et l’homme est touché. "Il y a eu des moments où je me suis dit que c’était mort. Mais le doute fait partie de l’histoire. Il n’y a pas d’histoire qui commence bien, se passe bien tout le long et finit bien. Il y a forcément des moments de difficulté mais ils vous forment à être prêt pour les grands rendez-vous. J’en ai eu, ça n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, et j’en aurais d’autres mais on fera face avec mes proches comme toujours. Un de ces moments où j’ai douté, c’est après ma défaite en Russie. Je me suis dit que je ne retournerais plus à l’UFC. C’est juste après ce combat que je commence à travailler avec mon coach mental, Eric Kara. Il fallait me remettre sur les rails."

Ares, l’organisation française montée par son coach Fernand Lopez, a devenir sa nouvelle maison de combattant. Qui va lui offrir un moment inoubliable : gagner un titre devant les siens, en avril 2022 à Paris, avec sa mère qui monte le rejoindre après le combat pour lui tendre la ceinture. Ce n’est pas le Graal sportif de l’UFC. Mais c’est fort. Très fort. "C’est ce qui va rester à la fin, les souvenirs, les gens qui ont contribué au voyage. On se souvient des résultats mais ce qui reste, c’est l’expérience humaine vécue. Il faut en profiter et kiffer." Malin et prévoyant, deux caractéristiques qui se retrouvent dans son style de combat ("J’évite de prendre des coups, je ne veux pas finir dans une étude future sur les dégâts à long terme du MMA"), Lapilus profite de toutes ces années pour construire au-delà de la cage.

Il monte des business, notamment dans la restauration, pour déjà préparer l’après-carrière. Ce qui lui permet de lâcher aujourd’hui une phrase que peu de ses collègues peuvent prononcer: "Je n’ai plus besoin de combattre pour vivre !" "On n’est pas dans le football, rappelle-t-il. Peu de combattants gagnent assez pour ne plus rien faire après. Il faut préparer ça pendant sa carrière." L’autre face de se plan tient en un rôle: consultant. Lapilus intègre RMC Sport et se met à commenter des événements MMA avec son binôme, le spécialiste Antoine Simon. Ils en ont aujourd’hui cumulé des centaines. Les horaires nocturnes ne sont pas toujours faciles à gérer – il a arrêté en août pour ne pas perturber sa préparation pour l’UFC Paris – mais l’apport pour le combattant est énorme.

"J’ai beaucoup évolué sur ma compréhension du MMA, explique-t-il. Sans s’en rendre compte, beaucoup de combattants ne connaissent pas bien les règles d’un combat de MMA. Ils ne comprennent pas comment ne pas perdre et comment gagner, surtout quand on arrive sur une décision. J’ai beaucoup évolué sur ça, sur cette perception de comment gagner un combat. Ça m’a aidé car chaque week-end, tu vois des gens commettre des erreurs des gens faire des trucs où tu te dis: ''Mais pourquoi il fait ça? Je ne comprends pas, ça me dépasse!'' Si je n’avais pas eu ce côté-là, je ne suis pas sûr que j’aurais pu autant identifier certaines problématiques stratégiques dans le MMA."

Et de poursuivre: "C’est ce qui m’a beaucoup aidé et la partie dont j’ai le plus appris en tant que consultant, ce côté stratégique, les erreurs à ne pas faire comme les temps de contrôle qui durent ou ce genre de choses, tous ces détails qui mis bout à bout font qu’on perd un combat et qu’on se demande pourquoi. Ça m’est d’ailleurs arrivé dans le passé, perdre sans comprendre ce qui s’était passé. Ce rôle m’a aidé à identifier les petits malins qui pourraient mettre en place des stratégies dans ce sens." L’UFC Paris en est un parfait exemple. Placé face à Caolan Loughran en dernière minute, Lapilus a un avantage: il a commenté le combat de l’Irlandais quand il a remporté la ceinture des -61 kilos du Cage Warriors. De quoi avoir un temps d’avance sur son adversaire niveau analyse.

Sept ans après, "Double Impact" va retrouver les lumières de l’UFC. Avec ambition qui reste haute. "J’ai l’impression que mon prime est devant moi. Et cette impression se confirme avec mon palmarès car j’ai eu de meilleurs résultats avec le temps. Et malgré tout, je n’ai pas pris trop de dégâts ni accumulé trop de blessures. D’autres combattants qui ont mon âge et qui ont émergé à la même période que moi, ils sont clairement sur la fin. Ce n’est pas mon cas. Mon équipe me dit la même chose. J’arrive dans mon prime, il n’est pas passé, et je suis très bien entouré pour performer."

Parti du MMA Factory de Fernand Lopez après de longues années de collaboration, "un très bon choix" selon lui car "ça ne se passait plus comme (il) le souhaitai(t)", Lapilus a retrouvé Johnny Frachey, son premier entraîneur de MMA, du côté de l’US Métro. Bien entouré, l’homme qui rêve d’affronter la légende Dominick Cruz, ancien champion de sa catégorie dont il a été "grand fan", ne revient pas à l’UFC juste pour se dire qu’il l’a fait. Il a faim, très faim, et il a du temps à rattraper alors qu’il n’a pas combattu depuis plus d’un an malgré un contrat UFC signé à l’été 2022.

"Il est passé par toutes les phases ces sept dernières années, résume Antoine Simon. A un moment, il voulait tout quitter et même déménager ailleurs, changer radicalement de vie. Mais il a mis en place quelque chose, il a une carrière qui existe, prometteuse, et il était encore jeune à l’époque où l’UFC l’a coupé. Là, il revient à 31 ans, il a encore de belles années devant lui. Il a douté pendant des années mais c’est un mal pour un bien. Ça lui a permis de progresser, d’ajuster, de corriger les erreurs, et aujourd’hui je pense qu’il est prêt." Jusqu’à avoir réaffirmé sa volonté de réaliser une grande première en passant du rôle de combattant à celui de consultant dans… la même soirée UFC. Action et réaction. "Double Impact", quoi.

Article original publié sur RMC Sport