UFC 288: Henry Cejudo, un retour pour écrire l’histoire

Il n’a rien perdu de son côté cringe. Ces dernières heures, en conférence de presse, Henry Cejudo a fait du Henry Cejudo. Des blagues qui tombent à plat, des coussins à l’effigie de son adversaire et de ceux qu’il souhaite combattre ensuite. Gênant, quoi. A l’image du personnage qu’il aime cultiver. S’il n’a rien changé sur ce plan, il faut maintenant voir s’il est resté le même dans la cage. Presque trois ans jour pour jour après sa dernière apparition dans l’octogone, Cejudo est de retour aux affaires pour un choc face au champion des coqs, Aljamain Sterling, en affiche principale de l’UFC 288 ce week-end dans le New Jersey.

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Un combat pour le titre après trois ans d’inactivité? Normal vu le concerné. A l’image de Jon Jones ou Georges St-Pierre, qui avaient combattu pour une ceinture après respectivement quatre et trois ans loin de la cage, Henry Cejudo (16-2 en carrière; 36 ans) n’est pas n’importe qui dans l’histoire de l’UFC. L’Américain est surnommé "Triple C". Comme triple champion. Médaillé d’or olympique de lutte en 2008 à Pékin, il s’est lancé cinq ans plus tard dans une carrière professionnelle en MMA qui l’a mené à devenir l’un des huit combattants à avoir remporté un titre dans deux catégories dans l’histoire de l’UFC. Et un des quatre – le dernier en date – à avoir porté ces deux ceintures en même temps après Conor McGregor, Daniel Cormier et Amanda Nunes.

Il a d’abord pris le titre des mouches en mettant fin en août 2018 au règne de Demetrious Johnson, un des meilleurs combattants de l’histoire, qui avait signé onze défenses de suite (record UFC qui tient toujours) de sa ceinture et qui l’avait battu au premier round deux ans avant, première de deux défaites . Après avoir sauvé la catégorie des mouches en battant T.J. Dillashaw, champion des coqs descendu pour prendre la ceinture d’une division que l’UFC avait imaginé faire disparaître, il avait rajouté en juin 2019 la couronne des coqs remportée en mettant TKO Marlon Moraes pour la ceinture vacante suite à la suspension pour dopage à l’EPO de Dillashaw.

Un titre défendu une fois, face à un Dominick Cruz que beaucoup voient comme le meilleur de l’histoire dans cette catégorie, avant de prendre sa retraite. A l’époque, mai 2020, personne n’y croit vraiment. On comprend vite que Cejudo se retire pour tenter de négocier de meilleures conditions. Mais l’arrêt durera trois ans. Avant un retour en forme de quête historique. "Triple C" a un plan précis, annoncé: récupérer le titre qu’il n’a jamais perdu contre Sterling, battre le challenger "vendeur" de la catégorie Sean O’Malley (Merab Dvalishvili, numéro 1 du classement des challengers qui ne peut pas affronter Sterling car ils sont coéquipiers d’entraînement et ami, aura aussi son mot à dire si Cejudo prend la ceinture) puis monter défier le roi des plumes, Alexander Volkanovski, pour tenter d’accrocher l’inédit.

S’il battait Volkanovski pour lui prendre son titre, le Californien deviendrait le premier combattant UFC à avoir régné dans trois catégories différentes. Une grande première qui pousse certains à se demander à quel point son nom remonterait dans la discussion pour le GOAT (le plus grand de tous les temps) de l’UFC si "Triple C" se transforme en "C4". Et s’il signe ces trois victoires avant la fin de l’année, ce qui reste compliqué niveau timing, il ne faudra sans doute pas chercher beaucoup plus loin pour désigner la meilleure année pour un combattant de l’histoire de l’organisation mastodonte du MMA… Cejudo serait alors aussi le premier combattant à remporter le titre dans deux catégories sur la même année civile. Bref, sa place dans les livres d’histoire prendrait un nouvel éclat.

En est-il capable? Il faut déjà passer l’obstacle Aljamain Sterling. Pas simple. Champion depuis mars 2021 sa victoire controversée sur Petr Yan (disqualifié pour coup de genou illégal), l’Américain d’origine jamaïquaine a depuis confirmé qu’il méritait sa couronne en battant à nouveau Yan – et de façon décisive cette fois – puis en roulant sur un T.J. Dillashaw touché à l’épaule. En progrès de sortie en sortie, "Funk Master" n’est surtout pas à prendre à la légère. Venu de la lutte, une discipline où Henry Cejudo est monté beaucoup plus haut, cette ceinture noire de jiu-jitsu brésilien peut se montrer très dangereux si le combat part au sol.

Moins efficace en striking, moins à l’aise en lutte, mais plus grand et plus puissant, Sterling a les armes pour infliger à l’ancien double champion sa troisième défaite en carrière. Et l’avantage d’évoluer "à domicile" dans le New Jersey, tout proche de son Etat de New York natal. Mais Cejudo, qui affiche une intelligence de combat bien au-dessus de la moyenne et la capacité à adapter son jeu en cours de combat (et de lui-même) si besoin, possède aussi celles pour le détrôner. Reste à savoir s’il sera touché par la "rouille du ring", expression qui symbolise une longue période sans combattre. Une question qui entourait aussi les retours des légendes St-Pierre et Jones.

Avec Cejudo, comme avec GSP à l’époque, on peut être rassuré d’avance. C’est comme s’il n’avait jamais disparu. Ces trois dernières années, il a accompagné de nombreux grands noms de la discipline pour du coaching: la championne des pailles Weili Zhang, l'ancien champion des mouches Deiveson Fugueiredo, le nouveau champion des lourds Jon Jones – avec cette célèbre vidéo où il lui explique l’enchaînement vers la guillotine qu’il placera sur Ciryl Gane pour remporter le titre des lourds après trois ans d’absence début mars – et même son ancien rival Demetrious Johnson, actuel champion des mouches du ONE Championship où il va sans doute disputer le dernier combat de sa carrière ce week-end pendant que Cejudo revient aux affaires.

Chaque fois qu’un combat pour le titre des coqs avait lieu, son nom était évoqué en possible prochain challenger. Il est toujours resté dans une ombre pas si obscure, quoi, mais il s’apprête désormais à retrouver la pleine lumière. Devenu père de famille entretemps, il revient aussi pour remplumer son compte en banque. Mais marquer encore plus l’histoire qu'il ne l'a déjà fait reste son principal objectif. Redeviendra-t-il champion trois ans après sa dernière apparition dans la cage? Peut-il aller chercher cette troisième couronne qui le placerait seul dans ce club? Il a beau être gênant, on a hâte de voir Henry Cejudo répondre à toutes ces questions.

Article original publié sur RMC Sport