Tour de France 2024: le Cantal promet de faire mal

Tour de France 2024: le Cantal promet de faire mal

La paisible vallée glaciaire du Mars dans le Cantal n’en est pas à un paradoxe près. Petite bande de terre arborée et encaissée aux portes de la Corrèze et du sud-ouest de la France, sa route verdoyante n’en mène pas moins vers les paysages lunaires rocailleux et venteux du Pas de Peyrol, 1589 m d’altitude et point culminant de la 11e étape du Tour de France 2024.

Une étape dans le Massif central, sans col hors-catégorie mais avec un dénivelé positif total de 4350 mètres soit le troisième plus important sur le Tour 2024, le premier étant réservé l’an prochain à une étape pyrénéenne et le second à une étape alpestre. Une occasion pour Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France, de marteler une fois de plus un slogan tiré d’une ancestrale titraille du mensuel Cyclisme Magazine dans les années 70 et qui lui est si cher : "La montagne, pas seulement les cols à plus de 2000 mètres".

Plusieurs pistes d’envol dans le final

Et en la matière le peloton sera servi le mercredi 10 juillet prochain. Car après une première partie d’étape sans difficulté majeure mais particulièrement usante faite de routes sinueuses étroites et toujours en prise ; les 50 derniers kilomètres s’annoncent déjà comme un tournant potentiel de cette Grande Boucle et pourraient sonner la fin des illusions pour quiconque ne sera pas dans un bon jour. "On sait que dans le peloton certains sont capables d’attaquer de très loin" poursuit Christian Prudhomme. "Là il y a des pistes d’envols à 50, 40 et 20 km de l’arrivée, j’espère qu’ils sauront s’en servir."

Premier acte de ce final déjà annoncé comme ébouriffant, les coureurs devront d’abord arpenter les routes forestières du quasi anonyme Col de Néronne (1242m), une ascension de 3,800 km à 9.1 % de moyenne. Déjà franchi en 2020 dans une étape remportée par le Colombien Daniel Felipe Martinez au Puy Mary. Le traceur du Tour Thierry Gouvenou voulait absolument le faire figurer au parcours de cette 11e étape, malgré le léger détour d’itinéraire que celui-ci représentait.

Comme Virenque en 2004

"Ce jour-là il faut s’attendre à un gros rythme sur plus de 160 km avant d’arriver dans ce col, et ensuite ce sera une question de jambes. On a des pentes jusqu’à 12 voire 13 % et c’est déjà un endroit pour faire une première sélection entre les leaders", explique-t-il. Rappelons qu’en 2020 justement, c’est dans ce col, déjà placé dans le final, que le groupe de tête avait explosé, et que plusieurs favoris pour le général dont Romain Bardet et Guillaume Martin avaient été distancés.

Second acte de ce final, après une partie plate et une courte descente technique, les coureurs devront s’enquiller la deuxième grande difficulté de la journée, avec donc la très âpre montée du Puy Mary via le col du Pas de Peyrol (1589 m). Très réputé chez les cyclistes amateurs pour ses 5,400 km à 8.1 % de moyenne, le Tour de France y est déjà passé 11 fois depuis 1959 et avait notamment permis à Richard Virenque en 2004 de se défaire d’Axel Merckx avant d’aller remporter une étape marathon de 237 kilomètres entre Limoges et Saint-Flour.

Encore deux cols sur les 27 derniers kilomètres

"Dans ce col, les pourcentages maximums sont très importants (autour des 14%, NDLR) avec deux derniers kilomètres très raides, et propices aux attaques", analyse Thierry Gouvenou. "On n’est pas dans la haute altitude, mais pour les puncheurs grimpeurs c’est un terrain idéal pour attaquer, jauger les autres coureurs, et on espère qu’ils en profiteront pour s’exprimer. D’autant que derrière on a une descente très technique." Une descente de 10 km à tombeau ouvert qui, rendue glissante par la pluie en 2011, avait coûté très cher au Kazakhstanais Alexandre Vinokourov, victime d’une chute et de plusieurs fractures au fémur et au bassin.

"Ici on arrive en haut de la montagne"

Passées ces deux difficultés, le peloton n’en aura pas tout à fait fini avec les ennuis, puisqu’il devra encore s’enquiller le presqu’inconnu col du Perthus (4,4 km à 7.9%) placé à 15 km de l’arrivée, puis le moins exigeant Col de Front de Cère (3,3 km à 5.8%) en toute fin d’étape pour une arrivée au Lioran avec une ultime petite rampe d’un kilomètre à 4%.

Au-delà du terrain de jeu sportif particulièrement sympathique proposé au peloton ce jour-là, les organisateurs tenaient également à revenir dans le Cantal, trois ans après leur dernier passage, pour des raisons purement esthétiques. Le traceur du Tour Thierry Gouvenou, fin connaisseur des routes françaises à force de les arpenter pour effectuer des reconnaissances de tracé, apprécie particulièrement celles de ce petit coin du Massif central.

"A chaque fois qu’on vient ici, on a toujours des paysages incroyables, pas les mêmes que dans les Alpes ou les Pyrénées. Ici on arrive jusqu’au sommet de la montagne c’est là où c’est différent. On domine tout le reste, il y a des falaises sur les côtés qui montrent les pentes, c’est vertigineux."

Le Lioran a toujours consacré des Belges

Un retour dans cette terre du sud de l’Auvergne qui fait bien sûr le bonheur des Cantaliens, le président du conseil départemental Bruno Faure en tête. "On est très fiers d’accueillir le Tour. C’est une fête populaire, et une magnifique vitrine pour nous", explique l’élu. "C’est une étape 'carte postale' dans un département qui peut se targuer d’avoir un nom connu de tous même si on ne sait pas forcément où il se situe. Le Cantal, c’est un fromage, une cité, une montagne. Maintenant le scenario idéal serait qu’un Français s’empare du maillot jaune au Lioran sous un soleil magnifique."

Rappelons malgré tout que les podiums lors des arrivées au Lioran sur le Tour de France ont toujours été trustés par les Belges. En 1975, Michel Polentier y avait remporté une étape, avec en jaune ce jour-là Eddy Merckx. Et en 2016, le futur champion olympique de Rio, Greg van Avermaet, avait fait coup double, en y levant les bras et en s’emparant de la précieuse tunique. Et dire que cette étape de 2024 correspond parfaitement sur le papier aux qualités de Remco Evenepoel...

Article original publié sur RMC Sport