Ski alpin: "Je suis content d’être là mais je ne suis pas là pour m’amuser", prévient Adrien Théaux

Adrien, comment vous sentez-vous à l'abord de cette 18e saison ? Vous êtes un peu l'ancien en quelque sorte...

Le plus ancien de la fédération et le plus ancien sur le circuit. J’ai remplacé Johan Clarey, je le prends très bien ça me fait rire, c’est même gratifiant. Je me sens plutôt bien, il y a eu une préparation tronquée par les conditions météo, mais comme pour toutes les nations. Malgré ça, je suis assez content du peu de ski que j’ai fait, j’ai retrouvé un bon niveau technique, j’ai encore besoin de faire des kilomètres pour me roder sur les réglages mais je me sens plutôt bien. Je suis content d’être là mais je ne suis pas là pour m’amuser. Si je suis là c’est pour jouer devant.

A 39 ans, quel est le secret, notamment mental, pour repartir au charbon une saison supplémentaire malgré l'âge et les blessures ?

Il faut se faire violence quand même car aller au charbon ce n’est pas simple que ce soit d'un point de vue mental ou physique. Mais c’est la passion qui fait que je suis encore là. J’aime ce que je fais, je trouve qu’on a une chance inouïe de faire du ski, je suis passionné par mon sport, par tout ce qu’il y a autour, et je me sers de ça. J’ai une chance énorme, je me le dis, et c’est ça qui m’anime. Et si je fais du ski c’est aussi pour avoir des sensations, et ces sensations je les ai toujours même à 39 ans. Il y a de l’adrénaline qui est plus ou moins difficile à accepter. Certains jours en étant plus vieux, surtout avec les blessures que j’ai eues, c’est moins facile, mais quand je suis bien, je joue ma chance à fond. Et puis j’ai voulu refaire une saison, ce n’est pas pour rien.

Votre quatrième place l’an passé à Val Gardena juste avant Noël vous a encouragé à continuer ?

De toute façon, l'hiver dernier, je ne voulais pas revenir juste pour une saison, après ma grave blessure, sauf éventuellement si j’avais trop de soucis mentaux et que je n’arrivais pas à passer le cap de prendre des risques. En descente, prendre le départ c’est facile, mais prendre le départ pour jouer devant et mettre mentalement ce qu’il faut en place pour jouer devant, c’est-à-dire prendre des risques assez importants, c’est plus compliqué. L’an passé j’avais du mal à le faire à chaque course, mais quand je le faisais ça marchait plutôt très bien. Et quand j’étais dans mon canapé, blessé, l’année d’avant, je me disais que je ne voulais pas rester à cette place-là. Donc je suis revenu, et ce retour s'est bien passé.

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Cette saison, quels seront les objectifs ?

Le but c’est toujours de jouer devant. Vraiment sur cet hiver, le but c’est de remonter sur le podium. Je suis passé à deux doigts l’an passé. Je ne ferai sûrement pas des podiums à chaque fois cette année, mais ça reste le but. Et puis il y a des moments clés dans la saison comme Kitzbühel, que j’ai notés.

Après 17 saisons sur le circuit, et au début de votre 18e, comment jugez-vous son évolution ?

Le ski a changé techniquement, les règlements ne sont plus les mêmes sur le matériel, et puis il y a eu aussi des évolutions technologiques sur les skis, en slalom ou en descente. Quand on compare les images d’il y a 20 ans et d’aujourd’hui ça a complètement changé. Du coup les tracés ont changé, ça tourne beaucoup plus, mais en même temps on va plus vite. Les attitudes sur les skis aussi ont changé. Nous on s’est adapté et amélioré techniquement.

Et le monde du ski de manière plus générale ?

Il y a peut-être un peu moins de rivalités entre certaines nations. Dans les années 2000, les Autrichiens plaçaient parfois 8 ou 9 mecs dans les 10. Avec les Français et notamment Luc Alphand notamment c’était la vraie guerre. Je pense qu’aujourd’hui l'entente est meilleure.

Quand on voit les succès d’audience de certains sports comme la Formule 1 notamment qui a aussi su se renouveler d’un point de vue purement télévisuel, on se dit que le ski a raté quelque chose ?

Il n’y a peut-être pas eu assez de changements pour certaines choses en effet. On pourrait faire évoluer la descente pour que ce soit plus attractif à la télé. Ça manque, et je pense oui qu’on a loupé un tournant. Ils essayent, ça s’améliore, mais quand on compare avec la F1 ou la MotoGP, ils ont tellement de technologies embarquées, le public est intégré dans les courses, il y’a plein d’informations et je trouve ça génial. C'est vrai que ça manque un peu chez nous. C’est moins facile à mettre en œuvre dans le ski alpin, mais c’est faisable.

Entre ce genre de détails et la sempiternelle question du réchauffement climatique, y a-t-il de la crainte de voir votre sport un peu tomber en désuétude ? En France ça ne déchaîne pas les passions…

Je ne pense pas que le ski soit fini, loin de là. Sur le long terme on verra, mais là pour le coup en ce début d'hiver on a encore beaucoup de neige. C’est sûr après qu’il faut qu’on fasse attention à notre sport et à notre environnement. Je pense que c’est quand même un sport très pratiqué en Europe et ailleurs. C’est un plaisir, les gens adorent venir au ski, c’est magique, les sensations sont exceptionnelles, mais il faut continuer à le rendre attractif, et je pense qu’il y a moyen de faire mieux. La Fédération internationale soit se bouger car on se fait rattraper par des sports qui avaient eu des soucis en termes d’audiences et qui remontent. Comme en cyclisme sur piste avec la Ligue des champions qui a rendu les choses plus attractives en créant un vrai show.

Et comment faire ça en ski ?

Avec des formats de courses différents. Il y avait eu il y a quelque temps l'idée de faire un combiné avec un descendeur et un slalomeur. Ils ne l’avaient pas fait car en termes de calculs de points et de classements pour la Coupe du monde ça aurait été compliqué. Mais sinon il faut raccourcir les formats. Quand tu vois la descente de Wengen, c’est magnifique mais c’est trop long à regarder même pour nous les skieurs. Quand on met une heure et demie pour faire même pas passer les 30 premiers skieurs c’est trop long.

Les slaloms et slaloms géants nocturnes existent déjà, mais l'idée de descentes en nocturne aussi, ça pourrait vous séduire ?

Oui. Je suis fan des slaloms nocturnes, et une descente en nocturne ça pourrait justement être un vrai show. Il y a des pistes éclairées. Sur des formats raccourcis, ce serait top. En plus ce serait moins dangereux. Avec l’éclairage le soir on y voit mieux parfois que quand c’est jour blanc sur les courses en plein jour. Donc ça pourrait marcher.

Article original publié sur RMC Sport