"Seul face à une peine qu'on ne peut pas consoler": les ministres face au deuil de leurs administrations

Après plusieurs décès de fonctionnaires dans le cadre de leur profession, plusieurs membres du gouvernement sont montés au front à l'instar de Gérald Darmanin et de François Braun. Leur position est délicate, entre soutien évident et risque de récupération politique.

Trois policiers tués dans un accident de la route dans la métropole lilloise dimanche, une infirmière décédée après une attaque au couteau ce mardi au CHU de Reims... Les deuils touchant des agents publics se sont multipliés ces derniers jours, poussant les ministres à afficher leur chagrin face à leur administration endeuillée. Avec la difficulté de trouver la posture idéale.

"On est seul face à une peine qu'on ne peut pas consoler. Ça dépasse la politique et on se sent impuissant", soupire un ancien conseiller ministériel passé par le ministère de l'Intérieur lors du précédent quinquennat auprès de BFMTV.com.

Des hommages à géométrie variable

"Il y a des ministères où vous savez que vous y serez confronté. À l'Intérieur, à la Défense, ce sont des passages obligés. On s'y prépare quand on y arrive, mais ce n'est pas moins difficile", reconnaît encore un collaborateur. Si la peine est partagée, chaque ministre gère les choses à sa façon.

Après le drame qui a touché les gardiens de la paix, Gérald Darmanin s'est rendu à Roubaix dans leur commissariat dans la foulée tandis qu'Emmanuel Macron sera sur place ce jeudi aux côtés du patron de la place Beauvau.

Le ministre de la Santé François Braun s'est rendu lundi soir à Reims, avant l'annonce du décès de l'infirmière. Mais la minute de silence a eu lieu le lendemain à Paris depuis un salon professionnel de santé. Élisabeth Borne s'est rendue, elle, ce mercredi matin pour un moment de recueillement à l'hôpital Pompidou à Paris.

"Soutien" sans "récupération politique"

Même mode opératoire pour Pap Ndiaye. Après la mort d'une enseignante espagnole dans un lycée de Biarritz poignardée par un élève en février, le ministre de l'Éducation nationale avait préféré honorer sa mémoire depuis un collège d'Albertville le lendemain.

"C'est compliqué parce qu'on se doit d'être présent en soutien et en même temps, on ne doit surtout pas sembler faire de récupération politique", décrypte un cadre de la majorité.

Avant d'ajouter: "faire un hommage dans un autre lieu permet parfois de montrer son émotion tout en gardant une certaine distance et en montrant que c'est un événement qui dépasse le cadre local", décrypte un cadre de la majorité.

"Difficile humainement"

La manœuvre a également l'avantage de préserver un peu le ministre, parfois confronté à l'indicible. En 2015, le ministre des Transports Alain Vidalies se rend à Puisseguin, un village de Gironde, sur le lieu du plus grave accident de la route depuis 1982, avec 42 morts. Certains corps, très abîmés, mettront plus de trois semaines à être identifiés.

"Il faut bien être conscient que c'est difficile humainement d'affronter la mort de dizaines de personnes dans son périmètre. Les politiques sont aussi des êtres de chair et de sang", raconte l'un de ses collaborateurs de l'époque.

"Frontière floue"

La tension monte encore un peu plus quand les proches de l'agent tué invitent le ministre à l'enterrement. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu s'est ainsi rendu en Guyane mi-mai pour présider les obsèques d'un soldat décédé dans une opération de lutte contre l'orpaillage illégal.

"On le fait quand les familles le demandent et ont besoin de soutien et c'est difficile, souvent très difficile. On est à la frontière entre le rôle d'un ministre ou d'un élu et une posture plus personnel", raconte un ancien député qui a vu sa circonscription endeuillée après un accident de la route qui impliquait un fonctionnaire.

Un conseiller ministériel, lui, nie toute difficulté à trouver une position équilibrée. "On a la sphère publique avec des hommages et la sphère privée avec les obsèques. C'est aussi simple que cela", veut croire un habitué des coulisses du pouvoir.

Article original publié sur BFMTV.com

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