"Il s'est battu lui-même": Souleymane Cissokho analyse la nouvelle défaite de Tony Yoka et évoque son avenir

Quel est votre regard sur cette nouvelle défaite de Tony Yoka ?

Je suis très peiné. C’est un combat qui était dur face à un adversaire solide, explosif, qui a un peu bloqué Tony. Je suis peiné, oui. C’est quelqu’un qu’il faut accompagner et soutenir après ce combat.

Son entraîneur a remis en question le verdict des juges. Qu’en pensez-vous ?

Tout dépend de la façon dont on voit le combat. C’est vrai que Tony a lancé beaucoup de jabs, mais Merhy a été beaucoup plus précis, beaucoup plus puissant. Je pense honnêtement que Ryad est un peu au-dessus sur ce combat.

Yoka s’est-il planté au niveau de sa préparation physique ?

Je pense qu’il y a beaucoup de choses à dire. Tony, lorsqu’on l’a connu, quand il était dans la force de son âge, le rythme était en 3x3 minutes. Là il fait 10 rounds en pro, ou parfois 12, ce n’est pas du tout le même format. Est-ce qu’il faut approfondir sa prépa physique ? Je pense que oui. Parce qu’à la fin il n’a pas délié ses coups, il n’a pas été plus explosif que d’habitude. Donc oui il y a du travail. Mais ce qui fait le plus mal, c’est que là Tony a changé de staff, de préparateur physique, de coach, et ce sont un peu les mêmes choses qui reviennent. Je ne sais pas…

Vous savez en pro, ce qui est délicat c’est qu’on boxe au maximum une, deux, trois voire quatre fois par an. Ce n’est pas le même rythme qu’en boxe olympique. Là en pro, une défaite, on coupe un moment parce qu’il se passe beaucoup de choses, on peut faire une petite dépression… Revenir pour préparer un combat, c’est compliqué. Il faut être professionnel tout au long de l’année. Si on se limite à se préparer juste pour le fight, c’est compliqué d’être à 100%.

Quel avenir pour Yoka après cette troisième défaite ? Doit-il arrêter ?

Aujourd’hui il y a un gros travail mental à faire, mais Tony a toutes les capacités pour être parmi les meilleurs poids lourds. Honnêtement je pense que sur ses trois défaites, les adversaires de Tony n’ont pas été meilleurs que lui. Tony s’est battu lui-même. Tony reste un excellent boxeur, mais aujourd’hui il boxe face à l’ombre de lui-même, c’est le souci. Après, arrêter, non. Tony est encore jeune (31 ans), les poids lourds sont une catégorie à maturité tardive. Il va se remettre en question, il va travailler, peut-être qu’il va encore changer de staff, je ne sais pas. Mais Tony, il vit pour la boxe. Arrêter, ce serait vraiment très dommage.

Sera-t-il capable de relever la tête ?

On peut se poser des questions sur la suite de sa carrière, mais Tony a déjà connu la défaite en boxe olympique et les plus grands champions ont aussi connu la défaite. Tout dépend de la manière. Il a pris des coups puissants, il manque quelque chose. Je pense qu’il aurait eu besoin de plus de temps ou d’un adversaire "moins fort" pour se remettre dedans. Mais je pense qu’il faut quand même le soutenir. Ça reste un champion. On ne va pas effacer son passé. Il faut qu’il aille de l’avant. Il a les qualités athlétiques pour être parmi les meilleurs. Après, se relever après une troisième défaite, ça va être très, très, très dur.

A-t-il encore une chance de devenir un jour champion du monde des lourds ?

On était ensemble avec Tony en équipe de France avant qu’il devienne champion du monde. Et la fédération ne croyait plus trop en lui. Il est revenu, il s’est remis en question, il est devenu champion du monde et il s’est qualifié pour les JO. Ça lui a fait du mal, mais il peut revenir. Il l’a déjà fait, à un moment où on ne croyait plus en lui. Il peut revenir.

Article original publié sur RMC Sport