Roland-Garros, temple du « kairos »

« L’heure de la décision » (« Kairos »), de Francesco de Rossi (vers 1544). - Credit:Photo © Fine Art Images / Bridgeman Images
« L’heure de la décision » (« Kairos »), de Francesco de Rossi (vers 1544). - Credit:Photo © Fine Art Images / Bridgeman Images
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Difficile, en regardant les matchs des Internationaux de France, et en admirant les frappes millimétrées, parfois très osées, que tentent, de chaque côté du filet, ces Titans bataillant sur terre battue, de ne pas penser au concept, essentiel dans la civilisation grecque, de kairos. Le mot, chez Homère notamment, a commencé par désigner une zone vitale du corps humain, avant de caractériser un moment crucial du temps : celui, ni trop tôt ni trop tard, où il faut agir si l'on veut s'assurer du succès dans ce que l'on entreprend. Le kairos, c'est un temps à l'intérieur du temps, un point de bascule, un instant propice qu'il faut savoir reconnaître lorsqu'il apparaît, et ne pas le rater. D'où l'apparence si particulière que l'on donnait dans l'Antiquité à cette notion, que certains artistes personnifiaient sous la forme d'un jeune homme au crâne tout lisse, sauf sur le devant de la tête, ornée d'une longue touffe de cheveux. Un peu comme un pompon dans un manège, celle-ci symbolise l'occasion à saisir quand elle passe devant vous. Du coup, on comprend mieux ce geste récurrent que font les tennismen de Roland-Garros quand ils marquent un point décisif : ils serrent le poing avec force et l'agitent lentement. On ne le voit pas, mais eux le savent : ils viennent de saisir le kairos par les cheveux.