Qu’est-ce que l’abaya, ce vêtement qui va être interdit dans les écoles à la rentrée

Qu’est-ce que l’abaya désormais interdite dans les écoles après une annonce de Gabriel Attal. (Photo d’illustration de Gabriel Attal, ministre de l’Education nationale prise le 17 août 2023 dans une école de Saint-Denis à la Réunion)
Qu’est-ce que l’abaya désormais interdite dans les écoles après une annonce de Gabriel Attal. (Photo d’illustration de Gabriel Attal, ministre de l’Education nationale prise le 17 août 2023 dans une école de Saint-Denis à la Réunion)

POLITIQUE - Après la polémique récurrente, la décision politique. « On ne pourra plus porter d’abaya à l’école », dès la rentrée de ce 4 septembre, a annoncé ce dimanche 27 août sur TF1 le ministre de l’Éducation Gabriel Attal, à quelques jours de sa première rentrée scolaire à la tête de son ministère. Un homme qui dit vouloir donner des « règles claires au niveau national » aux chefs d’établissement scolaire.

Le ministre, interrogé sur ce sujet polémique depuis plusieurs mois après des incidents liés aux ports de ces tenues, a annoncé souhaiter s’entretenir « dès la semaine prochaine » avec les responsables d’établissements scolaires pour les aider à appliquer cette interdiction.

Mais qu’est-ce que l’abaya et pourquoi pose-t-elle autant de soucis au ministère de l’Éducation ? On fait ici le point.

L’abaya, un signe religieux ou non ?

L’abaya est un long vêtement féminin qui couvre l’ensemble du corps, à l’exception du visage et des mains, rapporte Le Robert. La question du port de ce vêtement a déjà fait l’objet d’une circulaire de l’Éducation nationale en novembre dernier.

Dans ce texte, les abayas sont considérées - comme les bandanas et jupes longues, également cités - comme des tenues pouvant être interdites si elles sont « portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse ».

Toutefois, selon le Conseil français du culte musulman (CFCM), l’abaya n’est pas un signe religieux musulman. « Dans la tradition musulmane, que nous défendons, un vêtement quel qu’il soit n’est pas un signe religieux en soi. Il suffit de parcourir les pays à majorité musulmane pour se rendre compte que les citoyens de ces pays, de toutes confessions, ne sont pas distinguables par les vêtements qu’ils portent », expliquait le CFCM en juin.

En France, selon la loi du 15 mars 2004, « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit », une circulaire précisant ces signes « le voile islamique (..) la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive ».

De la difficulté de « l’appréciation du caractère religieux »

Toutefois, le port de l’abaya est « plus ambivalent qu’un voile » selon Haoues Seniguer, maître de conférences à l’IEP de Lyon et spécialiste de l’islamisme.

Ainsi, Interrogé à ce sujet à sa sortie de l’Assemblée nationale le 7 juin, Pap Ndiaye, ancien ministre de l’Éducation nationale avait rappelé que « l’appréciation du caractère religieux, ou pas, ce sont les chefs d’établissement qui doivent l’apporter ».

Or n’est pas toujours évident de différencier l’abaya de vêtements non-religieux. Interviewé par Le Monde en octobre 2022, Franck Antraccoli responsable du syndicat de proviseurs ID-FO résumait la situation « Des collègues nous disent ne pas savoir comment traiter le sujet. Dans la même ville, certains chefs d’établissement peuvent juger que ces vêtements longs ne sont pas problématiques et d’autres qu’ils le sont. » Ainsi le syndicat accusait le gouvernement de se « défausser sur les chefs d’établissements ».

Ne pas laisser les chefs d’établissements « seuls face à l’abaya »

Une situation désormais donc rectifiée. « La consigne n’était pas claire, désormais elle l’est et nous nous en félicitons », a réagi auprès de l’AFP Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation Nationale.

« Maintenant que le message est énoncé, il faut que cela se mette en œuvre dans les établissements (...) il ne faut pas que les chefs d’établissement soient seuls face aux abayas », a-t-il ajouté.

Le ministre a voulu rendre hommage dimanche aux chefs d’établissement « qui sont en première ligne sur ces questions de laïcité », et qu’il a promis de rencontrer « dès la semaine prochaine (...) pour leur donner toutes les clés pour qu’ils puissent faire appliquer cette règle ».

Les atteintes à la laïcité en augmentation de 120 % en un an

Selon une note des services de l’État, dont l’AFP a obtenu copie, les atteintes à la laïcité, bien plus nombreuses depuis l’assassinat en 2020 aux abords de son collège du professeur Samuel Paty, ont augmenté de 120 % entre l’année scolaire 2021/2022 et 2022/2023. Le port de signes et tenues, qui représente la majorité des atteintes, a quant à lui augmenté de plus de 150 % tout au long de la dernière année scolaire.

Du côté de l’opposition, la décision a été applaudie à droite, Éric Ciotti (LR) en tête sur X (anciennement Twitter) : « Nous avions réclamé à plusieurs reprises l’interdiction des abayas dans nos écoles. Je salue la décision du ministre de l’Éducation nationale qui nous donne raison ».

À gauche en revanche, Clémentine Autain (LFI) s’est indignée de « la police du vêtement », jugeant « anticonstitutionnelle » l’annonce de Gabriel Attal, « contraire aux principes fondateurs de la laïcité. Symptomatique du rejet obsessionnel des musulmans. À peine rentrée, la macronie tente déjà de prendre le RN par la droite ».

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