PSG: "C'est illégal", le déplacement du CUP à Troyes interroge sur la liberté de circulation des fans

PSG: "C'est illégal", le déplacement du CUP à Troyes interroge sur la liberté de circulation des fans

C’est une triste soirée pour les membres du Collectif Ultras Paris. Près de cent-cinquante fans parisiens ont vécu la première mi-temps du match de Ligue 1 entre Troyes et le PSG (1-3) sur le parking du stade, avant de rebrousser chemin. Les autres, un peu moins de 250, étaient regroupés devant la barrière de péage à la sortie de l’A5 en provenance de Paris. Cette image des fans parisiens massés sur ce petit espace à l’arrière de la tribune visiteur, entourés par quatre camions de gendarmerie et une centaine de membres des forces de l’ordre, a marqué les esprits. Elle montre la tension importante qui règne entre l’état-major du PSG et son principal groupe de supporters.

Depuis quelques jours, la direction parisienne se retrouve face à une contestation plus forte vis-à-vis des choix sportifs et des décisions prises en haut lieu. Cette annulation des billets du CUP pour le match face à Troyes passe très mal au sein du mouvement. Dimanche, aux abords du stade de l’Aube et à la barrière de péage, le comportement des quatre-cent membres a été exemplaire. Aucun débordement, aucune friction et seulement de la négociation avec les autorités présentes. Même si la tristesse de ne pas avoir pu accéder dans l’enceinte prédominait dans les rangs du CUP, l’image renvoyée via les médias et auprès des autorités permet aux ultras parisiens d’apparaître en position de force.

Comment 150 membres du CUP ont pu accéder à Troyes?

Dans l’après-midi de dimanche, cinq cars ont quitté Paris pour rejoindre Troyes. Deux d’entre eux ont réussi à accéder à la ville de l’Aube, les autres sont restés bloqués à la barrière de péage. Cette arrivée de cent-cinquante ultras du PSG devant le stade, juste avant 20h, a surpris les unités des forces de l’ordre postées devant l’enceinte de l’Estac. En quelques minutes, le dispositif doit se réarticuler, les grilles du parcage se ferment. Les gendarmes s’arment de leurs boucliers et encadrent rapidement le cortège parisien. Sans débordement, uniquement des chants.

Au même moment, au péage, l’autre partie du CUP est en pleine négociation avec le sous-préfet de l’Aube. Ce dernier sera très surpris d’apprendre par les forces de l’ordre présentes au péage qu’un groupe se trouve dans Troyes et approche du stade en cortège. Les deux premiers cars n’ont pas emprunté la bonne sortie de l’autoroute et se retrouvent donc dans la ville. "A la base, les supporters parisiens membres du CUP sont libres de circuler sur le territoire français, précise Pierre Barthélémy, avocat de l’Association nationale des supporters. Ils avaient le droit de prendre un bus et se mettre à cinquante mètres du stade pour regarder le match dans un bar. Juridiquement, il n’y avait aucune interdiction de ce point de vue-là. La seule chose que la police pouvait faire, c’était de protéger pour qu’ils ne forcent pas l’entrée du stade sans billet."

"Le sous-préfet n’avait aucun argument juridique"

Les trois autres bus ne connaîtront pas le même sort. Ils seront contrôlés par les unités de gendarmerie en faction à la première sortie en arrivant de Paris. La préfecture de l’Aube n’a pris aucun arrêté pour encadrer la venue des supporters parisiens. Cette absence de mesure a entraîné une forte incompréhension entre les représentants de l’Etat et les supporters. Le sous-préfet présent à la barrière de péage n’avait que peu de répartie avec les supporters lorsque ces derniers ont posé la question fatidique: "Pourquoi ce blocage?".

Plusieurs minutes de négociations débutent alors. "Il n’y a aucun commencement d’explication possible, poursuit Pierre Barthélémy. C’est complétement illégal. Le sous-préfet n’avait aucun argument juridique à opposer aux supporters. Il a d’ailleurs refusé de parler aux avocats. On est dans l’illégalité la plus totale. Il a de la chance d’être tombé sur des groupes particulièrement responsables avec des supporters de foot. Dans le calme, les supporters ont accepté de vivre une illégalité la plus totale. Il n’y a aucune justification."

Au final, les négociations ne vont pas aboutir. Que ce soit avec le club parisien, devant le stade, ou avec les autorités locales. Les quatre-cent membres du Collectif Ultras Paris regagneront Paris dans la nuit. "On a voulu défendre nos libertés", confie l’un d’entre eux. Même les gendarmes encadrants le cortège sont surpris du calme qui règne au sein du mouvement. Selon des sources policières à RMC Sport, la tension était montée, lors des dernières heures, autour de la rencontre après les événements survenus en milieu de semaine à Paris.

Sur quoi repose l’annulation des billets?

La gestion de la billetterie du parcage visiteur revenait entièrement au PSG. Dans ces conditions générales de vente (CGV), le PSG précise dans la partie "infractions à l’extérieur du stade" que "tout comportement en relation avec les activités du PSG" et "susceptible de nuire à autrui, de porter atteinte à l’image du PSG ou à l’honneur de leurs dirigeants ou personnels" entraînera "si bon semble au PSG et selon la gravité des manquements, la suspension ou la résiliation du titre d’accès ou le refus d’accès aux matchs de plein droit". Une clause qui, selon des responsables de billetterie du championnat avec qui nous avons échangé depuis dimanche, ne serait pas totalement applicable dans la réalité.

"Le PSG n’a pas le droit d’interdire un groupe, explique l’avocat de l’ANS. Il n’y a rien qui permet de prendre des mesures collectives. On ne peut pas interdire des personnes du simple fait d’appartenance à un groupe. C’est complétement interdit. C’est indiscutable." Le Paris Saint-Germain avait bloqué les quatre-cent-cinquante billets alloués aux ultras du CUP pour le déplacement à Troyes pour être allés manifester devant le domicile de Neymar… Sauf que le CUP, via la voix de son président Romain Mabille, s’était complétement désolidarisé de cette action.

Le mail envoyé aux supporters pour annuler leurs billets pose aussi question. Ce dernier ne comporte aucun motif afin d’expliquer le retrait des billets. "Il n’y a pas le fondement de l’annulation, complète Me Barthélémy. Le PSG ne se fonde pas sur cette clause des conditions générales de ventes. Le PSG ne donne pas de motif, ce qui en soit rend le motif d’annulation de vente illégale. Il faut toujours un motif, ça démontre l’illégalité de la décision du PSG. Et s’ils avaient voulu utiliser cette clause, en premier point il fallait démontrer individuellement que chacun des supporters a adopté un comportement interdit. Et ces CGV sont applicables pour un match du PSG à domicile, donc cette clause peut s’interpréter comme ne s’appliquant seulement qu’aux abords du stade".

Quelles suites?

"En ce qui concerne le PSG, il peut y avoir des procédures contentieuses civiles, affirme Pierre Barthélémy. C’est ce qu’on avait réalisé à l’époque du plan Leproux pour faire condamner par les juges l’annulation des billets des supporters ‘contestataires’". En ce qui concerne les décisions de la préfecture, le groupe de supporters et l’Association nationale des supporters peuvent saisir le juge administratif pour demander l’annulation du refus de circuler et l’indemnisation du préjudice qui reposera "essentiellement" sur le remboursement de la location des autocars. Pour le moment, le CUP et l’ANS n’ont pas fait de commentaire sur de potentielles poursuites judiciaires. Contactée, la préfecture de l’Aube n’a pas encore répondu à nos sollicitations.

Article original publié sur RMC Sport