Pénuries de médicaments: les pharmaciens commencent à s'inquiéter

Malgré les mesures prises par les autorités de santé, et la confiance affichée par plusieurs industriels, les tensions d'approvisionnement dont font l'objet plusieurs médicaments commencent à susciter des inquiétudes dans les officines. Interrogée par BFMTV mercredi 25 octobre, Caroline Majer, pharmacienne à Paris, rapportait des difficultés d'approvisionnement sur "certains antibiotiques mais aussi sur des médicaments pour le cœur ou le diabète".

Une situation que confirme le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) Philippe Besset.

"Il y a actuellement des tensions au niveau national et des pénuries dans de nombreuses pharmacies pour l'amoxicilline, la cortisone (un anti-inflammatoire, ndlr) et la flécaïnide (un anti-arythmique, ndlr)", nous a-t-il détaillé le même jour.

"On sait que, pendant l'hiver, nos demandes vont se concentrer sur la même classe de médicaments, notamment le paracétamol et les antibiotiques, qui sont des molécules pour lesquelles on connaît déjà des tensions", explique aussi Bruno Maleine, le représentant des officines au sein de l'Ordre national des pharmaciens, ce vendredi 27 octobre à Franceinfo.

L'année dernière, si plusieurs molécules avaient fait l'objet de fortes tensions d'approvisionnement, le paracétamol (et en particulier ses formes pédiatriques) ainsi que l'amoxicilline, l'antibiotique le plus prescrit en France, étaient en effet les médicaments les plus difficiles à trouver en pharmacies.

"On voit bien que l'histoire a de fortes chances de se répéter", estime Gabrielle Gross, présidente du Syndicat des pharmaciens de l'Ain, dans les colonnes du Progrès.

"Des médicaments complètement essentiels"

Une situation d'autant plus inquiétante qu'elle concerne également depuis plusieurs semaines des traitements indispensables dans le cas de certaines maladies chroniques comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires.

"Les tensions s'attaquent à des médicaments qui sont complètement essentiels", s'inquiète Caroline Majer qui doit régulièrement consulter les stocks des autres pharmacies de son secteur pour réorienter sa clientèle pour certains médicaments. "Quand le gros des infections hivernales va arriver, j'ai très très peur qu'on ne puisse pas traiter tous nos patients", ajoute-t-elle.

Pour certaines formes d'amoxicilline, de paracétamol, ou de fluticasone (médicament contre l'asthme), les stocks en pharmacie étaient inférieurs à sept jours, selon les données de l'ANSM mises à jour au 19 octobre. Et ce, alors que les stocks sont censés être supérieurs à sept jours dans une situation dite normale, comme le souligne Franceinfo.

Malgré cela, Philippe Besset anticipe une situation un peu plus favorable que celle de l'année passée.

"Je suis raisonnablement plus optimiste pour cet hiver que pour l'année dernière. Mais vous dire que je n'ai aucune inquiétude, ce serait mentir", nuance-t-il.

"Des problèmes de répartition sur le territoire"

Interrogée par BFMTV en début de semaine, l'ANSM a indiqué "ne pas avoir, à ce stade, de signal inquiétant concernant l'amoxicilline au niveau national". Mais elle précise que "des tensions subsistent et qu'il peut y avoir des problèmes de répartition sur le territoire".

Dans son plan hivernal présenté début octobre, l'agence du médicament dévoile un arsenal de mesures prêtes à être activées en cas de pénurie comme l'importation de médicaments, la limitation des exportations ou la préparation magistrale de médicaments en pharmacies. Le gouvernement avait, par ailleurs, ciblé le risque de tensions sur l'amoxicilline en instaurant une hausse des prix sur le médicament afin d'accroître son niveau de production. En début de semaine, la Commission européenne présentait également son plan de lutte contre les pénuries avec notamment un mécanisme de solidarité entre les pays membres en cas de ruptures de certains médicaments.

Toutefois, outre ces mesures, l'ampleur des tensions d'approvisionnement sera avant tout déterminée par le volume de la demande et donc par l'intensité avec laquelle circuleront les maladies hivernales, comme la grippe, la bronchiolite et le Covid-19, dans les mois à venir.

Article original publié sur BFMTV.com