NBA: "Même dans mes rêves les plus fous, jamais je ne l'aurais imaginé", Tony Parker va entrer au Hall of Fame

NBA: "Même dans mes rêves les plus fous, jamais je ne l'aurais imaginé", Tony Parker va entrer au Hall of Fame

Lors de votre début de carrière, rentrer au Hall of Fame faisait-il partie de vos rêves ?

Tony Parker: "Franchement, non. Et pourtant, je suis toujours le premier à le dire à mes académiciens, les jeunes avec qui je discute : il faut toujours rêver en grand et quand tu parles de tes rêves à quelqu’un et qu’il ne se fout pas de toi, c’est que tu ne rêves pas assez grand. Mais même dans mes rêves les plus fous, jamais je n’aurais imaginé rentrer au Hall of Fame. A l’époque, c’était impossible, aucun Européen n’avait réussi en NBA. Alors qu’aujourd’hui, être drafté c’est presque devenu normal. Je rêvais d’être le premier meneur européen à réussir en NBA, mais de là à gagner quatre titres, être le premier européen à devenir MVP des finales et maintenant au Hall of Fame, c’est juste fou. Même moi, j’ai du mal à réaliser. Quand j’ai reçu le coup de fil… Tu sais que ça va arriver mais tant que je ne serai pas dans le musée, à Springfield… C’est là que je vais vraiment réaliser et ressentir une pression de fou. Il faudra faire le discours, parler. Je pense que là, je m’en rendrai compte."
Que ressentez-vous en tant que premier Français. Et est-ce spécial d’y entrer avec Dirk Nowitzki et Pau Gasol, eux aussi les deux premiers de leurs pays ?

C’est un truc de malade. J’ai toujours pris très au sérieux le rôle d’ambassadeur du basket français, du sport français. Montrer aux Américains qu’on savait jouer au basket en France a toujours été une motivation. Être le premier Français champion NBA, All-Star, c’est dans cette continuité. Faire ça avec Dirk et Pau c’est spécial. Je suis allé à la cérémonie de retrait de maillot de Dirk. Pau, je jouais avec lui aux Spurs, je le connais depuis que j’ai 14 ans… C’est tellement cool. Je me rappelle qu’à l’époque, les Américains disaient que c’était impossible de voir un Européen en tant que "franchise-player". Et on est un peu les premiers à faire ça. Et quand je vois que les franchises aujourd’hui n’hésitent pas à avoir Jokic, Antetokounmpo ou Doncic être "franchise-players"… On a fait une longue route avec Dirk et Pau. C’est vraiment un honneur.

Le Hall of Fame, est-ce encore plus fort que le retrait de votre maillot aux Spurs ?

C’est carrément au-dessus ! Le retrait de maillot était quelque chose d’incroyable, surtout quand tu connais la tradition de la NBA. Là je pense que c’est fois dix. Le Hall of Fame, c’est vraiment un cran au-dessus parce que par exemple chez les Spurs, tu as dix maillots retirés mais seulement quatre sont au Hall of Fame. Donc tu vois que c’est au-dessus. Ils font une vraie séparation aux Etats Unis, tu rentres dans une autre galaxie. Très peu de joueurs y entrent. Bien sûr que je ressens la pression. Je suis très nostalgique en ce moment, j’écris mon discours. Je revois d’anciens matchs avec la famille, les amis, ça fait bizarre ! J’ai eu la légion d’honneur, l’ordre national du mérite… Mais le Hall of Fame je peux le comparer à ma rencontre avec Obama à la Maison Blanche. Ce sont des moments où tu ne fais pas trop le malin, il faut que tu sois prêt.

Votre coach de toujours, Gregg Popovich, y entrera en même temps que vous. Qu’est-ce que cela vous fait ?

Cela restera toujours très spécial. C’est comme un deuxième père pour moi, je suis arrivé tellement jeune à San Antonio, à 19 ans, il m’a pris sous son aile. Il a pris un risque car à l’époque, donner la balle à un meneur européen alors que la star de l’équipe, Tim Duncan, ne me parlait pas lors de ma première saison… C’est pour ça qu’on sera liés à jamais. C’est presque marrant aussi qu’on rentre au Hall of Fame ensemble. Je suis aussi très proche de Becky Hammon, c’est comme ma grande sœur. La classe 2023, je pense que c’est une des meilleures classes de l’histoire des Hall of Fame. Donc c’est cool de rentrer avec des personnes avec qui tu as passé autant de temps.

"J’ai toujours été très reconnaissant de l’amour que les gens me portent dans mon pays (...) près, de là à comprendre ce qu’est le Hall of Fame, je pense que beaucoup ne savent pas que ce que c’est !"

Pensez-vous être plus reconnu aux Etats-Unis ou en France ?

On me pose souvent cette question. Je ne le vois pas comme ça. Quand je rentre en France, les gens sont tellement contents, fiers de tout ce que j’ai accompli aux Etats-Unis. J’ai toujours été très reconnaissant de l’amour que les gens me portent dans mon pays. Je pense qu’en France, de toute façon, ils se rendent compte. Après, de là à comprendre ce qu’est le Hall of Fame, je pense que beaucoup ne savent pas que ce que c’est ! (sourire). Mais voilà, ils se disent que je rentre dans le musée du basket et que ça doit être quelque chose de bien. Mais c’est dur de comparer, au foot il n’y a pas de Hall of Fame. Une fête comme ça au foot c’est peut-être le Ballon d’or. Les Américains sont très forts pour l’Histoire, être reconnaissants de ceux qui sont passés avant. C’est pour ça que quand je suis passé dans le Hall of Fame du sport Français le mois dernier, j’ai envie de développer ça et aider les gens à prendre conscience de ce que c’est. Aux USA, tu es dans une autre galaxie, tu as un respect absolu.

Vous avez gagné votre premier titre NBA en 2003, le titre européen en 2013 et vous entrez au Hall of Fame en 2023. Que vous arrivera-t-il en 2033 ?

C’est une très bonne question… Gagner l’Euroleague avec l’ASVEL ? (Rires). C’est vrai que je suis né sous une bonne étoile et je suis très reconnaissant de tout ce qui s’est passé dans ma vie. Je suis assez nostalgique et même si j’ai travaillé dur pour tout ça, c’est cool d’avoir un moment pour remercier tout le monde. J’ai revu ma finale de 2003, j’étais complètement inconscient de ce que j’étais en train de faire. Je ne me rendais vraiment pas compte, ça allait tellement vite. Et en 2013, le premier titre avec l’équipe de France, c’était vraiment spécial. 2023, Hall Of Fame, on va encore vivre des moments incroyables gravés dans mon cœur. J’espère qu’en 2033 je pourrai célébrer quelque chose de ce niveau-là.

Comment préparez-vous votre intronisation, votre discours ?

J’écris tout seul, je regarde les discours que j’ai faits déjà à l’époque. Je regarde les joueurs qui m’ont inspiré, les discours de Michael Jordan, Magic Johnson. Voir comment eux avaient formaté leur discours. Je m’inspire un peu de tout le monde pour écrire et l’adapter à moi, mon histoire, mon vécu. J’ai fait pas mal de discours dans ma vie, mais celui-là n’a rien à voir. Tu retraces toute ta vie, c’est un exercice vraiment pas facile et je pense que je vais être très nerveux.

Quel regard portez-vous sur l’équipe de France à l’approche de la Coupe du Monde ?

Je suis très fier de voir l’équipe de France à ce niveau-là et de voir l’impact qu’on a eu avec ma génération, inspirer autant de jeunes. Je ne peux pas mieux le résumer que le SMS de Bouna Ndiaye, l’agent de Victor (Wembanyama) lors de la draft : il m’a dit que c’était grâce à moi tout ce qu’il se passé, que j’étais le pionnier. Ça fait chaud au cœur. Je me souviens qu’à mes débuts avec les Bleus, on est partis de très loin. Notre médaille de bronze européenne en 2005, cela faisait 50 ans qu’il n’y avait pas eu de médailles (la France avait gagné l’argent aux JO 2000, ndlr). Le basket européen de nous respectait pas, les arbitres ne nous respectaient pas. Et commencer en 2005 puis arriver en 2015 en tant que favoris au championnat d’Europe... On était à des années lumières de ça quand j’ai commencé. Quand on regarde l’équipe de France d’aujourd’hui, on enchaine les médailles et j’en suis très fier. J’ai hâte qu’on gagne une nouvelle médaille d’or car à la fin on ne se rappelle que des vainqueurs. Cette génération mérite cela. J’espère pour eux qu’ils gagneront car maintenant que je suis à la retraite, les gens ne parlent que des titres que j’ai gagnés. A un moment donné, j’ai hâte que l’équipe de France de basket gagne un nouveau titre, comme au foot. Rudy, Evan méritent.

Quels conseils donneriez-vous à Kylian Mbappé ou Victor Wembanyama, considérés comme vos héritiers ?

Le plus important quand tu commences une carrière c’est de rester toi-même, garder ton identité. C’est toujours dur, quand je vois les objectifs ou les espérances placées en Victor (Wembanyama), c’est même presque injuste pour lui de le comparer. De lui dire que s’il n’a pas une carrière à la LeBron James ou Michael Jordan, il a loupé sa carrière c’est dur (sourire). Le plus important ce sont tes propres attentes, ce que tu veux faire avec ta carrière, ne pas trop écouter les gens autour de toi. Il faut mettre le curseur où tu veux le mettre, rêver en grand et faire sa propre carrière. C’est difficile d’être comparé aux autres. Il faut que Mbappé ou Victor fassent leur propre route. On pourra comparer ensuite les différentes époques mais tout est différent car ce n’est presque plus le même sport. Je suis très fier que l’on ait deux sportifs comme ça qui puissent avoir un impact sur toute une génération.

Article original publié sur RMC Sport