Une Ligue 1 à un milliard? La LFP lance l'appel d'offres pour ses droits TV et vise un montant record

Une Ligue 1 à un milliard? La LFP lance l'appel d'offres pour ses droits TV et vise un montant record

Depuis la finalisation du deal avec CVC (qui a injecté 1,5 milliard d’euros contre 13% du capital de la société commerciale de la LFP), c’est sans doute le jour le plus important pour les dirigeants du football professionnel. Ce mardi marque le lancement officiel par la LFP de l'appel d'offres pour l'attribution des droits TV de la Ligue 1 et de la Ligue 2 pour la période 2024-2029.

Un contrat de cinq ans donc, sont la durée s’apparente déjà à une première victoire pour la LFP. Comme indiqué par RMC Sport vendredi dernier, après de nombreux mois de lobbying auprès du pouvoir politique, les dirigeants de la LFP ont eu la satisfaction de voir le décret permettant cet allongement publié au Journal Officiel ce week-end. Vincent Labrune comptait dessus afin de donner plus de visibilité, de confort et de confiance aux candidats à l’appel d’offres.

D'un point de vue procédure, comme annoncé par RMC Sport le 24 août dernier, la LFP a décidé de simplifier les choses. Fini les sept lots du dernier appel d’offres qui découpaient en rondelles les dix matchs de chaque journée. Cette fois, c’est très simple: deux lots seulement. Un lot n°1 Premium avec les trois meilleures affiches de chaque journée, et un lot n°2 avec les six autres matchs.

Si la valorisation de chacun de ces lots tout comme la structure définitive de cet appel d’offres restent entourées du plus grand secret et peuvent réserver une dernière surprise, l’idée générale de la LFP est de sensiblement valoriser le lot n°1 Premium en incluant aussi les droits numériques, actuellement détenus par Free dans un lot distinct amené à disparaître.

Le foot français toujours vital pour Canal+?

Et chez Free, justement, la frustration prévaut. Certaines sources indiquent ne pas comprendre pourquoi la Ligue se priverait d’un droit qui rapporte 42 millions/an aujourd’hui. D’autres sources estiment que cela révèle des garanties énormes qu’aurait la LFP avec le diffuseur historique Canal+, très sensible au potentiel des droits numériques, avec qui les échanges ont été nombreux ces derniers mois.

Selon nos informations, Canal+ devrait bel et bien jouer l'un des rôles principaux de cet appel d’offres. Malgré les nombreuses batailles juridiques, toutes perdues ces derniers mois par Canal+ depuis le fiasco Mediapro, le lien n’a jamais été rompu entre la Ligue et le diffuseur historique. Canal+ a montré que le foot reste un produit important pour la chaîne cryptée qui paie 480 millions d’euros par saison pour les droits de la totalité des coupes d’Europe. Il semble naturel d’imaginer que le lot Premium l’intéresse fortement.

"Canal ne peut pas ne pas y aller. Quoiqu’ils disent, le foot est vital pour eux. Ils seront au cœur de cette enchère", pronostique un habitué des appels d’offres du foot.

Bien conscient du nouveau marché des droits, Canal+ ne la joue pas solo et a voulu faire de ses potentiels concurrents des alliés. Le 12 août dernier, la chaîne cryptée annonçait ainsi un partenariat de diffusion avec la plateforme DAZN, autre candidat intéressé pour diffuser le foot français.

L'appétit de DAZN

Après le retrait de Mediapro en février 2021, DAZN s'était en effet porté candidat pour l’acquisition des droits de L1 et L2 à la suite de l’appel d’offres lancé par la LFP. Son offre n'avait pas été retenue mais DAZN avait profité de cette séquence pour faire parler d’elle sur le marché français.

La présence de la plateforme dans plus de 200 pays en fait un acteur important malgré des interrogations sur sa situation financière. Sur ce point, DAZN tente de rassurer ses interlocuteurs en assurant ne pas avoir de dette (investissements en fonds propres), être à l'équilibre des Q4 en 2023 et s'attendre à être rentable dès l'an prochain. La firme britannique veut profiter de cet appel d’offres pour montrer qu’elle est un candidat sérieux, intéressé par l’ensemble des droits du foot français mis sur le marché. Selon nos informations, elle devrait se positionner sur l’un ou les deux lots dans une stratégie avec Canal+, de telle sorte que le duo puisse proposer à ses abonnés l’ensemble des matchs.

DAZN, créé en 2015 en Angleterre, veut s’appuyer sur son expérience de diffuseur (Ligue des Champions, Premier League, boxe dans divers territoires), semble très motivé par le foot français, et a d’ailleurs déjà commencé à construire son équipe et faire des entretiens avec des personnes d’autres médias.

L'inconnue GAFA

Depuis plusieurs mois, le président de la LFP Vincent Labrune rencontre de très nombreux candidats potentiels et notamment des firmes américaines. Parmi eux, AppleTV qui semble s’intéresser de près aux droits du foot après avoir racheté les droits de la MLS américaine.

Le 13 août dernier, Apple annonçait un accord de partenariat avec Canal+ qui peut désormais proposer à ses abonnés l’ensemble des contenus d’AppleTV. Un accord pas anodin en vue de l’appel d’offres des droits du foot français. Cependant l’hypothèse qu’un tel acteur rafle la mise n’est pas la tendance. Apple pourrait juste tâter le terrain du marché français pour avoir une première expérience d’un tel appel d’offres en France.

Prime Vidéo (Amazon), qui diffuse six matchs sur neuf à chaque journée, a réussi à s’imposer discrètement mais sûrement dans la diffusion du championnat. Le géant américain, qui n’a jamais dévoilé ses audiences, est lui aussi prêt à refaire des offres mais en surveillant les montants. Objectif: ne pas faire de folies.

Mais Prime Vidéo, qui garde une part de mystère sur ses réelles intentions, sait qu’il peut aussi fermer du jour au lendemain. Sa structure de diffusion via sa plateforme de streaming facilite les choses tout comme le fait que sa rédaction soit majoritairement composée de journalistes pigistes. Depuis son arrivée sur le marché, Amazon a toujours refusé la distribution de son Pass Ligue 1 par Canal+.

Quant au Groupe Warner Bros Discovery (qui détient Eurosport), il vient de s’allier à Amazon. Il avait fait une offre insuffisante en 2021. Le groupe américain reste attentif à cet appel d’offres notamment sur la Ligue 2 mais devrait se montrer prudent.

De son côté, BeIn Sport, exclusivement distribué par Canal+, va bien sûr regarder de près cet appel d’offres. Selon nos informations, le lot n°2 plaît énormément en interne. Mais la chaîne qatarie devrait rester raisonnable et souhaite garder une logique rationnelle d’acquisition de droits qui ne rentrerait pas en concurrence avec la chaîne cryptée.

Multiplier les droits internationaux par 2,5

Si jamais les prix de réserve fixés par la LFP sur chaque lot n’étaient pas atteints, cela ne serait pas forcément une mauvaise nouvelle. Car une séquence de négociation de gré à gré s’ouvrirait alors dans un contexte plus propice aux négociations en direct sans l’incertitude des enchères à l’aveugle d’un appel d’offres. Les dirigeants de la LFP se mettraient alors autour de la table face à chaque candidat avec l’objectif de contenter toutes les parties au meilleur prix pour le foot français. Avant de savoir s’il faudra passer par du gré à gré, le rendez-vous est fixé au mardi 17 octobre pour le dépôt des différentes offres.

Mais la LFP ne compte pas que sur ses droits domestiques destinés au marché français. Bien au contraire. La stratégie de la LFP repose sur une vente concomitante de ses droits domestiques et internationaux sur la même période (2024-2029), pour la toute première fois. L’idée est de valoriser une offre globale.

Aujourd’hui les droits internationaux ne rapportent que 80 millions d’euros par an. L’objectif est de les multiplier par 2,5 pour atteindre les 200 millions d'euros annuels. Les dirigeants de la Ligue prévoient ainsi de lancer courant octobre une consultation ouverte aux diffuseurs et aux agences. Chacun pourra déposer une offre pour un ou plusieurs territoires dans le monde entier. C’est Mathieu Ficot, directeur général adjoint spécialiste des droits TV, qui pilote ce dossier.

Article original publié sur RMC Sport