JO 2024 : des migrants et des sans-abri expulsés d’Île-de-France ?

Avant les JO de Paris, le gouvernement prévoit de déloger des milliers de sans-abri et migrants d’Ile de France et les inciter à s’installer dans d’autres régions. (Photo : des demandeurs d’asile, originaires d’Afghanistan, cuisinent dans un camp de migrants à Pantin, banlieue nord-est de Paris, en 2022)
Avant les JO de Paris, le gouvernement prévoit de déloger des milliers de sans-abri et migrants d’Ile de France et les inciter à s’installer dans d’autres régions. (Photo : des demandeurs d’asile, originaires d’Afghanistan, cuisinent dans un camp de migrants à Pantin, banlieue nord-est de Paris, en 2022)

JO - Faire place nette dans la ville lumière. À l’approche des Jeux olympiques de Paris en 2024, le gouvernement veut inciter des milliers de sans-abri, principalement des migrants, à quitter l’Île-de-France pour d’autres régions de l’Hexagone. Leur argument ? Avec l’afflux de touristes venus assister aux festivités olympiques, il n’y aura pas assez d’hôtels pour les héberger.

De nombreux hôteliers ne souhaitent en effet plus accueillir ces publics précaires car ils attendent un afflux de clientèle lors de la Coupe du monde de rugby l’automne prochain, et surtout des JO en 2024, observait le ministre du Logement, Olivier Klein, mi-mai, à l’Assemblée nationale. Près de 5 000 chambres ont ainsi été « perdues » du faut de l’hébergement d’urgence, précisait de son côté la députée Modem, Maud Gatel.

Depuis la mi-mars, l’exécutif a donc demandé aux préfets de créer des « sas d’accueil temporaires régionaux » dans toutes les régions, à l’exception des Hauts-de-France et de la Corse, afin de « désengorger les centres d’hébergement » d’Île-de-France. 170 personnes ont déjà pu rejoindre ces centres d’hébergement temporaire, a assuré ce mercredi 24 mai Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement.

Qui sont les personnes concernées par ces expulsions ? Où et comment seront-elles prises en charge ? Comment réagissent les communes qui doivent les accueillir ? Et les associations ? Le HuffPost fait le point sur ce dispositif qui suscite inquiétudes et interrogations.

  • Qui sont les personnes qui seront délogées ?

Le dispositif concerne surtout des migrants, très nombreux en Île-de-France, qui vivent dans la rue, dans des campements, ou en hébergement d’urgence. Toutefois il ne les vise pas spécifiquement, en vertu du « principe de l’accueil inconditionnel », a précisé à l’AFP le cabinet du ministre du Logement.

  • Où seront-elles accueillies ?

Les personnes invitées à partir sont censées être prises en charge pendant trois semaines dans des « sas » d’accueil hors d’Île-de-France. D’après les informations de 20 Minutes, le gouvernement prévoit d’en implanter dix, avec une capacité d’accueil de 50 places, dans dix régions françaises. Puis, ces personnes seront « orientées » dans leur nouvelle région, « vers le type d’hébergement correspondant à leur situation » (français ou étrangers, isolés ou familles…).

Le ministre Olivier Klein a défendu ce mercredi 24 mai ces « hébergements limités dans le temps » qui permettent selon lui de « mieux accueillir les sans-abri avant de les accompagner vers un logement pérenne et une insertion sociale durable. » Il assure également que le parc d’hébergement en Ile-de-France, en « très grande tension », « ne permet pas de répondre à tous les besoins ».

  • Comment ont réagi les communes à cette annonce ?

Désignée par le gouvernement pour accueillir un tel centre d’accueil, la ville de Bruz, de 18 000 habitants, près de Rennes, a fait part mardi 23 mai de son mécontentement. « Nous ne sommes pas favorables à l’installation d’un tel sas sur notre commune, dans ces conditions que nous jugeons indignes », a fait savoir le maire Divers gauche Philippe Salmon. La commune doit accueillir dans ce centre 50 personnes, « en rotation toutes les trois semaines », a précisé l’édile ce mercredi matin sur BFM.

La mairie bretonne critique ainsi le choix du terrain, jouxtant une voie ferrée et « pollué par des hydrocarbures et des métaux lourds », et affirme que les futurs occupants du centre d’accueil ne viendraient pas « par choix ». Lors d’une conférence de presse Philippe Salmon a en outre regretté d’avoir été « mis devant le fait accompli » après une « annonce faite hier (lundi) soir ». « On ne nous a pas concertés (sic) nous avons émis un avis défavorable à l’installation de ce sas dans notre commune », a-t-il renchéri sur BFM, comme vous pouvez l’entendre dans la séquence ci-dessous.

  • Un rapport parlementaire appelle à mieux protéger les élus locaux

Depuis 2021, le gouvernement a déjà mis en place un dispositif similaire, mais centré uniquement sur les demandeurs d’asile. Selon un rapport parlementaire rendu public mardi, ce système « a fait preuve de son utilité et de son efficacité », mais un quart des personnes concernées ont refusé de quitter l’Île-de-France. Le rapport appelle aussi l’État à mieux coordonner les transferts avec les municipalités, et à mieux protéger les élus locaux.

Car ces transferts, rappellent les auteurs, font « l’objet d’une instrumentalisation politique ayant conduit à des menaces et des violences » envers les élus, qui ont culminé avec la récente démission du maire de Saint-Brévin-les-Pins, Yannick Morrez, en Loire-Atlantique. Depuis qu’un centre d’accueil de demandeurs d’asile était en projet dans sa commune, l’édile a été victime de pressions de l’extrême droite, jusqu’à un incendie volontaire à son domicile.

  • Un dispositif pour faciliter le renvoi de migrants dans leur pays ?

Pour le président de la Fédération des acteurs de la Solidarité Pascal Brice, « accueillir des gens dans de bonnes conditions un peu partout en France plutôt qu’à la rue en Île-de-France, sur le principe c’est positif. Mais est-ce qu’on s’en donne les moyens ? ».

Le problème, souligne ce responsable associatif, est qu’« il manque des places d’hébergement d’urgence » dans les régions d’accueil, ainsi qu’une « impulsion politique du ministère de l’Intérieur pour un vrai travail d’accompagnement ». Car « s’il s’agit de mettre des gens dans les bus » et de ne plus s’en occuper ensuite, « c’est de la dispersion, pas de l’accueil », selon lui.

Des associations ont également expliqué à 20 Minutes craindre que ces « mises à l’abri » ou démantèlements ne soient une manière de renvoyer dans leurs pays plus discrètement des migrants qui n’ont pas le droit de séjourner en France.

Eric Constantin, responsable de la Fondation Abbé Pierre en Île-de-France, dit douter de son côté que l’on puisse « trouver des solutions dignes et décentes en trois semaines » pour sortir durablement de la précarité les personnes réorientées vers les régions. On peut par ailleurs « s’étonner de la concordance de l’arrivée des Jeux olympiques et d’un programme qui vise à envoyer les migrants en province », ajoute-t-il, se demandant si le gouvernement a voulu faire en sorte « qu’il n’y ait plus de campement avant que des millions de personnes arrivent en France ».

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