Départ brutal de Genesio, choix de Stéphan, mercato en question... l'entretien intégral avec Florian Maurice, qui reste au Stade Rennais

Florian Maurice, votre parole était attendue. Vous vous interrogiez sur votre avenir au Stade Rennais, vous avez pris votre décision. Quelle est-elle?

J'ai pris la décision de continuer au Stade Rennais. J'ai le sentiment que ma mission n'est pas terminée ici. Je l'ai annoncé ce matin aux joueurs directement. J'ai la conviction que c'est le bon choix pour moi.

Pourquoi avoir songé à partir?

Quand il se passe ce qu'il s'est passé dans les derniers jours, on a forcément une réflexion sur une décision qui a été assez brutale, dont on n’imaginait pas qu'elle puisse arriver aujourd'hui. Forcément quand il y a ce genre de décision... J'avais décidé de me mettre un peu en retrait pour réfléchir - dans ces moments-là, on a toujours besoin de réfléchir -plutôt que de prendre des décisions hâtives, pour moi, pour le club, pour Julien (Stéphan), qui est l'entraîneur aujourd'hui. Cela permettait de mettre tout le monde au calme et de prendre ensuite la bonne décision.

En début de semaine, le club se disait plutôt pessimiste sur votre choix. Quel a été le point de bascule?

Je ne vous cache pas que j'ai été assez touché par tout ce qu'il s'est passé. J'avais besoin de ce recul. Beaucoup d'interrogations... je viens au club tous les jours, je m'investis à 1000% tous les jours. J'avais besoin de prendre un peu de recul. Quand on ne me voit pas au club, on s'interroge toujours. J'avais besoin de ce temps pour moi, pour faire le point sur la situation et y réfléchir complètement.  C'est une décision qui a été mûrement réfléchie. Alors je n'ai pas mis trois semaines pour la prendre, cette décision, mais j'avais besoin de parler à certaines personnes, de discuter avec mon actionnaire, mon président, avec Julien (Stéphan) pour prendre la meilleure décision me concernant. Et je pense que la meilleure décision me concernant, concernant le club, est de continuer l'aventure.

Vous aviez besoin de vous sentir soutenu? Vous aviez des doutes?

Vous savez, quand il y a ce genre de décision, on s'interroge toujours sur ce qu'il peut se passer. Mais je n'ai pas de doutes. J'ai eu mon actionnaire, j'ai eu mon président, j'ai aussi eu cette discussion avec Julien (Stéphan), avec qui j'ai travaillé déjà il y a quelques temps. J'avais besoin de ressentir l'atmosphère au sein du club pour savoir comment moi je pouvais me sentir derrière tout ça. Et j'ai l'appui de tout le monde, notamment de mon actionnaire, de mon président et aussi de Julien, pour continuer mon aventure, qu'elle ne s'arrête pas net comme ça en milieu de saison.

"Je n'en veux pas à Bruno Genesio je respecte sa décision"

On sait que vous êtes amis avec Bruno Genesio. Qu’est-ce qu’il s’est passé pour qu’il prenne cette décision radicale?

Il faudra lui poser la question à lui. Par rapport à notre relation, notre amitié, je n’ai plus envie de l’évoquer. Je l’ai déjà dit et redit: il n’y avait pas de problème relationnel entre Bruno Genesio et Florian Maurice. On se connaît depuis qu’on a moi 18 ans, et lui 20 et quelques années. Je me suis toujours très bien entendu avec lui. On ne peut pas être toujours d’accord. Mais ça ne veut pas dire que notre relation amicale, et même en tant qu’entraîneur et directeur sportif, a été détériorée. Vous pouvez demander à tout le club. On peut entendre des choses, mais vous pouvez interroger 100% des personnes au Stade rennais: il n’y en a pas une qui vous dira qu’il y a un problème entre moi et Bruno.

On a évoqué une usure du métier pour Bruno Genesio. Elle n’était pas palpable dès le début de la saison?

Vous savez, on fait des choix, que ce soit sur les joueurs, sur les entraîneurs, sur les membres du staff, et on avait décidé de continuer l’aventure tous ensemble. Après, dans des périodes difficiles, on se pose toujours des questions. Chacun a son ressenti, des up et down. Je pense que Bruno avait besoin de prendre cette décision pour lui. Il avait sans doute le sentiment que c’était la bonne décision pour le club, pas simplement pour lui.

De par votre relation d’amitié, la situation, avec les rumeurs de tension que vous avez toujours démenties, a-t-elle été difficile à vivre émotionnellement?

Pas du tout. Quand Bruno était là, je venais tous les matins avec un immense plaisir de le voir, un immense plaisir de travailler avec lui. Même si ça a fait beaucoup de bruit à l’extérieur, pour nous, à l’intérieur ça a fait pschitt. Je prends mon petit-déjeuner avec lui, mon déjeuner avec lui. Si j’avais eu des problèmes avec Bruno, je n’aurais pas été le matin avec lui à prendre mon café.  Le sentiment que je peux avoir, c’est qu’il y a des gens qui vous veulent du bien, et des gens qui vous en veulent un peu plus.  Ma relation avec Bruno est parfaite et elle continuera à être parfaite.

Vivez-vous son départ comme un abandon dans cette période de crise où le club est en difficulté?

Non, je ne le vis pas comme ça. C’est une décision qui lui est propre, on en a discuté ensemble. Je sais ce qu’il ressent, ce qu’il se passe. Je ne lui en veux pas, c’est sa décision et je dois la respecter. Maintenant, les résultats ne sont pas ce que nous souhaitons avoir mais je suis convaincu qu’on va pouvoir relever la tête.

"Julien Stephan, je vous mentirais si je vous disais que c'était mon premier choix mais on va continuer l'aventure ensemble"

Julien Stéphan est-il votre choix numéro 1 ou le choix numéro 1 de l’actionnaire (la famille Pinault)?

Dans une période comme ça où il faut aller vite, où les choix ne sont pas très nombreux, la décision a été faite de manière à ce que le club continue d’avancer. Derrière, j’ai eu une conversation avec mon actionnaire qui m’a confirmé qu’il souhaitait que je continue avec Julien. Il a le droit de choisir l’entraîneur. Après je m’adapte et je pense que c’est une solution qui était dans les clous. Je vous mentirais si je vous disais que c’était mon premier choix. Maintenant, c’est comme ça, on se doit d’avancer de cette manière-là. Je le connais, je sais comment il fonctionne, je sais le travail qu’il a fait ici au Stade rennais et on va continuer l’aventure ensemble pour relever l’équipe. La chose la plus importante pour le club aujourd’hui est de revenir à un niveau où il doit être.

Vous-êtes-vous senti désavoué par l’actionnaire? Avez-vous senti une perte de confiance de sa part?

Je l’ai eu au téléphone, il l’a confirmé son soutien et que mes prérogatives restaient les mêmes, voilà, on continue comme ça.

Vous avez déjà travaillé avec Julien Stéphan pendant neuf mois (entre 2020 et 2021) avec quelques périodes compliquées pour le club. On a aussi parlé quelques désaccords. Comment envisagez-vous cette coopération?

C’est comme avec Bruno. Des désaccords entre un directeur sportif et un entraîneur, il y en a dans tous les clubs, ce n’est pas spécifique à Florian Maurice et Bruno Genesio ou Florian Maurice et Julien Stéphan, c’est spécifique à tous les clubs. Et encore, on s’en sort plutôt bien. Quand il (Stéphan) est parti à l’époque, j’étais très déçu parce que je pensais qu’on avait la possibilité de redresser la barre, comme un peu comme maintenant. Ce sont des choix personnels de partir et je lui avais dit: ‘de mon point de vue, je pense que tu fais une erreur’. Il l’a lui-même relaté dans des interviews derrière. Des différends, on peut en avoir, c’est normal mais ça ne veut pas dire qu’on ne s’entend pas ou qu’on n’est pas sur la même lignée pour faire avancer l’équipe.

Êtes-vous compatible et tirez-vous dans le même sens?

Oui, il n’y a pas de souci. Sinon, je serais parti. Le but aujourd’hui est que l’équipe et le club continuent d’avancer et j’ai le sentiment que le club peut continuer d’avancer.

"J'ai toujours une grande confiance dans le groupe qu'on a monté"

Pensez-vous pouvoir sauver la saison? Quel a été votre discours aux joueur pour que Rennes se relance rapidement?

Mon discours a été très clair: j’ai toujours une grande confiance dans le groupe que j’ai monté avec Bruno, Olivier Cloarec et l’ensemble du club. J’ai encore dit aux joueurs ce matin: ce n’est pas parce qu’on est dans une période un peu plus délicate qu’on va tout lâcher. Ils sont conscients qu’on n’a peut-être pas tout bien fait depuis quelques mois. Pour preuve, les résultats ne sont pas bons en championnat mais je n’oublie qu’on est encore en Coupe d’Europe, il reste des matchs à jouer mais on est quasiment qualifiés (pour les 16es ou 8es de finale). La Coupe de France va arriver au mois de janvier et il faudra la jouer. On n’est pas bien partie en championnat mais il reste un certain nombre de matchs pour, pourquoi pas, faire une série comme l’année dernière qui pourrait nous permettre de remonter au classement. C’est l’ambition qu’on doit avoir aujourd’hui.

Cette crise de résultats ne justifiait-elle pas autant de changement selon vous?

Je ne dis pas qu’elle n’est pas grave, elle doit être prise en compte. Mais dans tous les clubs aujourd’hui, il y a des moments plus difficiles que d’autres mais on doit les braver ensemble et continuer d’avancer. Ils en sont conscients, j’en suis conscient, Julien aussi. On sait que la tâche ne sera pas simple mais on va la vivre ensemble.

Allez-vous revoir vos ambitions à la baisse? Trainez-vous vos ambitions de qualifications en Ligue des champions annoncées en début de saison?

L’année dernière, on a récupéré en cinq matchs huit points à Monaco pour finir quatrièmes. Aujourd’hui, il reste 21 journées, je pense qu’on a encore le temps, si on fait bien les choses de pouvoir récupérer quelque chose. Si je vous dis qu’on va être en Ligue des champions, on me prendrait pour un fou mais je garde l’ambition d’avoir le meilleur résultat possible pour le club et arriver à des objectifs qui sont les nôtres en fin de saison?

Une qualification européenne?

Oui, on a des choses à se prouver pour remettre le stade là où il doit être aujourd’hui.

"Sur le recrutement, je ne vois pas de quoi je dois m'excuser aujourd'hui"

Le recrutement est critiqué notamment en défense centrale mais pas seulement. Avez-vous des regrets? Pouvez-vous consentir à un mea culpa sur l’efficacité à court terme de votre recrutement qui expliquerait ce début de saison manqué?

Alors, mea culpa… Je ne vois pas de quoi je dois m’excuser aujourd’hui. Depuis quelques années, mon travail est lié au recrutement, dont je suis critiqué chaque année. On ne fait jamais 100% dans le recrutement. Aujourd’hui, on cible le recrutement mais quand il a été fait en début de saison ( et il a été validé par tout le monde au sein du club -, je n’ai pas de souvenir qu’on se disait: "Le Fée pfff, Blas pfff… . Malheureusement, la mayonnaise n’a pas encore pris. Laissez-moi encore penser qu’on a fait les choses de la meilleure manière possible. On me reproche certainement un défenseur central… Mais mea culpa par rapport à quoi? On a terminé troisième meilleure défense du championnat l’année dernière avec l’équipe qu’on avait. On part avec seulement un joueur qui est parti (l’ancien capitaine Hamari Traoré, qui s’est engagé, libre, avec la Real Sociedad, NDLR) qui est un latéral droit. Peut-on se baser là-dessus? U latéral droit est parti, la défense est la même: Adrien Truffert, Warmed Omari, Arthur Théate et notre gardien Steve Mandanda. On a terminé troisième meilleure défense l’année dernière. Ce qui nous manque aujourd’hui, ce n’est pas forcément derrière. Aujourd’hui, on a des manques sur la créativité devant et le manque d’efficacité. L’année dernière, quand on gagnait 4-1, 5-1, 6-1… aujourd’hui ce n’est pas le cas. Je peux entendre les critiques et j’aurai une réflexion avec l’entraîneur parce qu’il doit aussi avoir une idée sur sa composition d’équipe, comment il ressent l’effectif et quel besoin il pourrait avoir. Mais ça, on n’en pas discuté parce que c’est encore trop tôt. Je suis désolé mais dire: ‘je m’excuse, j’aurais dû…’, non. C’est fait, c’est fait. On est parti ;un mercato va arriver, on verra s’il y aura des ajustements à faire.

Trouvez-vous que nous sommes trop sévères?

Ce qu’on a tendance à oublier c’est qu’on a critiqué mon recrutement chaque année. Martin Terrier la première année… J’entame ma quatrième saison au Stade Rennais, je vais faire un peu de promotion: j’ai terminé sixième la première année, quatrième la deuxième, quatrième la troisième avec le septième budget su championnat de France. J’estime avoir fait des chances intéressantes. Je ne dis pas tout ce que j’ai fait est bien, j’ai fait des erreurs mais qui n’en fait pas? Sur le plan sportif et financier, je crois que le club a fait un nombre d’affaires intéressantes. Je n’ai pas tout bien fait mais j’estime avoir encore un peu de crédit pour pouvoir continuer à avancer.

Le mercato d’hiver sera-t-il une variable d’ajustement? Allez-vous recruter un défenseur central par exemple?

Je n’ai pas la réponse aujourd’hui. Julien est arrivé il y a trois jours, il a commencé ses premiers entraînements avec une partie de l’effectif. Des joueurs ne sont pas encore rentrés de sélection ou seulement hier (mercredi) soir à minuit. Je pense qu’il a déjà une idée parce qu’il a dû voir des matchs. On doit en discuter et il est trop pour vous dire: il faut un défenseur centrale.

Pourquoi, avec le même effectif, y aurait-il une métamorphose?

Parce qu’il y a eu une métamorphose quand Bruno est arrivé. Il ne manque pas grand-chose pour que cette équipe ait un déclic. Bruno est arrivé au mois de mars (2021), avons-nous changé deux, trois, quatre joueurs? Non, il y a eu un déclic. J’espère qu’il y aura le même déclic aujourd’hui avec Julien.

Que pouvez-vous dire aux supporteurs rennais, eux qui se sont habitués aux années dorées ces derniers temps, avant le match face à Reims dimanche?

Depuis quelques temps, le Stade est à guichets fermés pour tous les matchs au Roazhon Park. On aspire à redevenir une équipe conquérante, dominante et qui fasse peur. C’est le message que je veux envoyer. On doit retrouver notre confiance, croire en ce qu’on fait, dans le projet du Stade Rennais et continuer à avancer. Je souhaite bien évidemment la victoire contre Reims dimanche, puis contre le Maccabi (jeudi en Ligue Europa). Je souhaite qu’on continue à avancer, essayer d’être positif, croire en ce qu’on fait et se donner les moyens d’y arriver.

Merci Florian d’avoir pris la parole sur RMC, on espère que le Stade Rennais se relèvera…

Il va se relever!

Article original publié sur RMC Sport