La compétition éloigne-t-elle les filles du sport ?

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 seront les premiers totalement paritaires, accueillant autant de femmes que d’hommes parmi les athlètes participants. Toutefois, cette avancée ne peut dissimuler les inégalités qui perdurent sur le terrain, notamment dans la manière dont filles et garçons s’approprient le sport, ou dans la médiatisation des épreuves.

Les pratiques sportives sont fortement segmentées selon le sexe, avec des disciplines davantage pratiquées par les garçons – comme le football ou le judo – et des activités sportives plus fortement plébiscitées par les filles – telles que la danse ou la gymnastique. Et les parents sont une majorité à valider la division sexuée du monde sportif – l’esthétique pour les filles, la force pour les garçons – se conformant à l’idée d’un ordre naturel entre les sexes.

Les garçons font aussi davantage de sport sur le mode de la compétition. Les filles s’orientent prioritairement vers des activités plus ludiques, ou encore hygiéniques, privilégiant l’aspect « loisirs » plutôt que la compétition dans laquelle elles se trouvent tenues à distance.

La compétition sportive est le lieu privilégié de construction de la masculinité. En s’appuyant sur une vision naturaliste des performances, le sport reproduit les stéréotypes de la « supériorité » masculine et du dénigrement du féminin.

Pour faire de l’égalité une réalité sans condition, le modèle sportif traditionnel tourné principalement vers la compétition et la confrontation est invité à être repensé. Faut-il alors se rapprocher d’un autre modèle reposant sur la coopération et la mixité ?

À l’adolescence, le décrochage sportif des filles

Les filles demeurent plus nombreuses que les garçons à abandonner l’activité physique et sportive à l’adolescence. Si la pratique sportive s’est féminisée ces dernières années, elle reste plus fréquente et plus intensive chez les garçons.

L’une des causes de ce désengagement féminin réside dans les stéréotypes sexués. Les travaux en psychologie sociale mettent en évidence le poids des normes de genre sur la motivation et sur les performances des filles et des garçons dans les activités physiques et sportives. Ces préjugés contribuent à faire perdurer l’idée selon laquelle les filles seraient moins capables de réussir en sport.

Pour la jeune fille, le choix délibéré d’une activité sportive considérée comme genrée « masculine » (le rugby par exemple) relève d’une action subversive, puisque transgressant la hiérarchie supposée entre les sexes dans le champ sportif.

La famille joue un rôle central dans la construction du genre socialement différenciée des jeunes, et plus particulièrement sur le choix de leur pratique sportive. L’héritage sportif se transmettant prioritairement par le père, la question de la sensibilisation et de l’intégration des mères aux dispositifs d’activités sportives se révèle être un axe important du changement.

Les institutions sportives participent également à la socialisation du genre. Malgré les politiques de féminisation du sport (valorisation du sport féminin dans les médias, accessibilité des femmes aux postes à responsabilités dans les institutions sportives, prévention et lutte contre les violences sexuelles dans le sport), les conditions d’accès à la pratique sportive restent encore inégales.

Des espaces sportifs à (re)conquérir

Les filles sont moins attirées par la pratique compétitive car elles ont intériorisé les stéréotypes et s’autocensurent. Elle ne sont pas moins capables que les garçons, mais elles ne s’autorisent tout simplement pas à avoir les mêmes ambitions. Par conséquent, elles ne bénéficieront pas des mêmes opportunités que les garçons pour pouvoir s’entraîner et progresser dans les pratiques sportives.

Les espaces sportifs en extérieur – city stades, skateparks, aires de fitness, street workout – sont utilisés quasi exclusivement par les garçons. Le sport demeure alors un marqueur culturel dominant dans la construction de l’identité masculine. Dans ces territoires de sociabilité masculine, les filles se voient reléguées à la périphérie, tandis que les garçons occupent prioritairement l’espace central.

De même, les femmes éprouvent souvent un sentiment d’insécurité les empêchant de pouvoir se déplacer librement dans un espace public, notamment en soirée. Cette peur a une incidence notoire sur leur mobilité et leur autonomie, quels que soient leur âge et leur catégorie sociale.

Les travaux en sociologie du genre ont montré que cette crainte est le fruit de relations de pouvoir consubstantielles des rapports sociaux de sexe. C’est ce qui peut aussi expliquer pourquoi les femmes préfèrent la pratique d’une activité physique à domicile, moins contraignante certes mais avant tout plus sécurisante.

Le réaménagement de l’espace sportif est donc une première étape pour déconstruire ce sexisme intériorisé dès l’enfance, notamment parce qu’il marque la fin de la valorisation des pratiques masculines. Des environnements mixtes permettent aux filles et aux garçons de se rencontrer, d’interagir avec l’autre sexe, de vivre des situations de réelle mixité et pouvoir s’émanciper des normes de genre. La promesse de Jeux olympiques et paralympiques paritaires nécessite de réfléchir à des pratiques mixtes.

Des pratiques sportives mixtes et inclusives

La co-présence des filles et des garçons en sport ne va pas de soi. Dans la majorité des compétitions sportives, la non-mixité apparaît encore comme la règle. La promotion de formes de pratiques sportives mixtes semble être un préalable pour tendre vers l’égalité et l’inclusion.

Le sport mixte nécessite un accompagnement à l’usage, une éducation et une sécurisation. Pour permettre aux filles et femmes de se réapproprier les espaces sportifs publics, certaines associations proposent par exemple des sessions sportives en groupe et accompagnent la pratique des sportives.


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Les cours d’Éducation physique et sportive (EPS) à l’école sont également l’occasion de développer un autre rapport au sport. La mixité des cours permet d’un point de vue pédagogique d’envisager la coéducation, revenant à adopter une éducation à la mixité et des interactions entre les élèves non stéréotypées.

L’enseignant doit alors veiller à encourager et à soutenir tous les élèves, quel que soit leur sexe, et ce, dans toutes les activités motrices et sportives. La communication de l’enseignant vise à développer la confiance en soi et la perception objective des compétences des élèves, notamment pour ceux qui se sous-estiment sur le plan des capacités physiques ou sportives.

La construction d’une culture sportive partagée, dans laquelle chacune et chacun puisse trouver et exprimer son style, ses traits de personnalité, représente un enjeu de société aussi bien pour le monde scolaire que pour le monde sportif.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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