Christian Prudhomme: "Il y a tout pour que ce Tour de France 2024 se joue au tout dernier moment"

Christian Prudhomme: "Il y a tout pour que ce Tour de France 2024 se joue au tout dernier moment"

RMC SPORT: 2024, année particulière avec les Jeux Olympiques, vous avez dû créer un tracé varié... 

2024, c’est en effet une année particulière. Ce sera aussi, outre les Jeux Olympiques à Paris, le centenaire de la première victoire d’un Italien sur le Tour de France. On partira pour l’occasion d’une des plus belles villes du monde, Florence, et puis on rentrera en France pour finir, chose inédite, ailleurs qu’à Paris. Et ce sera à Nice. Entre les deux, de la montagne, du chrono, des chemins blancs autour de Troyes, une première sur le Tour de France. Évidemment, il y aura les Pyrénées, et les Alpes en deux fois, au début et à la fin. Le Galibier dès le 4e jour et la Cime de la Bonnette - plus haute route de France à 2802 mètres - à 48 heures de l’arrivée finale. Attention aussi aux étapes qu’on ne pointe pas du doigt. La traversée du Cantal est redoutable, et puis il y a aussi le vent. Thierry Gouvenou a concocté un parcours où les étapes peuvent être marquées par le vent. Avec des coureurs adeptes des bordures, ça nous plaît bien.

Il peut donc se passer n’importe quoi, n’importe où? 

C’est ce qu’on essaye de faire, mais ce sont les champions qui font la course. Avec les coureurs d’aujourd’hui qui sont capables d’attaquer partout... À Saint Amand, à Nîmes, si le vent souffle, il pourra y avoir des dégâts. Pas seulement en montagne.

L’Italie, c’est un pèlerinage?

C’est assez paradoxal de voir que le Tour n’est jamais parti d’Italie. C’est seulement le onzième pays étranger qui accueillera un grand départ du Tour de France alors que c’est un pays de légende. On va d’ailleurs saluer les champions italiens pendant trois jours. Florence, Bologne... Un terrain magnifique, très sportif dès les premiers jours, comme l’été dernier au Pays basque avec Pogacar et Vingegaard épaule contre épaule dès le premier jour. Il y aura un dénivelé de 3650 mètres dès le premier jour, c’est du jamais vu pour un premier jour, et le lendemain la montée du Monastère de San Luca, très raide, très difficile avec sans doute les champions qui seront là.

Comment qualifier ce Tour? 

Le Tour 2024 est moins montagneux que l'édition 2023. En revanche, ça va monter très haut, très tôt et très haut, très tard. Le Galibier dès le 4e jour, ça ne s’est jamais vu. La Bonnette à 48 heures de l’arrivée non plus. Dès lors qu’on arrive à Nice, on accomplit le rêve de tout directeur du Tour de France: rapprocher à ce point-là la très haute montagne de l’arrivée finale. On n’y va pas souvent, mais là ça s’imposait.

"Il y a tout pour que ce Tour se joue au tout dernier moment"

L'idée est-elle d'envisager désormais des arrivées en dehors de Paris?

En 2025, on sera clairement à Paris sur les Champs-Élysées pour les 50 ans de la première arrivée sur les Champs et la victoire finale de Bernard Thévenet. Mais Nice, c’est fort, ça rayonne. La Côte d’Azur, c’est la possibilité de faire une dernière étape très sportive avec ce chrono Monaco-Nice qui sera le premier placé en dernière étape depuis 1989 et l’emblématique duel Lemond-Fignon (et la défaite du Français au général pour 8 petites secondes, ndlr). Mais on ne remplace pas Paris comme ça. Les Champs-Élysées c’est du prestige. Il nous fallait un endroit qui rayonne, et c’est le cas de Nice.

La dernière semaine est extrêmement dense dans les Alpes…

Oui, ce sera très dense puisqu’on arrive à Nice et que le terrain tout proche, c’est la mer. Mais on n'avait pas envie d’y passer trois jours, ou alors il fallait être dans les Alpes. C'est ce qu’on a choisi. Une arrivée superbe à SuperDévoluy, puis un environnement magnifique autour du Lac de Serre-Ponçon et une étape de baroudeurs. Et dans les derniers jours, une étape entre Embrun et Isola 2000 avec trois cols à plus de 2000 mètres. Et puis le lendemain, une étape courte de 133 kilomètres, mais avec quatre cols. Donc oui, il y a tout pour que le Tour se joue au tout dernier moment. Avec comme final ce chrono...

L’un des symboles, c’est l’arrivée de la 8e étape à Colombey-les-Deux-Églises… Vous n’y aviez pas songé avant?

Oui, c’était l’évidence du général de Gaulle, la Boisserie. C’est une proposition du président du Conseil départemental de la Haute-Marne et tout de suite, nous nous sommes dit qu’on voulait tout faire pour que cela se réalise. C’est paradoxal, mais aujourd’hui c’est plus facile d’arriver dans ces petites communes que dans des grandes villes car il y a moins d’aménagements routiers. Et puis il y a un lien entre le Général et le Tour de France. C’est la seule fois dans l’histoire du Tour de France que le peloton s’est arrêté pour saluer un président, le Général qui était au bord de la route. Et puis De Gaulle, après l’échec des JO de Rome en 1960 pour la France, a créé une grande partie de la politique sportive de notre pays. Il a créé l’INSEP, par exemple. C’est quelqu’un pour qui le Tour était une activité physique capitale, parce qu’il fédère. C’est la plus grande compétition cycliste au monde, elle met en valeur nos paysages, notre patrimoine, notre terroir... Mais c’est une épreuve qui rassemble et ça, c’est plus fort que tout. Surtout dans le monde d’aujourd’hui.

Article original publié sur RMC Sport