Budget 2024 : Bruno Le Maire annonce viser 16 milliards d’économies, dans un contexte ardu

Entre la nécessité de réduire la dette et une dynamique économique moins favorable que prévu, le gouvernement présentera à la fin du mois un plan d’économies.

POLITIQUE - Face à un Parlement sans majorité absolue, ce devrait être le prochain grand combat de l’exécutif. Pour réduire le lourd endettement de la France, le gouvernement présentera fin septembre un budget pour 2024 qui scelle la fin progressive du « quoi qu’il en coûte » et identifie 16 milliards d’euros d’économies, sur fond de croissance moins dynamique qu’espéré.

Le projet de budget, qui sera présenté le 27 septembre en conseil des ministres, est ainsi affecté par un environnement économique morose qui a conduit l’exécutif à réviser en baisse à 1,4 %, contre 1,6 %, sa prévision de croissance du produit intérieur brut pour l’an prochain.
« En 2024, la croissance continuera de progresser », après 1 % prévu pour 2023, a tout de même voulu positiver le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, qui s’adressait à des journalistes.

Face à la dette, Paris veut afficher son sérieux

« Elle sera tirée par notre production manufacturière, par la sortie définitive de la crise inflationniste et par la reprise de la consommation », a-t-il poursuivi. Avant d’admettre : « La récession en Allemagne, les difficultés en Chine et la persistance de taux d’intérêt élevés auront néanmoins un impact sur cette croissance. »

Jeudi, la Banque centrale européenne a relevé encore une fois son taux d’intérêt de référence, à son plus haut historique, un mouvement visant à lutter contre l’inflation mais qui alourdit le coût de la dette pour la France. La charge de celle-ci, estimée à 38,6 milliards pour 2023, devrait atteindre 48,1 milliards l’an prochain - soit l’équivalent du budget prévu pour la défense - et jusqu’à 74,4 milliards en 2027.

Dans ce contexte plus difficile, et alors que s’approche le verdict en octobre des agences de notation Fitch et Moody’s sur la santé financière française, le gouvernement entend donner des gages de sérieux budgétaire. Il ambitionne notamment de réduire l’endettement du pays de 111,8 % du PIB en 2022 à 108,1 % en 2027. Le déficit public devrait passer de 4,8 % du PIB en 2022 à 4,4 % en 2024 puis 2,7 % à la fin du quinquennat, sous l’objectif européen des 3 %.

« Cette accélération du désendettement est fondamentale au moment où tous nos partenaires européens sont engagés dans cette voie », a d’ailleurs insisté Bruno Le Maire face aux journalistes, alors que l’inflation devrait reculer à 2,6 % l’an prochain contre 4,9 % en 2023, selon l’exécutif.

Fin du bouclier tarifaire pour l’électricité, réforme de l’assurance-chômage…

C’est pourquoi l’heure a sonné pour les milliards d’euros dépensés à tout-va pour soutenir ménages et entreprises face à la pandémie, puis aux chocs énergétique et inflationniste après l’invasion russe de l’Ukraine. Au total, le gouvernement compte réaliser 16 milliards d’économies l’an prochain, dont l’essentiel (10 milliards d’euros) proviendra de la suppression progressive du bouclier tarifaire pour l’électricité, qui a permis de contenir les factures.

« Nous sortirons des prix gelés mais nous maintiendrons la fiscalité au niveau plancher à nouveau en 2024 pour garantir les prix les plus bas possibles pour les ménages », a assuré le ministre de l’Économie. S’y ajouteront les réductions des aides aux entreprises (4,5 milliards) et à la politique de l’emploi (1 milliard) ainsi que 700 millions issus de la réforme de l’assurance-chômage. D’autres économies déjà envisagées, comme la suppression du dispositif Pinel d’aide à la construction neuve (2 milliards), le resserrement du prêt à taux zéro (PTS, 900 millions) ou la réforme des retraites, produiront leurs pleins effets ultérieurement.

Pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État, le gouvernement peaufine « une taxation des surprofits » des sociétés concessionnaires d’autoroutes et compte relever l’accise sur le gaz (une taxe), « sans impact sur le consommateur », a insisté Bruno Le Maire. Il s’interroge aussi sur les marges « élevées » du raffinage, dont TotalEnergies est le numéro un en France.

À ce propos, le ministre a expliqué : « Nous aurons l’occasion avec (la ministre de la Transition énergétique, ndlr) Agnès Pannier-Runacher d’interroger les acteurs économiques concernés sur les raisons de ces marges élevées. » Avant d’ajouter : « Et nous prendrons toutes les décisions nécessaires pour éviter que dans ce domaine comme dans d’autres, il y ait des profits excessifs faits par les acteurs économiques. »

La fiscalité des entreprises et des ménages devrait tout de même être allégée

TotalEnergies a quatre raffineries en France, ExxonMobil en a deux et Petroineos une. Or cette sortie du ministre intervient au moment où les prix des carburants remontent, comme les cours du pétrole dans le monde. Ce qui a notamment conduit TotalEnergies, qui gère le tiers des stations-service françaises, à promettre mardi de poursuivre au-delà de la fin 2023 un plafonnement du prix de ses carburants à 1,99 euro le litre, après des appels du gouvernement à la « solidarité ». Des enseignes de la grande distribution ont annoncé des opérations de vente à prix coûtant, ce qui y fait en général baisser les prix d’un ou deux centimes.

Toujours à des fins d’économies, Bruno Le Maire table aussi sur la lutte contre la fraude (1,5 milliard par an à horizon 2027) et l’instauration de l’impôt minimal sur les sociétés (1,5 milliard dès 2026).

Ce serrage de vis ne remet toutefois pas en question, selon le ministre, la stratégie du gouvernement d’alléger la fiscalité pour les entreprises comme les ménages, au cœur de sa politique depuis 2017. La CVAE, un impôt de production pesant sur les entreprises, sera supprimée à hauteur de 1 milliard l’an prochain. Les ménages verront le barème d’imposition sur le revenu rehaussé de 4,8 %, mais ils devront attendre 2025 pour voir se concrétiser la promesse d’une réduction d’impôts de 2 milliards.

Dans le même temps, le gouvernement se targue aussi d’un budget teinté de vert : 7 milliards d’euros seront consacrés à la transition énergétique. Des niches fiscales brunes (favorables aux énergies fossiles) seront supprimées, comme celle qui allégeait les taxes sur le gazole non routier. « Toutes les recettes fiscales brunes, à l’euro près, iront vers la transition écologique et vers le verdissement de notre économie » : « l’État ne se met pas un euro dans la poche », a assuré le ministre. Reste désormais à convaincre le monde politique pour faire adopter ce projet, ce qui pourrait passer, une nouvelle fois, par un recours au 49.3.

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