Boxe: David Benavidez, l’obsession Canelo

Il le veut plus que tout. Il le réclame à chaque micro tendu depuis des années. Et il va devoir continuer à gagner pour garder son rêve intact. Champion intérimaire WBC des super-moyens depuis mai 2022 et sa victoire par TKO sur David Lemieux, l’Américain David Benavidez (27-0, 23 KO; 26 ans) défend sa ceinture ce samedi soir à Las Vegas face à un autre invaincu, son compatriote Demetrius Andrade (32-0, 19 KO; 35 ans). Avec l’obligation de s’imposer s’il veut voir son souhait se réaliser: affronter la superstar mexicaine Saul "Canelo" Alvarez, champion incontesté – il possède les quatre titres majeurs et la ceinture The Ring – de la catégorie depuis deux ans.

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Le monde de la boxe salive à l’avance d’un tel choc. Pour beaucoup, David Benavidez est le seul à pouvoir détrôner Canelo à ce poids. Problème? Ce dernier ne semble pas pressé de le croiser entre les cordes. Sa signature chez le promoteur Premier Boxing Champions, pour trois combats et plus de 100 millions de dollars, semblait ouvrir la porte à leur duel (Benavidez est également lié à PBC). Mais en septembre, Canelo a préféré affronter Jermell Charlo, champion incontesté des super-welters qui montait de deux catégories pour l’occasion et qui n’a pas existé face à lui.

Challenger obligatoire de la WBC depuis sa victoire sur Caleb Plant en mars dernier, un statut qui sera confirmé pour le vainqueur du combat contre Andrade, "The Boogeyman" (un de ses surnoms) attend de voir la fédération mexicaine ordonner le choc. Cela devrait être le cas dans les premiers mois de l’année 2024. A ce moment-là, Canelo n’aura plus que deux choix. Enfin l’affronter ou laisser la célèbre ceinture verte vacante et voir Benavidez la disputer… au puissant Français Christian Mbilli, numéro 1 du classement WBC (et WBA) de la catégorie, qui serait actuellement son adversaire pour la couronne dans ce scénario et qu’il prend bien soin d’éviter de citer chaque fois qu’on lui parle de ses futurs combats possibles.

Super-moyen imposant sur le plan physique, avec dans le viseur à terme une montée chez les mi-lourds où il compte "devenir champion du monde", Benavidez court aussi contre le temps malgré son âge. Mais il compte sur la pression populaire pour forcer la main de Canelo.

"Je suis à la porte de quelque chose de grand", lance-t-il devant les médias.

"Canelo n’aura nulle part d’autre où aller après ce que je vais faire à Andrade car les gens diront que c’est le seul combat qu’ils veulent voir pour lui." Les mots de Benavidez rappellent une chose. Il n’a pas la main.

Avec son statut et son aura, Canelo peut, plus que d’autres, décider de qui se trouve en face de lui sans en subir les conséquences (son affiliation actuelle avec PBC et Al Haymon pourrait ainsi lui permettre de retarder le fait de voir ordonné son challenger obligatoire WBC).

Et celui qui rêve de l’affronter ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Dans sa quête de toutes les ceintures des super-moyens, entamée en décembre 2020 avec sa victoire sur Callum Smith, Canelo aurait pu – et même dû – se retrouver face à Benavidez. Ce dernier avait déjà remporté la ceinture WBC de la catégorie en septembre 2017. Mais un an plus tard, en septembre 2018, un test positif à la benzoylecgonine (principal métabolite de la cocaïne) entraînera une suspension de quatre mois et sa destitution.

De retour dans le ring après des excuses publiques, il reprend le titre WBC en septembre 2019 avec un TKO sur Anthony Dirrell. Mais il perd une nouvelle fois sa ceinture lors de sa première défense, en août 2020, en raison d’une pesée ratée. Ce qui permettra à Canelo d’aller chercher la couronne vacante quelques mois plus tard. Ou comment perdre sa position de force dans les négociations…

Benavidez ne doit désormais plus seulement attendre. Il doit aussi convaincre. "C’est un combat que j’ai mérité, appuie-t-il sur la chaîne YouTube du journaliste américain Stephen A. Smith. Son combat contre Charlo était chiant. Les fans veulent voir Canelo contre un vrai super-moyen. Je suis le plus fort, le plus rapide et le meilleur de cette catégorie. Donnons aux gens ce qu’ils veulent voir. Qu’est-ce qu’on attend?"

Et l'Américain a son idée sur la question. "Pourquoi il attend si longtemps? Car il sait que toutes ses ceintures vont repartir avec moi. Il sait que je suis sa plus grande menace. Il croit qu’il va pouvoir attendre le bon moment. Mais c’est encore plus dangereux pour lui car je prends plus d’expérience, je suis plus à l’aise dans la lumière, et je suis prêt. Je veux ça. Je veux prouver au monde que je suis le meilleur."

Alors, à quand le choc qui rapporterait sans doute gros entre le Mexicain et l’Américain d’origine mexicaine? A priori, ce ne sera pas pour mai prochain – Canelo combat toujours autour de la date du Cinco de Mayo – où la rumeur évoque plutôt un combat 100% mexicain entre le champion et l’invaincu Jaime Munguia, numéro 1 WBO et numéro 2 WBC.

Mais la perspective de le voir en septembre, pour le week-end de l’indépendance mexicaine, semble réelle. Canelo a d’autres options, comme l’autre frère Charlo (Jermall, qui affronte… le grand frère de Benavidez, Jose Jr, sur la même carte) ou une revanche face à Dmitry Bivol (qui l’a battu pour sa ceinture WBA des mi-lourds en mai 2022), voire un méga choc contre le double champion incontesté Terence Crawford, mais c’est celle qui ferait le plus de sens pour les amoureux du noble art. Pour voir son vœu exaucé, Benavidez devra d’abord passer l’obstacle Andrade. Un autre invaincu, ancien champion chez les super-welters et les moyens, qui connaît son premier vrai combat signature en quinze ans de carrière pro – conséquence de sa signature avec PBC cette année – et qui peut entrer dans la "course à Canelo" s’il inflige à Benavidez sa première défaite.

"Il est temps de l'éliminer"

Le garçon manque un peu de puissance, ce qui ne calmera pas Benavidez dans sa volonté à aller de l’avant, mais avec son style atypique, un bon jab, des déplacements efficaces et une belle intelligence du ring, ce gaucher a de quoi embêter "The Mexican Monster".

"J’ai le style pour battre Benavidez", sourit "Boo Boo" Andrade, dont personne ne sait ce dont il est vraiment capable face au plus haut niveau d’opposition en l’absence de combat référence.

"Canelo n’a pas voulu me donner ce combat donc on a pris le deuxième meilleur truc possible, Andrade, juge Benavidez. C’est un combattant qui a été évité par beaucoup car il est très bon. Ce ne sera pas facile car il est très talentueux, très technique, mais c’est le genre de combats que je veux. Je ne veux pas de combats faciles. Mais je garantis une victoire par KO. Il est temps de l’éliminer."

Pour son deuxième pay-per-view en carrière, le dernier de l’historique diffuseur Showtime dans la boxe, l’Américain au style agressif et au punch puissant (il a terminé six de ses sept derniers combats avant la limite) n’a pas le droit de se rater s’il veut accrocher Canelo.

"Une défaite m’envoie au fond du bus, reconnaît-il sur le site du magazine The Ring. Pour moi, chaque combat est un championnat du monde".

S’il n’obtient pas son objectif, il pourra toujours se tourner vers le talentueux Cubain David Morrell, champion WBA "régulier" de la catégorie qui n’arrête pas de le défier comme lui avec la superstar mexicaine. "Après Andrade, Canelo et Morrell sont les seules personnes qui m’intéressent", lâche-t-il. Mais un seul le motive vraiment. "Je vais continuer à battre les combattants devant moi et ce combat avec Canelo va finir par se faire. C’est la crème de la crème et ça donnera une guerre. Les fans de boxe veulent voir les meilleurs affronter les meilleurs dans chaque catégorie et je suis le meilleur super-moyen. Je ne veux pas lui envoyer de message contre Andrade. Mais après cette victoire, il n’y aura plus de question."

Article original publié sur RMC Sport