Appel pour une Convention Citoyenne sur la Démocratie

Photo prise le 6 avril 2023 à Paris, lors d’une manifestation contre l’utilisation du 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites.
THOMAS SAMSON / AFP

POLITIQUE - Depuis le milieu des années 2010, la France est bousculée par un nombre impressionnant de mobilisations aux résonances sociales, économiques, climatiques : mouvement contre la loi Travail, Nuit Debout, Gilets jaunes, manifestations pour le climat et contre les violences policières, vaste mobilisation syndicale et populaire contre les réformes des retraites. Ces mobilisations ont des causes différentes mais ont toutes en commun d’interroger l’état de notre régime représentatif et de rappeler le principe selon lequel « ce qui concerne tout le monde doit être discuté par tout le monde ». Derrière la multiplicité des crises se dessine en effet une crise plus large, qui engage notre capacité à faire société : une crise de la démocratie.

Une actualité chassant l’autre, cette crise de la démocratie, régulièrement réactivée, est tout aussi régulièrement escamotée. On assiste même à la résurgence assumée d’une forme de « verticalité » politique, avec par exemple l’utilisation du 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites sans vote de l’Assemblée nationale et contre le mouvement social et syndical. Plus récemment, comme après la mort de Nahel, adolescent tué par un policier lors d’un contrôle routier, des centaines de villes ont été secouées par des émeutes.

Derrière la multiplicité des crises se dessine en effet une crise plus large, qui engage notre capacité à faire société : une crise de la démocratie.

Mais à aucun moment, après le nécessaire retour au calme, la question de la place de la jeunesse et des habitants des quartiers populaires dans la société politique n’a été posée. Bien au contraire : pour surmonter la défiance de certaines mobilisations ou catégories de la population, le recours à la répression est de plus en plus banalisé, au détriment du débat démocratique de fond sur les inégalités sociales et les enjeux environnementaux.

80 % des Français favorables à une réforme des institutions

À l’heure où le président de la République entend tracer grandes lignes de la réforme tant attendue des institutions dans le secret d’une réunion tenue à huis clos avec douze responsables de partis politiques, nous défendons l’idée qu’il est à la fois possible, souhaitable et nécessaire de créer les conditions d’une implication réelle de toutes et tous dans l’élaboration des règles communes, et que cette implication est la condition sine qua non d’une société plus juste, plus solidaire, respectueuse de la planète et soucieuse des générations à venir. Les Françaises et les Français le souhaitent massivement : ils sont huit sur dix à désirer être associés à une réforme des institutions afin d’y être mieux inclus, selon un sondage OpinionWay réalisé en janvier 2023. De fait, la hausse de l’abstention n’est pas, dans sa globalité, le symptôme d’un rejet de la démocratie : il est à maints égards le marqueur d’une aspiration à une démocratie plus respectueuse de la souveraineté populaire et plus en phase avec les enjeux du monde d’aujourd’hui.

De projet de réforme de la Constitution avorté en grand débat national sans véritable lendemain, l’histoire sociale et politique de ces dernières années nous montre que le changement ne pourra pas être décrété d’en haut. La démocratie renouvelée et approfondie que nous voulons ne pourra devenir une réalité qu’à l’initiative des citoyennes et des citoyens eux-mêmes.

C’est la raison pour laquelle, en ce 15 septembre, Journée internationale de la démocratie, nous appelons à la réunion d’une Convention Citoyenne sur la Démocratie dont la mission serait de proposer une réforme de la Constitution et des institutions dans toutes leurs composantes – politiques, mais aussi économiques, sociales et environnementales.

Composée de personnes tirées au sort, la Convention Citoyenne sur la Démocratie s’appuierait sur les contributions préalables d’Assises de la démocratie mises en œuvre sur l’ensemble du territoire national et sur le débat contradictoire entre les forces politiques et syndicales, le mouvement associatif, des juristes ou encore des universitaires. Sa proposition aurait vocation à être débattue au Parlement, puis soumise au peuple français par référendum, dans les conditions prévues par la Constitution.

Pour répondre à la crise de la démocratie, cette Convention Citoyenne sur la Démocratie offrirait ainsi plusieurs garanties essentielles : tout d’abord, être représentative de la société française dans toute sa diversité, ensuite être en prise directe avec les questions qui animent le pays, et enfin s’inscrire dans un processus légal, pacifique et organisé de réforme de la Constitution.

Une pétition demandant la réunion d’une Convention Citoyenne sur la Démocratie a été lancée sur la plateforme dédiée du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Si nous sommes 150 000 à la signer, le CESE devra en débattre en séance plénière et aura pour mission de l’organiser conformément à la loi organique du 15 janvier 2021, en s’appuyant sur un comité de pilotage pluraliste et indépendant. La revendication citoyenne pour plus de participation ne pourra pas être ignorée plus longtemps ; elle devra trouver une traduction concrète dans les actes.

Remettre le peuple au cœur de la Cité et de l’action publique

La crise de la démocratie n’est pas une maladie bénigne ni passagère, dont on pourrait espérer la guérison soudaine à la faveur d’une prochaine élection. C’est un mal profond qui bouscule le contrat social et abîme le corps social. Le blocage actuel de nos institutions politiques en témoigne, comme en témoigne également, pour partie au moins, la radicalisation des positions dans une société où les espaces de délibération sont trop rares et trop peu ouverts.

La crise de la démocratie n’est pas une maladie bénigne ni passagère, dont on pourrait espérer la guérison soudaine à la faveur d’une prochaine élection.

Mais la crise de la démocratie n’est pas non plus une fatalité. Elle invite à construire des réponses communes à la hauteur de la situation et, en premier lieu, à créer les conditions d’un grand moment populaire, constituant et fédérateur. De ce moment, la Convention Citoyenne sur la Démocratie peut être le catalyseur, en remettant le peuple à la place qu’il ne devrait jamais avoir quittée : au cœur de la Cité et à l’origine de toute action publique.

Nous invitons toutes les citoyennes et tous les citoyens désireux de prendre part à ce mouvement à se rassembler le samedi 16 septembre prochain, à 16h, à Paris, place de la République, à l’occasion de la Journée internationale de la démocratie, pour revendiquer de façon festive la mise en place de la Convention Citoyenne sur la Démocratie.

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