"Soupirs d'une féministe dépassée", la chronique de Teresa Cremisi

L'autre jour, en fin de matinée, j'ai levé les yeux sur un mur d'une petite rue du centre de Paris. Quartier bourgeois, pas loin de l'un de mes restaurants préférés. Climat farceur, on sortait d'une averse et le soleil faisait des taches sur le mur. Au-dessus d'une vitrine aveugle, un collage avec slogan féministe comme l'on en voit depuis un an dans les lieux passants de la capitale et d'autres grandes villes françaises. Dès le début, le mode opératoire m'a beaucoup plus : les militantes ne se servent pas de vulgaires tags. Elles ont décidé de donner une unité graphique forte à leurs messages : chaque lettre est peinte d'un trait épais sur une page blanche A4, les feuilles sont ensuite assemblées côte à côte ; les phrases ont une grande visibilité, elles composent une variation sur le thème terrible des assassinats de femmes par leur conjoint.

Les messages sont percutants : "Aux femmes assassinées, la patrie indifférente", "L'amour ne laisse pas de bleus", "Elle le quitte, il la tue", "Ni pardon, ni oubli", "Gaëlle poignardée, 24ème féminicide". Quand les affiches sont arrachées, les colleuses reviennent de nuit et recommencent. L'utilisation du terme "féminicide" a fait tiquer des hommes cultivés (et des femmes antiféministes, cela existe bien sûr) avec des arguments méprisants : "C'est grotesque, cela ressemble à 'insecticide', la loi prévoit l'homicide, cela suffit…" Sans être une fanatique de néologismes, je trouvais que c'était ergoter pour rien. On dit bien "par...


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