Soufiane Ababri, des dessins “couchés” pour libérer l’intimité masculine

“Il s’agit de transformer la stigmatisation”, explique Soufiane Ababri en évoquant son œuvre. Exposé au Barbican Museum de Londres du 13 mars au 30 juin, l’artiste marocain, basé à Paris, explore l’identité queer, le désir et le retournement du regard colonialiste dans ses dessins “couchés”, qui ont aiguisé la curiosité du Guardian.

Soufiane Ababri, “Queen Boat Affair”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele
Soufiane Ababri, “Queen Boat Affair”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele

“Their mouths were full of bumblebees” (“Leurs bouches étaient pleines de bourdons”) est sa première exposition au Royaume-Uni, note le quotidien britannique, qui l’a rencontré.

Un titre en référence au “z” de zamel, une insulte en darija marocain, prononcée contre les hommes gays.

Voulant confronter la violence, qu’elle soit raciale, sexuelle ou coloniale, à un art empreint de douceur, l’artiste de 39 ans réalise ses dessins couché dans son lit.

Bien souvent allongés également, ses personnages sont pour la plupart des hommes noirs ou mat de peau, nus et rougissants.

Soufiane Ababri, “Between two paragraphs of Oscar Wilde’s reading”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele
Soufiane Ababri, “Between two paragraphs of Oscar Wilde’s reading”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele

“[Dans les tableaux orientalistes], il y avait toujours des femmes, des esclaves noires et des Arabes allongées : passives, lascives, qui pouvaient être contrôlées, pas productives. C’étaient des corps au service du regard du peintre masculin. Donc je me suis mis à dessiner allongé, pour m’éloigner le plus possible du vocabulaire de l’artiste blanc en position verticale dans son atelier.”

Soufiane Ababri dans “The Guardian”

Soufiane Ababri, “Chemical conviviality”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele
Soufiane Ababri, “Chemical conviviality”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele

Les personnages de Soufiane Ababri évoquent aussi le racisme hérité du colonialisme français. “Cette relation très ambiguë que la France a parfois à l’image de l’Arabe. Il y a un homo-érotisme très fort vis-à-vis du corps arabe aujourd’hui et c’est vraiment une conséquence du colonialisme”, explique-t-il.

Soufiane Ababri, “La réparation”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele
Soufiane Ababri, “La réparation”, série “Bedwork”, 2023.. Photo Rebecca Fanuele

Son art se fait ainsi le lieu d’une intimité masculine libérée des carcans et des oppressions contre les personnes homosexuelles qui sévissent en France, où il vit depuis ses 18 ans, comme au Maroc, où il a grandi dans une famille de la classe moyenne.

“[Enfant], j’avais le sentiment que l’espace public était dominé par une sorte de masculinité qui était très étouffante : une masculinité exacerbée liée aux corps jeunes, musclés, une masculinité qui s’exprime haut et fort, qui s’approprie l’espace public, qui peut opprimer les communautés LGBTQ + et les femmes.”

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