Souffrances au long cours

Dans «Tenir», le sociologue David Le Breton enquête sur les douleurs chroniques et prône une approche nouvelle de leur prise en charge.

«Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille…» Parfois, elle écoute, va se lover dans quelque endroit précis, la nuque, un muscle, les tempes, une vertèbre lombaire, et reste coite, en hibernation - pour ne se réveiller que de temps à autre. Elle est comme une vieille amie en fait, à laquelle on ne pense pas lorsqu’elle n’est pas là, qui retrouve sa familiarité dès qu’elle se manifeste et dont on connaît tout - les cycles, la durée, l’acuité, les effets. D’autres fois, elle n’écoute rien et n’en fait qu’à sa tête, au point de sembler ne pas nous appartenir, venir de loin et, puissance étrangère escortant une blessure ou une maladie, coloniser l’être tout entier, le meurtrir, le broyer, l’anéantir, faire «obstacle à l’accomplissement des tâches accoutumées et aux mouvements les plus élémentaires de l’existence». Mais, dans tous les cas, une vie sans douleur est impensable. A moins d’être délibérément choisie en tant qu’épreuve inhérente à une activité (sports extrêmes, marathon, alpinisme, body art, tatouages, SM, rites de passage…), elle détruit et rend l’individu opaque à lui-même, parce qu’elle ne fait pas seulement souffrir le corps mais le sujet de conscience, la personne. Comment «tenir» face à elle, comment «se réinventer» ? Tel est l’objet de l’essai de David Le Breton, sociologue à l’université de Strasbourg, déjà auteur d’une trentaine d’ouvrages, sur le risque, la marche, la voix, le silence, le piercing, les émotions, les visages, la peau, les sens et les saveurs…

Carie. Religions et philosophies spiritualistes ont toujours donné à la douleur et à la souffrance - «la souffrance est le degré de pénibilité de la douleur, sa résonance intime, sa mesure subjective» - une certaine valeur, rédemptrice, qui serait le prix à payer, en tortures de soi, peines et afflictions, pour accéder aux îles bienheureuses où il n’y (...) Lire la suite sur Liberation.fr

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