Souffrance

On pourrait croire à une simple querelle de mots. Faut-il nommer Alzheimer les troubles du comportement et de la mémoire liés - le plus souvent - au grand âge ? Ou bien parler seulement d’un vieillissement, ou d’une «démence sénile», qui serait l’apanage inévitable de ceux qui arrivent au bout du chemin ? Etrange débat, puisque dans les deux cas, la souffrance est la même. Celle des «malades» - ou des aînés - et celle des familles confrontées au déchirant affaiblissement de leurs vieux parents, à cet effacement inexorable des souvenirs communs, de l’amour passé, des moments de peine et bonheur, de tout ce qui faisait l’unité d’une famille. Secret traumatisme que la société a tant de mal à regarder en face…

Mais il y a plus que les mots. Dire «Alzheimer», c’est aussi déléguer à la médecine le soin du grand âge, confier à une structure extérieure l’accompagnement des dernières années, comme pour s’en alléger et même, diront les adversaires de cette classification, pour s’en débarrasser. C’est aussi, dans certains cas, se résigner à un enfermement qui n’est pas forcément nécessaire, au risque de refuser aux plus âgés l’exercice d’une liberté élémentaire. Critique facile, diront beaucoup de familles, quand le mal met en danger la sécurité même des personnes concernées, quand leur comportement devient incontrôlable et rend le séjour en lieu clos obligatoire. La solution ? En l’absence de traitements convaincants, elle se résume à une chose : l’accompagnement. Dans les établissements spécialisés, cruellement hiérarchisés selon les moyens financiers des familles, ou chez soi, ce qui suppose là aussi des ressources conséquentes. Question sociale brûlante : le financement du «quatrième âge» est encore… dans l’enfance. C’est un défi majeur du siècle qui commence, dont la collectivité n’a pas encore pris la mesure.



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«Dans notre société, le vieillissement fait l’objet d’un refoulé absolu»
«Dire que cette maladie n’existe pas est un non-sens»
Alzheimer Querelles sur un diagnostic
Et pourtant, la démence recule
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