Sortie film : « Back to Black » sur Amy Winehouse rappelle que les biopics ont toujours une part de fiction

CINÉMA - La vie d’Amy Winehouse est aussi brève que complexe. Le film Back to Black réalisé par Sam Taylor-Johnson, sort ce mercredi 24 avril au cinéma. La réalisatrice britannique s’était déjà intéressée à une autre icône de la musique, John Lennon avec Nowhere Boy en 2010. Pour son second biopic, elle nous transporte dans la vie d’Amy Winehouse, décédée à 27 ans, le 23 juillet 2011. Elle raconte son destin tragique à travers sa musique, son addiction et sa sulfureuse histoire d’amour.

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Dans le film, c’est Marisa Abela qui prête ses traits à Amy Winehouse. Pour incarner l’interprète de Rehab, elle s’est complètement transformée physiquement. Elle a perdu du poids, a revêtu le style pin-up ainsi que l’imposant trait d’eye-liner de la star. De plus, l’actrice a tenu à chanter elle-même la plupart des chansons. Pour le reste du casting, Jack O’Connell (Skins) joue l’ex-mari d’Amy Winehouse, Blake Fielder Civil. Eddie Marsan (Fair Play) est le père, Mitch Winehouse. Et Lesley Manville (The Crown) incarne la grand-mère, Cynthia Winehouse.

Quand le film commence, Amy Winehouse n’a que 18 ans. Mais l’intrigue se concentre surtout sur son deuxième album, d’où le titre éponyme Back to Black. Un album qui lui a permis d’être reconnue à l’international, et de remporter cinq Grammy Awards. En revanche, l’histoire ne s’attarde pas sur l’écriture des morceaux, mais sur ce qui les a inspirés. Et notamment, sa rupture avec son futur ex-mari, Blake Fielder Civil.

Bien que Sophian Fanen salue la performance des acteurs, le journaliste et auteur de l’enquête Amy pour la vie, déplore que le film réduise la vie de la chanteuse « à des grandes lignes noires ou blanches », dit-il au HuffPost.

Une romance tragique parfaite

L’histoire entre Amy Winehouse et Blake Fielder Civil n’est pas un secret, elle a été très médiatisée. La chanson Back to Black est entièrement dédiée à Blake, évoquant leur première rupture. Encore aujourd’hui, le Britannique est tenu pour responsable de l’addiction d’Amy Winehouse et de sa mort par l’opinion publique. Sophian Fanen rappelle que Blake était « une co-victime de cette affaire parce qu’il était aussi malade. C’est un pauvre gars drogué qui ne veut pas guérir, qui tombe très amoureux de cette jeune chanteuse, et elle aussi. C’est une vraie histoire d’amour ».

Ici, la réalisatrice de Cinquante Nuances de Grey choisit de se concentrer sur cet amour passionnel et destructeur. « Il ne m’appartenait pas de porter un jugement sur quelqu’un qui était manifestement un toxicomane, et sur le fait qu’ils vivaient tous les deux une histoire d’amour intense, bien que toxique » a-t-elle confié à la BBC. La toxicité de la relation est bien illustrée, entre les violences d’Amy Winehouse sur son mari, et leur addiction aux drogues dures. Mais Blake (Jack O’Connell) « paraît très édulcoré » constate Sophian Fanen. Bien que ce ne soit pas le grand méchant de l’histoire, « c’est quand même quelqu’un qui profite d’elle, et là il apparaît comme un gentil garçon ».

Dans son enquête Amy pour la vie, le journaliste raconte sur la base de témoignages, que le rôle de Blake en tournée était de dénicher « des dealers pour les fournir tous les deux ». Pourtant, cet aspect de leur vie est effacé du film, au profit d’une « histoire tragique parfaite ». Tout comme la cause du décès d’Amy Winehouse, qui suppose qu’elle serait morte de chagrin à cause de Blake. « Alors qu’il ne fait plus partie de sa vie à ce moment. (...) Quand elle meurt, elle va bien, elle enregistre de la musique, elle voit plein de gens, elle sort avec un garçon… Elle n’est pas morte dans un moment d’abandon où elle voulait en finir avec la vie », expose le journaliste des Jours.

Une histoire « édulcorée »

Back to Black fait « très attention à ne blesser personne », remarque Sophian Fanen. Sam Taylor-Johnson a déclaré à la BBC, que même si le projet était soutenu par les parents d’Amy Winehouse, ils n’avaient aucune influence sur ce qu’elle « pouvait ou ne pouvait pas faire ». Mais si le documentaire Amy d’Asif Kapadia avait positionné Mitch Winehouse comme le grand responsable de l’histoire, ici c’est tout l’inverse.

Sam Taylor-Johnson dépeint la relation fusionnelle entre Amy et son père, jusqu’à en gommer la complexité. Du vivant de sa fille, Mitch Winehouse n’hésitait pas à prendre la parole dans les médias, notamment pour s’adresser à elle. Pourtant dans le film, le personnage d’Eddie Marsan se tient à l’écart des paparazzis. « On a une version extrêmement manichéenne de la cellule familiale, avec ce gentil papa poule dépassé. Alors oui il l’était, et il s’est fait complètement manipuler par la presse. Mais c’était aussi quelqu’un qui vivait à travers le succès de sa fille la carrière qu’il n’a pas eue », continue Sophian Fanen.

En privilégiant ce point de vue, Back to Black joue le jeu des tabloïds et rend la musique secondaire. La seule scène où l’on voit Amy Winehouse en studio, elle interprète Back to Black en larmes. Or, on ne réalise pas que « pendant l’enregistrement de ce disque, elle allait super bien » rappelle le journaliste qui précise que le studio était « l’endroit où elle se sentait bien ». Un aspect qu’il a voulu mettre au centre de son enquête : confirmer qu’Amy Winehouse était surtout « une autrice compositrice de premier plan. Qui a fait quelque chose de très unique, dont personne ne voulait. Elle est hors normes ».

Back to Black nous prouve que les biopics restent des histoires racontées avec une part de fiction. C’est avant tout des produits marketing pour « relancer les streams et les ventes de disques » afin de « remettre la musique d’un ou d’une artiste dans les oreilles d’une génération » conclut Sophian Fanen.

Reste à savoir si le public aura envie de se (re)plonger dans la discographie d’Amy Winehouse le 24 avril, lors de la sortie du film.

Sophian Fanen, journaliste spécialiste de la musique et cofondateur du site Les Jours, a publié une enquête sur la vie d’Amy Winehouse intitulée Amy pour la vie, disponible depuis le 9 avril en librairie.

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