Sollers l’étincelant

Philippe Sollers est décédé le 6 mai 2023 (portrait de 2002).  - Credit:DANIEL JANIN / AFP
Philippe Sollers est décédé le 6 mai 2023 (portrait de 2002). - Credit:DANIEL JANIN / AFP

Il était, sans conteste, l'écrivain français le plus vivant, le plus étincelant, le plus enjoué, le plus mystérieux…

À chaque rencontre, j'avais droit à son théorème de base – sa morale, son protocole tactique, son mantra toujours murmuré à cause des espions possiblement aux aguets dans les parages : « pour vivre cachés, vivons heureux… » – et fusait alors son rire magnifique, sollersien…

Car Sollers, l'ami de l'intelligence et du plaisir, avait compris, comme certains de ses complices du temps jadis, que le bonheur, son affichage, son expérience, est, par définition, intolérable au « système » – qui, lui, préférera à jamais, et ô combien, la tradition peine-à-jouir, celle des écrivains qui souffrent, qui mélancolisent, qui dépriment (ajouter ici les noms qui conviennent…).

Des livres rapides et dansants

C'est pour cette raison, et au nom de sa religion de l'allégresse perpétuelle, que Sollers – Ah, ce masque admirable, ulysséen, prélevé chez Homère, pour supplanter son natif patronyme de « Joyaux », qui n'était pourtant pas si mal pour un prosateur aussi précieux que lui – que Sollers, dis-je, avait choisi, une fois pour toutes, de s'installer en plein XVIIIe siècle, en compagnie de Vivant Denon, de Mozart, de Casanova (à ne pas confondre avec Don Juan, cet ennemi des femmes…). Il écrivait alors des livres rapides et dansants. Il éblouissait, rafraîchissait, instruisait, se moquait. Au nom du seul devoir de créer et d'être.

Le « système », toujours lui, avait [...] Lire la suite