« Si le soleil s’en souvient » : le théâtre autobiographique de Jean-Paul Enthoven

 Jean-Paul Enthoven, écrivain et éditeur, chez lui, à Paris, le 15 février 2024.  - Credit:JF Paga/Ed. Grasset/SP
Jean-Paul Enthoven, écrivain et éditeur, chez lui, à Paris, le 15 février 2024. - Credit:JF Paga/Ed. Grasset/SP

Jean Cocteau, agacé, dans les années 1920, par la légende de dandysme parfumé qui nimbait Pierre Drieu la Rochelle, aimait à conduire des mondains goguenards devant la vitrine d'un parent de l'écrivain dont il avait découvert qu'il tenait dans le nord de Paris une banale pharmacie.

On en voit le ressort : spéculation sur la honte sociale, lazzis des nantis, vitriolage d'une élégance composée. Jean-Paul Enthoven n'ignore pas cette anecdote, en ce qu'elle a d'insidieux et de mesquin : dénoncer chez un écrivain le mirage d'un leurre en lui déniant la possibilité de s'inventer un destin. L'auteur des Enfants de Saturne (Grasset, 1996) donne ici les clés du sien.

Né à Mascara, Algérie française, en 1949, ce fils aimant d'un exploitant de cinémas et d'une mère à la coquetterie continentale n'a guère goûté sa nacelle originaire. On est de son enfance comme d'un pays, et celui-là mûrissait sous le soleil le crépuscule de ses damnations. La pierraille et les oliviers, l'honneur brisé de l'espoir camusien, les paras ratissant les wilayas quand le FLN posait ses pains d'explosifs dans des cafés bondés.

On ne se guérit pas des autres : ceux du quartier du jeune Enthoven nourrissaient par esprit insulaire les ferments de leur perte. Une cohorte de petits Blancs ivres de Cinzano et de mépris, vitupérant « crouilles » et « bougnouls », le fusil près du bonnet, de ces archaïques coloniaux contre lesquels Nizan avait ragé trente ans plus tôt son Aden Arabie. Ce serait bientôt [...] Lire la suite