SNU : pourquoi la volonté de le rendre obligatoire divise
Selon Politis, le Service National Universel pourrait devenir obligatoire à partir de 2024, avec uniforme et Marseillaise au programme.
C'est le prochain projet du gouvernement qui pourrait faire polémique. Rendre le Service National Universel (SNU) obligatoire en janvier 2024 dans six départements (Cher, Hautes-Alpes, Vosges, Finistère, Dordogne et Var) avant un élargissement progressif à l'ensemble du territoire selon un document de travail interne au Ministère de l’Éducation nationale, révélé par Politis.
Un engagement aujourd'hui volontaire qui n'a attiré que 30 000 jeunes et dont la généralisation et le caractère obligatoire concernerait 800 000 jeunes, répartis à travers la France chaque année sur le temps scolaire pour douze jours, pour un coût estimé à près de deux milliards d'euros par an une fois la mesure généralisée.
"Les élèves ont besoin de cours, de professeurs, pas du SNU"
"C''est un projet politique qui vise à affaiblir l'Éducation nationale : le budget du SNU est pris sur celui de l'Éducation nationale, on prend du temps scolaire aux élèves, mais les élèves ont besoin de cours, de professeurs, pas du SNU", tempête Sophie Venetitay secrétaire générale du syndicat SNES-FSU.
Au programme du SNU selon le document de travail révélé par l'hebdomadaire Politis : un séjour de 12 jours de 6h30 à 22h30 comme dans le dispositif actuel, avec uniforme, levée du drapeau le matin et le chant de la Marseillaise, ainsi que des modules imposés sur des enjeux liés à la défense, à la sécurité intérieure, à la mémoire, à la transmission "des valeurs de la République" ainsi qu’à la biodiversité et au développement durable.
"Ça existe déjà et ça s'appelle l'école"
Un programme qui suscite la colère des syndicats d'enseignants : "Quand on lit la liste des activités : comme la sensibilisation au développement durable ou qu'on entend les membres du gouvernement défendre le SNU comme un lieu de rencontre entre des élèves de différents milieux sociaux, d'émancipation par l'apprentissage, mais ce lieu existe déjà et ça s'appelle l'école ! Ce sont des thématiques que l'on traite en cours", poursuit Sophie Venetitay.
Au-delà des questions budgétaires et éducatives, le caractère obligatoire du SNU tel qu'envisagé poserait un "vrai problème démocratique, parce que les finalités d'un séjour civique sont forcément d'ordre politique et idéologique", explique dans Libération Bénédicte Chéron, historienne spécialiste des questions militaires, qui s'interroge sur son acceptation dans la population.
Les syndicats lycéens opposés au SNU
"Les Français ont accepté majoritairement le service militaire avec son lever de drapeau, son uniforme, aussi longtemps qu'ils ont cru à la nécessité d'une armée de masse pour défendre le pays. (...) Le SNU lui repose sur un emballage symbolique militaire mais sans aucune finalité capable de faire émarger un large consensus (...) Il faudra donc un régime de sanction mais appliquer des sanctions à des mineurs à qui on impose une obligation de séjour fermé au nom d'une finalité civique n'est pas tenable", prolonge-t-elle dans les colonnes de L'Obs du 2 février dernier.
Un projet qui ne passe pas davantage auprès des syndicats lycéens, directement concernés par la mise en place du SNU. "Macron compte-t-il essuyer les larmes des jeunes de plus en plus anxieux face à l'avenir à coup de drapeaux et de 'valeurs' patriotiques ?", feint de s'interroger Manès Nadel, responsable fédéral Paris du syndicat La Voix Lycéenne.
Le gouvernement s'apprête à étendre à tous•tes les lycéen•nes sa militarisation à marche forcée de la jeunesse insupportable et inutile. Macron compte-t-il essuyer les larmes des jeunes de plus en plus anxieux face à l'avenir à coup de drapeaux et de "valeurs" patriotiques ? pic.twitter.com/cOfgpUJO1O
— Manès (@ManesNadel) February 28, 2023
Des révélations de Politis qui ont amené le sujet à l'Assemblée nationale, où plusieurs députés de la Nupes ont interrogé le gouvernement sur le caractère généralisé et obligatoire du SNU. Le député écologiste Benjamin Lucas dénonce un dispositif "ringard, paternaliste et hors de prix", tandis que Bastien Lachaud dénonce une "parodie de préparation militaire" et déplore que le Parlement n'ait pas été consulté : "La jeunesse se révolte contre le monde actuel. Vous répondez par l'embrigadement des lycéens", a-t-il lancé à la tribune.