Comment Snapchat riposte face au trafic de drogue

Comment Snapchat fait la guerre aux trafiquants de drogues (Photo: stockcam via Getty Images)
Comment Snapchat fait la guerre aux trafiquants de drogues (Photo: stockcam via Getty Images)

STUPÉFIANTS - Baptisé “le réseau social de la drogue” par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, Snapchat est mis en cause aux quatre coins du monde pour la facilité avec laquelle il permet aux trafiquants de mener leur business. Un problème que semble vouloir prendre à bras-le-corps la plateforme, qui multiplie les annonces sur ses moyens de lutte contre le deal. La dernière en date, annoncée ce mardi 18 janvier: la modification de l’option d’ajout rapide d’amis.

Désormais, les mineurs de 13 à 17 ans ne pourront plus apparaître dans les recommandations des utilisateurs adultes avec lesquels ils n’ont pas ou peu de contacts communs. Car c’est notamment via ces suggestions d’amis que les dealers, sur Snapchat, peuvent facilement entrer en contact avec d’éventuels nouveaux clients. Si dans les faits, ils pourront toujours contourner cette mesure, elle leur rendra toutefois la tâche plus compliquée.

“Collaboration étroite avec les autorités”

Début décembre, Snapchat annonçait déjà qu’il allait améliorer la détection et la suppression des contenus liés à la drogue, grâce à une meilleure modération humaine, l’intelligence artificielle et les signalements effectués par les utilisateurs. Snapchat a fait savoir que sa détection des contenus liés à la drogue avait augmenté de 390% l’année dernière, rapporte The Guardian.

Le réseau social, célèbre pour ses messages éphémères, avait aussi lancé un portail de prévention sur les risques liés à la drogue et aux addictions, nommé Head’s Up. Visés en particulier: “la consommation de cannabis, de MDMA ou l’usage détourné du protoxyde d’azote.”

Sarah Bouchahoua, responsable des Affaires publiques pour la France chez Snap Inc., affirmait que ces “mesures [...] s’inscrivent dans une approche globale de la lutte contre le trafic de substances illicites, allant du développement d’outils proactifs pour détecter et supprimer les contenus et les comptes liés à la drogue, à une collaboration étroite avec les autorités”.

Des mesures en série à l’ampleur du phénomène du trafic de drogue sur le réseau social, où se multiplient de véritables pubs pour les points de deal, les vendeurs et les produits (promotions, cartes de fidélité, etc.).

En France, c’est surtout le cannabis qui est présent. Mais aux États-Unis, confrontés à une crise des opioïdes, les dealers commercialisent également le fentanyl -un analgésique très puissant- via le réseau social. Quelques semaines avant la dernière annonce de Snapchat, l’agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique (CDC) alertait sur l’augmentation des overdoses liées au fentanyl parmi les jeunes, selon The Guardian, qui a discuté avec des parents d’enfants victimes d’overdose et consulté des captures d’écran de comptes vendant des opioïdes.

Snapchat, pas le seul réseau social touché

Si Snapchat a pris conscience du problème, le trafic en ligne et son ubérisation -sur le modèle des livraisons à domicile de nourriture- ne sont pas que le fait de cette plateforme. Instagram ou TikTok sont également utilisés pour le commerce illicite. D’ailleurs, selon Jean-Baptiste Lusignan, responsable du pôle santé jeunesse au Centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes (Crips) joint par Le HuffPost, les lycéens et jeunes adultes rencontrés par l’association évoquent plus Instagram que Snapchat.

Des propos que semble confirmer une enquête de terrain menée fin 2017 en Norvège, au Danemark, en Finlande, en Islande et en Suède, et publiée dans la Drug and alcohol review. Elle estimait que Snapchat arrivait en troisième position des plateformes les plus utilisées pour le deal, derrière Facebook et Instagram.

Mais une autre étude menée en 2019 au Royaume-Uni par VolteFace, organisation spécialisée dans les politiques publiques de réduction des risques liés à l’usage de drogues, nuançait ce constat. Selon l’étude, 56% des près de 2000 jeunes âgés de 16 à 24 ans interrogés avaient vu de la publicité pour de la drogue sur Snapchat, contre 55% sur Instagram et 47% sur Facebook. Le cannabis arrivant en tête des produits mis en avant. Les chercheurs notaient également que, contrairement aux applications du groupe Meta, “les revendeurs Snapchat ne mentionnaient pas des problèmes de comptes ou de profils fermés” à l’époque. Ils ajoutaient que les dealers y étaient peu discrets.

Les trafiquants “auront toujours un temps d’avance”

Pour Jean-Baptiste Lusignan, si la dernière annonce de Snapchat a un intérêt, ce serait celui “d’ouvrir la discussion avec les parents sur ces espaces très privés et difficiles à contrôler” que sont les comptes des adolescents sur les réseaux sociaux. “Ils savent que leurs parents n’ont pas la moindre idée des choses qu’ils voient”, déclare-t-il au HuffPost. “Au Crips, on pense que l’éducation doit passer par le ‘faire avec’ en accompagnant les premiers usages des réseaux sociaux”, avance Jean-Baptiste Lusignan. Il conseille aux parents “de s’intéresser [aux influenceurs que suivent leurs enfants], de savoir écouter et aller” sur les plateformes qu’ils utilisent.

Sur l’impact des nouvelles mesures sur les trafiquants, il est plus sceptique. De toute façon, si le réseau social se ferme aux dealers, “ils investiront un autre espace”. “Ils auront toujours un temps d’avance, assure le responsable du pôle jeunesse du Crips, pour qui la prévention est primordiale. Ils auront une autre façon de vendre et de trouver de nouveaux consommateurs.”

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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