Six lancements en moins de 15 jours: pourquoi la Corée du Nord multiplie les tirs de missiles

Six lancements en moins de 15 jours: pourquoi la Corée du Nord multiplie les tirs de missiles

Pyongyang récidive. Ce jeudi, la Corée du Nord a de nouveau lancé deux nouveaux missiles balistiques en direction de la mer du Japon, deux jours après avoir procédé au lancement d'un missile Hwasong-12 qui avait survolé l'île nippone et parcouru environ 4600 km, soit probablement la distance la plus longue jamais atteinte par Pyongyang dans le cadre de ses essais.

Ce sixième lancement en moins de deux semaines, est "absolument inacceptable", a aussitôt réagi le Premier ministre japonais Fumio Kishida. De son côté, la Corée du Nord a estimé que ces tirs constituent "les justes mesures de rétorsion de l'Armée populaire coréenne contre les manoeuvres militaires conjointes entre la Corée du Sud et les Etats-Unis qui provoquent une escalade des tensions militaires dans la Péninsule coréenne."

Dynamique des essais et message

La Corée du Nord a intensifié ses tirs cette année et a lancé un missile balistique intercontinental (ICBM) pour la première fois depuis 2017. Contacté par BFMTV.com, Antoine Bondaz, directeur du programme Corée à la Fondation pour la Recherche Stratégique et enseignant à Sciences Po, confirme qu'il existe "une dynamique" des essais au Nord.

"Ce que fait la Corée du Nord, c’est le développement et l’accroissement de ses capacités qui sont maintenant considérées comme crédibles. Cette année est déjà record avec 30 tests. Quand il était au pouvoir, Kim Jong-il avait réalisé 15 essais du même type en 15 ans. Depuis son arrivée au pouvoir il y a dix ans, Kim Jong-un en a réalisé 170", dévoile-t-il.

Selon l'expert, ces nouveaux essais nord-coréens sont un moyen pour le régime de Pyongyang de réaffirmer sa position dans la région. "Cela démontre qu’ils peuvent faire des frappes de pénétration et de précision et surtout, cela laisse un peu moins de marge de manœuvre à la Corée du Sud", ajoute-t-il, soulignant que le message sous-jacent était clair.

"C’est ici un message lancé à la Corée du Sud et aux forces américaines qui y sont stationnées, mais aussi directement aux États-Unis puisque les missiles utilisés peuvent théoriquement toucher l’île de Guam", ajoute Antoine Bondaz.

Cette île de l'océan Pacifique abrite une base navale stratégique américaine dans la région.

Quelle réaction?

Après l'essai de mardi, les États-Unis et Joe Biden ont promis, après consultation avec le Japon et la Corée du Sud, une réponse "robuste" à ce tir. Des avions de combat sud-coréens et américains ont mené mardi des exercices de frappe de précision, avec le largage de bombes sur une cible virtuelle dans la mer Jaune par deux avions de combat sud-coréens F-15K.

A cette réponse, Antoine Bondaz argue que le voisin sud-coréen possède en réalité "de moins en moins de leviers" à opposer au Nord.

"Il y a déjà beaucoup de sanctions économiques et la Corée du Nord est déjà isolée comme jamais avec le Covid. Le Sud a trois leviers, accroître elle aussi ses capacités, adapter sa doctrine ou renforcer ses alliances", ajoute le spécialiste de la région.

Cette semaine encore, huit avions de combat japonais et quatre autres américains ont mené des exercices conjoints à l'ouest de la région de Kyushu, selon l'état-major japonais. Ces forces ont montré qu'elles "sont prêtes et ont démontré à l'intérieur des frontières et à l'étranger la forte détermination du Japon et des Etats-Unis à faire face à la situation", décrit l'état-major interarmées de Séoul.

Crainte de l'escalade nucléaire?

La Corée du Nord, qui fait l'objet de sanctions de l'ONU pour ses programmes d'armement, a adopté en septembre une nouvelle doctrine rendant "irréversible" son statut de puissance nucléaire.

"La Corée du Nord commence toujours par une provocation de bas niveau et élève progressivement le niveau pour attirer l'attention des médias du monde entier", a avancé Go Myong-hyun, chercheur à l'Asan Institute for Policy studies. "En lançant le missile au-dessus du Japon, ils montrent que leur menace nucléaire ne vise pas seulement la Corée du Sud."

Les responsables sud-coréens et américains préviennent depuis des mois que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un se préparerait à effectuer un nouvel essai nucléaire. Il pourrait être conduit après le prochain congrès du Parti communiste chinois qui débute le 16 octobre, ont indiqué ce week-end plusieurs hauts responsables du commandement américain pour l'Asie-Pacifique.

Contrairement à d'autres puissances nucléaires, Pyongyang ne considère pas ce genre d'armement comme un outil de dissuasion destiné à ne jamais être utilisé. Pyongyang a testé des bombes atomiques à six reprises depuis 2006. Le dernier essai en date, et le plus puissant, est survenu en 2017, d'une puissance estimée à 250 kilotonnes.

Article original publié sur BFMTV.com