"Une situation extrêmement anxiogène": des habitants de Nouvelle-Calédonie racontent les émeutes

"Ça a été une réelle baffe pour tout le monde en Nouvelle-Calédonie." L’archipel est le théâtre d’importantes violences depuis le début de la semaine après l’examen et le vote à l’Assemblée nationale d’une révision constitutionnelle visant à l’élargir le corps électoral propre au scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie.

Dans les rues de Nouméa, certains habitants se barricadent. Des barrages de fortune ont été montés pour ralentir la progression des indépendantistes, mobilisés contre la révision constitutionnelle. Des commerces et des habitations n’ont pas résisté à leur passage. De nombreuses infrastructures ont été incendiées depuis le début de la semaine.

Des barricades érigées

"Depuis 36 heures, c’est une situation qui est extrêmement anxiogène, explique Philippe Vadé, un habitant des quartiers sud de la capitale de la Nouvelle-Calédonie." Au fil des heures, certains riverains se sont constitués en milice "pour aider les forces de l’ordre qui, malgré leurs efforts, étaient en nombre insuffisant", poursuit-il.

Ces regroupements de personnes érigent des barrages au cœur des quartiers "pour éviter que tous les délinquants qui arrivent par ordre viennent de piller ou de brûler les commerces", précise cet habitant qui affirme ne pas être armé. "On se défend comme on est attaqué. En renvoyant des jets de pierres éventuellement" détaille-t-il. Ils tentent aussi d’intimider les émeutiers à l’aide de barre de fer et de batte de baseball.

Une force peu dissuasive. À Nouméa, depuis le début de la semaine, "des commerces par centaines" ont été ravagés par les flammes, selon Ronan Daly, le président du Syndicat des commerçants de Nouvelle-Calédonie. Des magasins ont été "pillés, détruits" par "des émeutiers qui ont semé le chaos", poursuit-t-il. "C’est la troisième nuit consécutive que l’on passe où on ne dort quasiment plus."

Ronan Daly affirme assister "impuissant à la destruction de tout le tissu économique local de Nouméa". Pour l’heure, il estime les dégâts "en centaine de millions d’euros". Depuis son logement, le président du Syndicat des commerçants de Nouvelle-Calédonie suit les événements. "En bas de chez moi, il y a des barrages avec des gens qui se relaient", explique-t-il. "Des murs, hauts de trois mètres, ont été érigés pour protéger nos quartiers cet après-midi", poursuit-il.

"C'est assez terrifiant pour beaucoup de gens"

Selon le président du syndicat des commerçants de Nouvelle-Calédonie, les émeutiers "sont armés de bombe, cocktail molotov". "Ils brûlent tout, ils rentrent dans tout. Aucun centre ne leur résiste. C’est assez terrifiant pour beaucoup de gens."

Minuit est passé sur l’archipel. Claudia est cloîtrée chez elle. "On s’attend à passer une nuit assez agitée, explique-t-elle à BFMTV. On ne sort pas. Il est hors de question de sortir. Il n’en est pas question (...) et de toute façon, la nuit il y a un couvre-feu." Claudia confie vivre dans la peur. "On s’est préparé. Cet après-midi, j’ai dû dire à ma fille, qui est une adolescente: 'prépare tes affaires, prépare ton sac. Prends le minimum et ton passeport'", affirme Claudia.

"On savait qu’on allait avoir un week-end et des jours difficiles en marge de ce vote que l’on attendait, mais pas comme ça", rapporte de son côté Ronan Daly.

"Avant de partir, j'avais plusieurs échos sur un renforcement de revendication", explique de son côté Anne-Laure. Cette habitante des quartiers sud de Nouméa suit les émeutes à distance depuis la métropole où elle séjourne quelques jours. "Ça se sentait déjà, mais je ne pensais pas que ça irait jusque-là."

Dans la famille d'Anne-Laure, "on est métisse", poursuit-elle. "La plus grande majorité de la Nouvelle-Calédonie est métissée et on est pour le vivre-ensemble dans les meilleures conditions et certainement pas en se faisant du mal aux autres."

Emmanuel Macron a demandé ce mercredi l'instauration de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie, où les émeutes ont fait trois morts et de nombreux blessés.

Article original publié sur BFMTV.com