Le maréchal Sissi candidat à la présidence égyptienne

Le maréchal Abdel Fattah al Sissi, chef de l'armée égyptienne et ministre de la Défense, a décidé de renoncer à ces fonctions pour briguer la présidence, a-t-il annoncé lui-même mercredi dans une allocution télévisée. /Photo prise le 26 mars 2014/REUTERS/Mohamed Abd El Ghany

par Tom Perry LE CAIRE (Reuters) - Le maréchal Abdel Fattah al Sissi, chef de l'armée égyptienne et ministre de la Défense, a décidé de renoncer à ces fonctions pour briguer la présidence, a-t-il annoncé lui-même mercredi dans une allocution télévisée. "C'est vrai, il s'agit de mon dernier jour sous l'uniforme, mais je continuerai à lutter chaque jour pour une Egypte libérée de la peur du terrorisme", a-t-il déclaré, évoquant les attentats qui se multiplient depuis l'éviction le 3 juillet et à son initiative du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans. "Je ne peux pas faire de miracles. Je propose en revanche de travailler dur et de faire preuve d'abnégation (...) Il faut être francs avec nous-mêmes : notre pays a de grands défis à relever. Notre économie est faible. Des millions de jeunes sont victimes du chômage en Egypte. C'est inacceptable", a-t-il poursuivi. Sa candidature à la présidentielle ne faisait guère de doute, puisqu'il avait déclaré à plusieurs reprises dans la presse qu'il ne pouvait ignorer "l'appel du peuple". La date du scrutin n'a pas encore été fixée mais il devrait avoir lieu avant la fin juin, comme le prévoit la Constitution. Le seul rival déclaré du maréchal Sissi est pour l'heure le candidat de la gauche nassérienne Hamdine Sabahi, troisième de la présidentielle de 2012. Nombre d'Egyptiens voient dans l'ancien chef des services de renseignement militaires, âgé de 59 ans, l'homme fort qui pourra sortir le pays des trois années d'instabilité politique, d'insécurité et du naufrage économique qui ont suivi le soulèvement contre Hosni Moubarak, en 2011. UN MORT ET HUIT BLESSÉS Cibles d'islamistes radicaux qui ont multiplié les attentats ces derniers mois, l'armée et la police mènent une répression implacable contre les Frères musulmans, dont des milliers de membres ont été tués ou arrêtés pour avoir participé à des manifestations, et plus généralement contre toutes les voix discordantes en Egypte. Lundi, un tribunal de Minya a condamné à mort 529 partisans de la confrérie à l'issue d'un procès expéditif décrié par les organisations des droits de l'homme, l'Onu et les capitales occidentales. Plusieurs centaines de jeunes ont manifesté contre ce verdict, mercredi à l'Université du Caire, à l'appel des "étudiants contre le coup d'Etat" et affronté la police anti-émeute. Le ministère de la Santé a fait état d'un mort et de huit blessés. Des membres de la confrérie bloquent la circulation et cherchent à dresser un camp sur le campus, rapporte le ministère de l'Intérieur, qui signale plusieurs blessés parmi les policiers. Prises partie à coups de cocktails Molovov, les forces de l'ordre ont riposté par des tirs de balles en caoutchouc et de grenades lacrymogènes, selon un correspondant de Reuters sur place. De sources policières, on parle de 500 à 600 manifestants. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, s'est également élevé mercredi contre les 529 condamnations à morts prononcées la veille. "J'exhorte le gouvernement intérimaire égyptien à revenir sur ce verdict à garantir un procès équitable aux accusés. Toute autre décision déshonorerait ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour les valeurs démocratiques", a-t-il estimé. Au noms des "28", Herman van Rompuy, président du Conseil européen, s'est dit scandalisé. "Nous invitons les autorités égyptiennes à rétablir l'Etat de droit", a-t-il ajouté, lors d'une conférence de presse organisée à l'issue d'un entretien avec Barack Obama, qui était en visite à Bruxelles. (Bertrand Boucey, Tangi Salaün et Jean-Philippe Lefief pour le service français)