Sur le sexisme, le rapport du HCE montre que ces clichés ont encore de beaux jours devant eux

Des militantes qui manifestent contre le « vieux monde sexiste », le 11 janvier dernier.
ALAIN JOCARD / AFP Des militantes qui manifestent contre le « vieux monde sexiste », le 11 janvier dernier.

FEMMES - Neuf femmes sur dix déclarent avoir personnellement subi une situation sexiste. C’est l’un des chiffres (alarmants) tirés du rapport annuel du Haut Conseil à l’Égalité sur l’état des lieux du sexisme en France, paru ce lundi 22 janvier. Et le constat est inquiétant : le sexisme progresse et semble s’ancrer dans la société, malgré les récents combats féministes ces dernières années. La preuve par ces clichés sexistes qui persistent chez les Français.

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Les stéréotypes se font sentir dès l’école et la petite enfance, selon les réponses des 3 500 personnes interrogées (un échantillon représentatif, âgé de 15 ans et plus) par les auteurs du rapport. Les femmes sont 70 % à estimer n’avoir pas reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille.

À l’école, c’est le même topo. Près de la moitié des femmes de 25-34 ans pensent ne pas avoir reçu le même traitement à l’école que les hommes (38 % pour toutes les tranches d’âge). Et les assignations genrées persistent par la suite : 74 % des femmes n’ont jamais envisagé de carrière dans les domaines scientifiques ou techniques, et 17 % des hommes pensent qu’ils sont meilleurs en maths que leurs homologues féminines, un chiffre qui augmente de 3 % par rapport à l’année dernière selon Libération.

La pensée masculiniste gagne encore du terrain

Cette éducation genrée n’est pas sans conséquence sur la suite de la vie des personnes concernées. Les stéréotypes de genres sur la famille stagnent, et le repli masculiniste gagne du terrain dans la pensée des hommes. Ainsi, ils sont 37 % à considérer que le féminisme menace leur place, un chiffre en hausse lui aussi de 3 % par rapport à l’année dernière.

Chez les jeunes hommes, cette pensée masculiniste prospère particulièrement : 59 % des 25-34 ans pensent qu’il n’est « plus possible de séduire une fille sans être vu comme sexiste » ou 52 % qu’on « s’acharne sur les hommes ». « Plus grave encore », selon les auteurs du rapport, 64 % des hommes de 25-34 ans disent imiter les vidéos pornographiques dans leurs relations sexuelles. Le tout alors qu’un quart de cette même tranche d’âge pense qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter.

Un repli de valeurs qui s’explique par le phénomène de backlash. « Plus l’engagement en faveur de femmes s’exprime dans le débat public, plus la résistance s’organise. Les réflexes masculinistes et comportements machistes s’ancrent en particulier chez les jeunes hommes adultes, pendant que l’assignation des femmes à la sphère domestique regagne du terrain », déplore le HCE.

Parmi les clichés genrés qui persistent, on retrouve ceux qui concernent la famille. Par exemple, celui selon lequel un homme doit entretenir financièrement sa famille pour être respecté dans la société a plutôt bonne presse : 70 % des hommes interrogés le pensent. Et plus d’un homme sur cinq de 25-34 ans estime qu’il est normal d’avoir un salaire plus élevé.

Chez les femmes également, certains stéréotypes perdurent et les valeurs traditionnelles gagnent du terrain dans leur pensée. L’idée « qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants » gagne sept points (34 %) chez les intéressées. Selon l’étude, « plus de la moitié de la population [homme comme femme, ndlr] trouve encore normal ou positif qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille ».

Trois incubateurs du sexisme : l’école, la famille et Internet

La finalité de tous ces clichés qui persistent est que les violences sexistes ne reculent toujours pas : 37 % des femmes déclarent avoir vécu une situation de non-consentement, un chiffre qui grimpe à plus de 50 % chez les 25-34 ans. Et pour y remédier, ce rapport qui entend s’attaquer « aux racines du sexisme » a identifié les trois « incubateurs les plus puissants de la société » : la famille, l’école et Internet.

« Cela rend la lutte contre le sexisme encore plus nécessaire et urgente. On ne peut lutter contre les violences sans s’attaquer aux racines du mal, sinon c’est le tonneau des Danaïdes », affirme Sylvie Pierre-Brossolette. Le HCE recommande donc d’inciter juges et citoyens à s’approprier le délit du sexisme, qui existe dans les textes, mais qu’il recommande de simplifier.

Le HCE préconise aussi de « réguler l’espace numérique ». Il recommande de contraindre par la loi les plateformes à auto-évaluer, sous l’égide de l’Arcom, le degré de stéréotypes et de sexisme de leurs contenus les plus vus, sur le modèle des chaînes de télévision. Une proposition qu’avaient acceptée en principe les patrons français de Meta et Google.

La première journée nationale contre le sexisme aura lieu ce jeudi 25 janvier. Une initiative du gouvernement, reprenant l’idée du collectif Ensemble contre le sexisme qui organisait cette journée depuis 7 ans. Plusieurs événements sont prévus à l’occasion : un « Sexisme TV show », parodie de chaîne télévisée du collectif à l’origine de l’événement, ou un spot du HCE pour « faire du sexisme une histoire ancienne ».

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