Dans "Sex Education", Jean Milburn face à la stigmatisation sur les grossesses tardives

Sans cesse rappelée à son âge - 48 ans -, Jean Milburn, interprétée par Gillian Anderson, ne semble pas pouvoir vivre tranquillement sa grossesse.

SEX EDUCATION - Dans la série Sex Education, Netflix a le don d’aborder de près ou de loin toutes les thématiques liées à la sexualité: celles qui font rire, celles qui fâchent, celles qui sont méconnues, celles qu’on croit trop bien connaître, et celles qui sont tabou. À ce titre, la troisième saison de la série, disponible depuis le 17 septembre sur la plateforme de streaming, aborde une situation sujette à discorde: celle des grossesses à un âge avancé.

En effet, à la fin de la saison 2, Jean Milburn, interprétée par Gillian Anderson, apprend qu’elle est en même temps enceinte et en périménopause à l’âge de 48 ans.

Attention spoilers
La suite de cet article révèle des éléments d’intrigue de la saison 3 de
Sex Education

Dans cette troisième et nouvelle saison, Jean Milburn a décidé de garder l’enfant seule. Jakob, le père, n’est pas encore au courant. C’est donc d’abord une femme enceinte et célibataire de 48 ans que Netflix choisit de mettre en avant. Accompagnée par la suite par Jakob qui s’installe même avec sa fille chez elle et son fils, Jean Milburn est très vite confrontée à une forte stigmatisation liée à son âge.

Dans le cinquième épisode, en effet, la mère d’Otis est immédiatement remise à sa place lorsqu’elle se rend à l’hôpital pour une échographie. “Je me suis trompé, ce formulaire-ci est pour les mères âgées”, lui lance-t-on à l’accueil. Elle fait ensuite face à des remarques plus que déplacées de la part du médecin réalisant l’échographie.

“Le patriarcat en action”

Celui-ci croit pouvoir prétendre que si elle ne désire pas connaître le sexe de l’enfant, c’est en raison de son âge. “Beaucoup de femmes âgées font ce choix pour se concentrer sur la grossesse et la santé du bébé”, lâche-t-il. “Il y a plus de risques de fausse couche, d’anomalies, de croissance fœtale…” “Oui. On m’a souvent rappelé les risques. Merci. J’y ai mûrement réfléchi”, tranche Jean Milburn.

Mais il revient à la charge et lui rappelle que la science “permet aux femmes comme vous d’avoir des bébés de plus en plus tard” et qu’être “parent sur le tard peut affecter la vie de vos enfants”. “Pensez-vous qu’avoir un gros con pour père affecte aussi leur vie?”, lui demande alors la sexologue, passablement irritée.

Bien décidée à ne pas laisser passer cet incident, Jean Milburn explique ensuite à l’un de ses collègues qu’un “médecin ne devrait pas me donner son avis sur ma grossesse. C’est totalement déplacé. C’est le patriarcat en action. Analyser les choix d’une femme aussi cruellement. Et à l’hôpital!”

Contrairement à ce que croit l’une de ses anciennes conquêtes, qu’elle croise à la sortie de l’hôpital, oui, les femmes “âgées” peuvent avoir des enfants.

Mythe de l’âge pivot

Le personnage de Jean Milburn vient en fait dynamiter le mythe de “l’âge pivot”. Comme nous l’expliquions dans un précédent article sur les grossesses tardives, l’année des 35 ans est souvent désignée comme la date “limite” pour avoir un enfant sainement. Une idée reçue qui consiste à penser que les femmes qui tomberaient enceintes au-delà de cet âge s’exposeraient, elles et leur bébé, à davantage decomplications lors de la grossesse et de l’accouchement ou, tout simplement, à desproblèmes de fertilité.

Pour Marie-Hélène Lahaye, militante féministe, autrice du livre Accouchement: les femmes méritent mieux, et précédemment interrogée par Le HuffPost, cette limite des 35 ans n’est qu’un mythe. “Ce fameux âge pivot de 35 ans pour les femmes, âge auquel leur fertilité est censée s’effondrer, aurait été calculé sur la base de la population des années 1700”. “Comme toujours, il y a des mythes qui entourent la grossesse et l’accouchement. Celui-ci consiste à dire que les femmes, âgées de plus de 35 ans, ne peuvent plus avoir d’enfants en raison d’une baisse de fertilité. Si elles y parviennent, l’enfant pourra être atteint de trisomie… Ils appellent cela une ‘grossesse gériatrique’”, explique Marie-Hélène Lahaye. “On ne dira jamais rien à un homme qui préfère se consacrer à sa carrière plutôt que d’avoir un enfant. En revanche, les femmes sont vues comme égoïstes lorsqu’elles pensent à leurs carrières etne sont pas embauchéeslorsqu’elles veulent être mamans”, ajoute-t-elle également.

Il ne s’agit pas de minimiser les risques qui sont inhérents à de telles grossesses. Comme l’expliquait à juste titre au HuffPost Michaël Grynberg, gynécologue et spécialiste de la fécondation in vitro, “Il faut bien garder à l’esprit que ces maternités à l’âge de 50 ans demeurent exceptionnelles. Elles ne doivent en rien faire remettre en cause une réalité physiologique bien démontrée, celle de la baisse de la fertilité féminine avec les années. Évidemment, il est déplorable que l’évolution de la fonction reproductive de la femme n’ait pas suivi celle de la société, avec un recul de l’âge de la maternité en lien notamment avec des choix de carrière et de liberté reproductive”, nous explique-t-il.

Risques réels

Pour lui, cet âge pivot n’a rien d’un mythe. “Toutes les données épidémiologiques, y compris les plus récentes, montrent que le pic de fertilité féminine survient bien entre 20 et 30 ans puis décline, avec une pente qui s’accélère au-delà de 35-37 ans. Cela ne signifie bien sûr toutefois pas que la maternité au-delà de 35-37 ans ou au-delà de ces âges n’est pas possible. Mais ce déclin de la fertilité se traduit par une augmentation de la prévalence de l’infertilité et par un sur-risque de fausses couches en lien avec des anomalies génétiques embryonnaires. Par ailleurs, la littérature scientifique fait également largement état des risques obstétricaux et néonataux lors des grossesses survenant au-delà de 45 ans, et ce, quelles qu’en aient été les modalités d’obtention”, ajoute-t-il.

Sex Education ne fait pas l’impasse sur ces risques, bien que le lien entre l’âge et l’incident vécu ne soit jamais directement établi. Et pour cause: Jean Milburn accouche avec huit semaines d’avance sur le terme. Elle subit une sévère hémorragie et manque d’y laisser la vie. Mais la série de Netflix montre qu’à partir du moment où le choix de garder le bébé est fait en toute connaissance de cause par une femme, celle-ci a le droit de vivre sa grossesse sans qu’elle soit incessamment ramenée à son âge.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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