"Il s'est auto-débranché": avant l'ouverture de son procès, Olivier Dussopt politiquement à la peine

Le ministre traverserait-il une mauvaise passe, six mois après l'adoption de la très inflammable réforme des retraites? À quelques heures du début du procès d'Olivier Dussopt, le ministre du Travail, qui est accusé de favoritisme dans le cadre de l'attribution d'un marché public de l'eau lorsqu'il était maire en 2009, fait profil bas.

Auprès de BFMTV, il assure que ce procès est "un moment ni agréable ni mérité" et confie son "seul objectif : être relaxé". Mais cette prise de parole apparaît à l'issue d'une séquence de plusieurs semaines plus que discrètes.

"On a l'impression qu'il s'est auto-débranché. Il semble plus effacé, moins combatif. Manifestement, il n'a pas vraiment envie de se montrer", avance le député PS Jérôme Guedj, qui l'a longtemps fréquenté sur les bancs de l'Assemblée.

"Ne pas trop prendre la lumière avant son procès"

Ces dernières semaines auraient pourtant dû marquer le grand retour de cet ex-socialiste depuis la retraite à 64 ans dont il avait promis être sorti "ni essoré ni fragilisé". En novembre dernier, c'était à ses côtés que Gérald Darmanin avait présenté le projet de loi immigration avec une division des tâches fortement sous-entendue.

Au ministre de l'Intérieur les négociations avec la droite, à l'ancien proche de Martine Aubry le travail de conviction auprès la gauche. De quoi espérer convaincre largement dans une Assemblée sans majorité relative.

Mais finalement, nulle trace d'Olivier Dussopt pendant les heures de débat au Sénat. Au point que Patrick Kanner, le patron des sénateurs socialistes, avait lancé dans l'hémicycle "un avis de recherche".

"Il ne voulait pas prendre la lumière avant son procès. Vous pouvez être sûr que le sujet aurait été amené par ses adversaires au Sénat. Il a voulu l'éviter mais j'entends que ce n'est pas ce que nous avions en tête", reconnaît un député macroniste.

"Cinq lois" en un an

On ne devrait guère plus le voir lors de l'arrivée dans l'hémicycle du projet de loi immigration à l'Assemblée le 11 décembre. Les députés de la commission des lois qui planchent actuellement sur le texte l'ont cependant bien croisé lors d'un petit-déjeuner place Beauvau aux côtés du ministre de l'Intérieur mercredi dernier.

L'ex député-maire d'Annonay a pourtant bien été ces derniers jours à l'Assemblée nationale, en faisant notamment voter définitivement le projet de loi Plein emploi et le texte sur le partage de la valeur qui doit faciliter l'intéressement des salariés dans les entreprises, et ce, avec les voix de la gauche.

Une rareté qui aurait pu le pousser à multiplier les prises de parole médiatiques. Le ministre s'est cependant contenté d'un simple tweet, donnant le sentiment d'une certaine lassitude.

"En tout, il a fait cinq lois en un an. Je ne pense pas qu'un membre du gouvernement ait ce bilan", défend l'entourage d'Olivier Dussopt.

La colère des syndicats

"Il est au travail pour le lancement de France travail qui doit remplacer Pôle emploi. Il passe son temps à échanger avec les partenaires sociaux", analyse encore Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente Renaissance de la commission des Affaires sociales.

À voir. La réforme de l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles a été repoussée sine die par le ministre la semaine dernière.

Elle devait pourtant permettre au gouvernement de montrer que le dialogue avait repris avec des mois d'échanges extrêmement tendus pendant les retraites. Le ministre avait même promis de transposer fidèlement dans la loi les accords nationaux élaborés par les partenaires sociaux.

"Démonétisé"

"Désinvolture" pour la CFDT, "décourageant" pour la Confédération des petites et moyennes entreprises... La nouvelle passe mal dans les rangs des centrales.

"Olivier Dussopt fait ce qu'il peut mais il apparaît démonétisé pour beaucoup de syndicats qui ont l'impression qu'il n'a plus la main et que le gouvernement pense plus à réduire les allocations des chômeurs qu'autre chose", observe un bon connaisseur du dossier.

La sortie de Bruno Le Maire ce jeudi sur France info ne devrait pas leur enlever ce sentiment. Le ministre de l'Économie a appelé à réduire l'indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans qui ont le droit de toucher plus longtemps le chômage que le reste de la population active.

"Plus aux manettes"

Une exception qui se justifie par leur taux de chômage beaucoup plus élevé. En 2022, 56% des 55-64 ans étaient ainsi en emploi contre 81,8% des 25-49 ans, d'après des chiffres du ministère du Travail.

"On est quelques mois après la retraite à 64 ans qui va contraindre des seniors qui n'ont pas de travail à rester plus longtemps au chômage et Olivier Dussopt ne dit rien ?", s'agace le sénateur Patrick Kanner.

"A-t-on une meilleure preuve qu'il n'est plus aux manettes?", s'interroge encore le parlementaire.

La justice pourrait rapidement donner sa réponse. En cas de condamnation, le ministre serait contraint de démissionner.

Article original publié sur BFMTV.com