Servane Heudiard, atteinte de bigorexie : "C’est une addiction dangereuse, aussi grave que l'alcoolisme. Òn ne fait que se détruire""
Alcool, drogues, sexe, alimentation, jeux d’argent ou jeux vidéo… Pour "Addict.e.s", sur Yahoo, anonymes et célébrités ont accepté de briser le tabou de la dépendance. Ils racontent la spirale infernale de l’addiction, l’impact souvent destructeur sur l’ensemble des sphères de leur vie, et le chemin, souvent long et douloureux, vers la sobriété.
Dépendante au sport depuis une trentaine d’années, Servane Heudiard est atteinte de bigorexie. Cette addition, jugée dangereuse et dont très peu de monde parle, la coupe de la société. Pour Addict.e.s, le nouveau format de Yahoo, cette quadragénaire a accepté de se livrer, racontant la manière dont elle organise sa vie autour de la pratique sportive.
C’est une addiction peu connue du grand public, et pourtant, elle touche des milliers de personnes. Bigorexique depuis une trentaine d’années, Servane Heudiard ne peut plus se passer de sport. Une activité bénéfique pour la santé mais qui peut devenir aussi redoutable et addictive que les autres. Pour Yahoo, elle a accepté de raconter son histoire, expliquant notamment la manière dont elle s’est engouffrée dans cette spirale dangereuse (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).
"C’est une connerie, on ne fait que se détruire"
"Un corps auquel on inflige 170 kilomètres de course ne peut s’en sortir intacte". C’est par ces mots qu’elle tente d’expliquer son addiction. Accro au sport, Servane Heudiard est une véritable boule d’énergie pour qui l’effort ne fait pas peur. Bien au contraire. Mais son besoin de "toujours plus" peut parfois l’amener à avoir des comportements totalement déraisonnables. Quelles que soient les conditions météo et les maux dont elle peut souffrir, rien ne semble l’arrêter.
"Parfois, je pars le matin très tôt, lorsqu’il fait nuit et que la visibilité est nulle. J’attends l’ascenseur et je m’endors devant. Je ne tiens pas debout mais j’y vais malgré tout", raconte-t-elle, consciente des dangers de cette pratique à haute dose. Pour beaucoup, cette ténacité pourrait être confondue avec une grande force de caractère, un courage sans faille. Mais il n’en est rien, selon Servane. "Lorsque l’on prend du recul, on se rend compte que c’est une connerie. On ne fait que se détruire davantage".
En effet, Servane a bien souvent subi de graves blessures. Renversée par un automobiliste, elle s’est fracturée le bassin et a également eu une double fracture du coude après un vol plané. Son dernier accident, une double fracture du col du fémur, lui a laissé des séquelles physiques et psychiques mais lui a fait prendre conscience de la dangerosité de son addiction. "J’ai glissé sur une plaque d’huile. Ça a été très douloureux", se rappelle-t-elle expliquant qu’il s’agissait de l’accident "de trop".
Comme elle l’explique, le sport a été dans un premier temps libérateur et salvateur. "Je n’ai aucune confiance en moi. Je me sens très inférieure aux autres", confie-t-elle expliquant s’être réfugiée dans le sport pour changer d’état d’esprit. "L’effort physique est gratifiant. Lorsque je fais du sport, j’ai l’impression de valoir quelque chose". Mais rapidement, cette pratique physique est devenue omniprésente dans sa vie, au point d’en être néfaste.
"Au début, j’en faisais une à deux heures par jour, quelques fois par semaine", explique-t-elle précisant avoir augmenté la cadence. Au bout du compte, elle a fini par consacrer 6h30 de son quotidien au sport, en faisant principalement du vélo et de l’aviron.
"Celui qui va me priver de sport n’est pas encore né"
Une pratique intensive dont elle ne peut plus aujourd’hui se passer. "Une journée sans sport c’est catastrophique et très difficile à gérer", confie-t-elle avouant se sentir "fébrile", "irritable" et mal dans sa peau lorsqu’elle se retrouve dans l’incapacité d’en faire. Mais Servane trouve toujours une solution pour s’adonner à sa passion, devenue depuis une obsession.
Ainsi, lorsque le temps ne se prête pas à la pratique du sport, elle raconte utiliser son home trainer. "Celui qui va me priver de sport pendant 24h n’est pas encore né", explique-t-elle tout en précisant n’avoir presque aucune limite. Seuls une jambe dans le plâtre ou un séjour à l’hôpital pourraient l’empêcher de chausser les baskets.
Consciente des effets néfastes de la pratique sportive à haute dose, cette fille d’enseignant, qui ne s'est jamais faite suivre par un psychologue, souhaite aujourd’hui faire connaître cette addiction à travers son témoignage. Elle a d’ailleurs écrit un ouvrage, intitulé "Bigorexie : Le sport, ma prison sans barreaux", pour sensibiliser l’opinion public à ce mal.
Retrouvez l'intégralité de l'interview de Servane Heudiard