Septennat, proportionnelle et référendum: les similitudes de Macron et Le Pen sur les institutions

Montage de photos de Marine Le Pen et Emmanuel Macron le 12 avril 2022 - JULIEN DE ROSA, CHARLES PLATIAU © 2019 AFP
Montage de photos de Marine Le Pen et Emmanuel Macron le 12 avril 2022 - JULIEN DE ROSA, CHARLES PLATIAU © 2019 AFP

Emmanuel Macron devait déjà convaincre les électeurs de Jean-Luc Mélenchon de lui faire suffisamment confiance pour l'aider à battre Marine Le Pen le 24 avril prochain. Il doit à présent relever une gageure supplémentaire en cet entre-deux tours: ne pas abandonner à sa rivale la rénovation des institutions et la modernité associée à cette réforme.

En effet, depuis que Marine Le Pen a dévoilé son programme "pour la démocratie" mardi lors d'une conférence de presse tenue à Vernon en Normandie, le président sortant fait feu de tout bois. Du septennat au scrutin proportionnel, en passant par le référendum, Emmanuel Macron a des propositions parfois similaires à son adversaire pour changer le visage de la Ve République. Et celui qui a vu son projet de réforme des institutions précédent avorter en 2019 tente même d'aller un cran plus loin que la candidate du Rassemblement national dans les mesures qu'il préconise désormais.

• Le septennat présidentiel... Et pourquoi pas?

Ce mercredi matin, sur le plateau des 4 Vérités de France 2, Emmanuel Macron a envisagé à haute voix de toucher au format du mandat du président de la République. Et après la réforme de 2000 qui l'avait ramené de sept à cinq ans, il propose d'en revenir cette fois au septennat.

"La constitution a des règles claires: cinq ans et pas plus de deux mandats. Mais quand on parle de réforme institutionnelle, le septennat me paraissait une bonne option", a-t-il lâché, tout en expliquant que la rallonge éventuelle n'entrerait en vigueur qu'après son propre séjour à l'Élysée, quand bien même il serait réélu. "Mais il ne vaudra pas pour le mandat qui vient. C'est une évidence. On ne change pas les règles en cours de partie", a-t-il admis.

La veille déjà, à Mulhouse, Emmanuel Macron ouvrait: "Le septennat est un bon rythme, je pense que c'est une bonne respiration par rapport aux législatives et au temps dont a besoin l'action présidentielle". Le président-candidat emboîtait ainsi le pas à sa concurrente, qui présentait mardi après-midi son intention de "revivifier les institutions démocratiques du pays".

Avec en bonne place dans son menu donc, le septennat. Elle a ainsi proposé "l’instauration du septennat non renouvelable qui rendra à la fonction présidentielle son prestige et au président sa capacité d’une action longue tout en le débarrassant d’une obligation de campagne électorale permanente".

Non renouvelable? Qu'à cela ne tienne: Emmanuel Macron a vu dans cette limitation une occasion de déborder sa challengeuse. "Je laisserai plutôt le peuple décider du caractère renouvelable ou non du septennat", a-t-il précisé lors de son déplacement alsacien, jugeant "étrange" de ne pas soumettre à consultation cette dimension "quand on croit à la souveraineté du peuple".

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• Référendum: Macron poussé à ouvrir (à nouveau) la fenêtre

"Laisser le peuple décider". Voilà une expression qui trace encore une autre perspective pour refaçonner les institutions. Elle renvoie en effet au référendum. Une idée de consultation populaire caressée cette fois par Emmanuel Macron durant son quinquennat... sans qu'il la mette jamais en oeuvre. Ainsi, il a notamment renoncé à organiser un référendum sur l'inscription d'un objectif écologique dans la constitution, après l'avoir pourtant promis à la Convention citoyenne sur le climat en décembre 2020, comme le soulignait ici le JDD.

Le référendum a pourtant fait un retour remarqué dans la bouche présidentielle lundi soir sur notre plateau. Interrogé par notre journaliste Bruce Toussaint sur la possibilité de le voir soumettre aux Français son désir de repousser à 65 ans l'âge de départ à la retraite, il a rétorqué "ne pas exclure" l'idée d'un référendum, "pour quelque réforme que ce soit. Nos discussions (avec les Français, NDLR) permettent de clarifier les choses", a-t-il ajouté.

S'il précédait cette fois Marine Le Pen de quelques heures, il faut pourtant remarquer que le référendum est absent du programme officiel du candidat. Mais figure bien dans celui d'en face. Face aux journalistes mardi, Marine Le Pen a d'ailleurs insisté sur sa volonté de renforcer ce dialogue direct entre l'exécutif et nos concitoyens et même de permettre à ces derniers d'en être à l'origine. La prétendante du Rassemblement a promu une "révolution référendaire".

"La constitution sera révisée, d’abord pour rendre plus facile l’organisation de référendums sur tous les sujets, ensuite et surtout pour instaurer le référendum d’initiative citoyenne ou populaire", a-t-elle développé.

Détaillant ce dernier point, elle a expliqué qu'un référendum pourrait être organisé sur "tous les sujets conformes à la constitution", et notamment les "sujets de société" moyennant l'engagement d'au moins 500.000 Français. Ce référendum d'initiative citoyenne est d'ailleurs une allusion transparente au RIC voulu par les gilets jaunes. Une revendication écartée alors par Emmanuel Macron, qui avait pointé une "remise en cause de la démocratie représentative".

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• Proportionnelle: Macron joue "l'intégrale" contre la "prime majoritaire" de Le Pen

Les deux concurrents de ce second tour de la présidentielle 2022 ont également investi ce thème de la démocratie représentative ces dernières heures. Auprès de France 2, Emmanuel Macron a dégainé ce mercredi matin: "Beaucoup de choses peuvent être améliorées, par exemple avoir beaucoup plus de proportionnelle pour mieux représenter les forces politiques à l'Assemblée. Je pense qu'on peut aller jusqu'à la proportionnelle intégrale: je n'y suis pas opposé en ce qui me concerne", a-t-il renchéri.

La proportionnelle, qui hante la conscience de la classe politique française depuis sa dernière application au Palais-Bourbon au cours de la législature 1986-1988, était bien évoquée dans le projet de rénovation du régime laissé en plan par l'exécutif sortant. Cependant, Emmanuel Macron n'avait jamais dépassé l'idée d'une simple "dose de proportionnelle", qu'il fixait lors d'une conférence de presse d'avril 2019 à "20% des parlementaires".

Cette mise à jour présidentielle sur le sujet résonne comme un écho de plus aux propos tenus mardi par Marine Le Pen. Celle-ci a prôné "l'inscription dans la constitution" du principe "selon lequel les députés à l’Assemblée nationale seront élus 'selon un scrutin de type proportionnel' pour au moins deux tiers d’entre eux". Redoutant une "possible instabilité politique", elle s'est ensuite prononcée pour ménager "une réserve du tiers restant permettant – mais sans toutefois l’imposer - d’instaurer une prime majoritaire".

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Emmanuel Macron, lui, n'entend pas rester sur cette réserve. Passer d'un projet de 20% à 100% des députés élus à la proportionnelle, le pas à franchir est conséquent. Mais c'est à ce prix que le président de la République peut espérer s'adapter au discours de sa dernière adversaire, et le surpasser.

Article original publié sur BFMTV.com