« Sept hivers à Téhéran » : pour Zar Amir Ebrahimi, rien n’a changé pour les Iraniennes

CINÉMA - C’est l’histoire d’une jeune femme qui n’est plus là pour la raconter. C’est encore aujourd’hui l’histoire de tant d’autres femmes en Iran. Le documentaire Sept hivers à Téhéran, dont Le HuffPost est partenaire, sort en salles ce mercredi 29 mars et raconte le combat de Reyhaneh Jabbari, une Iranienne de dix-neuf ans qui, en 2007, a poignardé l’homme qui allait la violer.

Condamnée à mort selon la loi du talion, la famille de son agresseur refusera de lui accorder leur pardon. Elle sera pendue le 25 octobre 2014, après sept ans et demi passés en prison à aider les autres prisonnières et dénoncer l’oppression systématique des femmes en Iran.

Dans le documentaire de la réalisatrice allemande Steffi Niederzoll, l’actrice Zar Amir Ebrahimi prête sa voix à Reyhaneh. « Pour moi, c’est un honneur d’être la voix de Reyhaneh qui était elle-même la voix de tant d’autres femmes » , confie-t-elle au HuffPost dans l’interview vidéo en tête d’article. « C’était ma responsabilité, je n’ai même pas pensé à dire non. »

L’actrice franco iranienne se reconnaît en Reyhaneh. Elle a elle-même été condamnée à de la prison et des coups de fouet, suite à la diffusion d’une vidéo intime volée avec son ex-petit ami. Alors que sa carrière décollait, elle a dû fuir son pays, la veille de son procès, et s’est réfugiée en France en 2008.

« En tant que femme qui a presque perdu sa vie en Iran, qui a tout laissé derrière pour éviter la prison, les coups de fouets, pour éviter même d’être exécutée, c’était important, parce que je me sens proche de Reyhaneh », explique-t-elle.

La vérité, au prix de sa vie

Zar Amir Ebrahimi a été marquée par le courage de la jeune femme, qui a refusé de mentir et de laver l’honneur de la famille de son agresseur en revenant sur la tentative de viol pour obtenir leur pardon. Malgré les pressions et la torture, Reyhaneh s’est battue jusqu’au bout pour la vérité.

« Tu te tais et te défends jusqu’au dernier moment de ta vie, même après avoir sept ans de prison à cet âge », raconte l’actrice impressionnée. « Ce n’est pas facile d’être en face d’un système qui veut te détruire, qui veut te tuer, qui veut t’effacer, et de rester debout, de défendre ta dignité et défendre toutes les femmes autour de toi ».

En prison, touchée par le parcours de ses codétenues, Reyhaneh s’est mise à écrire des textes sur l’oppression des femmes par la loi islamique. Au fil des années, son engagement et sa plume se sont affirmés. « Pour moi c’est comme si les dernières lettres avaient été écrites par une philosophe », a remarqué Zar Amir Ebrahimi à leur lecture.

Elle s’est reconnue dans les textes de Reyhaneh, et dans leur message : « Quand elle dit : “les lois ne sont pas des lois écrites par les femmes. Toutes ces lois sont décidées par les hommes” , honnêtement c’est quelque chose que moi-même j’ai déjà écrit dans mes notes ».

De Reyhaneh Jabbari à Mahsa Amini, le combat continue

Pour l’actrice, ces lettres sont les témoins d’une expérience universelle en Iran : « Toute cette génération, toutes ces femmes, toutes mes copines, toutes mes collègues, on est d’une façon toutes connectées parce qu’on subit un système qui est complètement contre les femmes ».

Neuf ans après l’exécution de Reyhaneh, la mort d’une autre jeune femme, Mahsa Amini, a indigné les Iraniens, et la communauté internationale. Les manifestations qui s’en sont suivies et le mouvement « Femme, vie, liberté » soufflent un vent de révolte, et d’espoir, dans le pays.

« Je pense qu’elle est fière et je pense que c’est ce qu’elle espérait pour l’Iran, pour les jeunes filles, les femmes d’Iran », confie l’actrice, qui voit en cette révolution le même combat que portait Reyhaneh en prison.

Aujourd’hui, la mère et les sœurs de Reyhaneh sont réfugiées en Allemagne et continuent de militer pour les droits humains et contre la peine de mort en Iran. Son père a interdiction de quitter l’Iran, où il vit seul sous les menaces. « Pour tous ces gens qui ont perdu la vie, il faut qu’on se batte », martèle Zar Amir Ebrahimi. Le combat ne fait que commencer.

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