1er mai : La semaine de 4 jours est idéale pour tous mais pas n’importe comment, selon Pierre Larrouturou
TRAVAIL - C’est une petite musique qui se fait entendre de plus en plus dans l’Hexagone. Les Français aspirent à travailler différemment, et la semaine de quatre jours pourrait être une solution. Dans sondage du HuffPost, en partenariat avec YouGov – paru il y a un an jour pour jour –, 75 % des personnes interrogées se disaient « pour » le passage à la semaine de quatre jours, mais seulement s’ils conservaient un salaire inchangé.
Gabriel Attal s’y est dit lui aussi favorable, à une condition : que la semaine de quatre jours soit en réalité une semaine « en » quatre jours, c’est-à-dire que le temps de travail effectif soit de 36 heures, et non de 32 heures. Mais pour Pierre Larrouturou, député européen et tête de liste Nouvelle Donne pour les prochaines élections, la semaine en 32 heures est une solution qui permettrait de satisfaire l’entreprise comme le salarié.
C’est ce qu’il explique dans son nouveau livre 32h ! La semaine de quatre jours, c’est possible (éd. Seuil) qui paraîtra le 3 mai 2023. Pour Le HuffPost, ce défenseur historique de cette organisation du travail – il en parlait dès 1993 – détaille en quoi elle est, selon lui, idéale pour tout le monde.
Le HuffPost. Vous défendez une semaine de quatre jours en 32 heures, avec des journées de 8 heures de travail. Pourquoi est-ce une bonne solution selon vous ?
Pierre Larrouturou. Nous sommes des millions à vouloir trouver un nouvel équilibre entre le travail et la vie personnelle. Beaucoup de gens continuent de dire que le travail est important. Mais il n’y a pas que ça dans leur vie : ils veulent avoir du temps pour eux, être avec leurs proches et faire les choses qu’ils aiment.
Dans tous les pays d’Europe, le Covid 19 a fait bouger les lignes. En Espagne, le gouvernement investit pour expérimenter les 32 heures. En Angleterre, des dizaines d’entreprises l’ont expérimentée, et 92 % des salariés et chefs d’entreprise qui l’ont testée pendant deux ans veulent continuer. Même à Davos, le temple du libéralisme, il y a eu un grand débat à ce sujet. Si la semaine de quatre jours entraîne un meilleur bien-être, elle permet aussi de faciliter les recrutements, de créer des emplois et de financer les caisses du chômage.
Pourquoi défendez-vous une semaine de quatre jours en 32 heures, contrairement à Gabriel Attal, qui plaide pour une semaine en 36 heures ?
Gabriel Attal a lancé une expérimentation qui a été un énorme bide. Il a proposé à 200 salariés de passer à une semaine de quatre jours en 36 heures, mais seulement trois l’ont fait. Car si vous avez des enfants en bas âge, ou des temps de transport qui sont longs, vous n’avez aucune envie de rallonger votre journée. Gabriel Attal ne va pas au bout du raisonnement. C’est l’ancien patron de Danone, Antoine Riboud, qui a parlé le premier de la semaine de quatre jours en 1993. Il estimait qu’il fallait descendre à 32 heures sans étape. Gabriel Attal n’a jamais mis les pieds dans une entreprise et ne se rend pas compte de tous les gains de productivité qu’on a fait depuis 40 ans dans tous les métiers. On produit deux fois plus avec environ 10 % de travail en moins.
Les opposants à la semaine de quatre jours affirment qu’elle ne serait pas rentable pour les entreprises. Est-ce que cela est vrai ?
En 1996, nous avons obtenu la loi Robien sur l’aménagement du temps de travail. Elle permettait aux entreprises qui passaient à quatre jours en 32 heures et créaient au moins 10 % d’emplois en CDI de ne pas payer les cotisations pour le chômage. Ce dispositif a été supprimé en 2000 au moment des 35 heures. Mais, durant cette période, 400 entreprises, de toutes tailles et dans tous les secteurs – comme Mamie Nova ou Fleury Michon –, sont passées à 32 heures sans baisser les salaires grâce à cette exonération.
C’est aujourd’hui une demande que l’on porte au niveau européen : qu’une loi permette d’aider les entreprises qui passent à 32 heures, en leur promettant que si elles créent des emplois, elles paieront moins de cotisations. Les expériences européennes montrent également que l’absentéisme recule et la productivité s’améliore dans les entreprises qui sont passées à quatre jours.
En quoi la semaine de quatre jours en 32 heures aiderait-elle à réduire le chômage ?
Si tout le monde y passait d’ici quelques années, on pourrait créer 1,6 million d’emplois. En France, on met des dizaines de milliards d’euros pour pallier les conséquences du chômage. On pourrait plutôt donner des exonérations aux entreprises qui créent des emplois en passant à quatre jours et 32 heures. C’est un système qui est équilibré pour les entreprises : on peut créer des emplois, mais il n’y a pas d’augmentation des coûts de production. C’est aussi rentable pour l’État car il y aura beaucoup moins de chômeurs à financer, et davantage de gens vont payer de la TVA et cotiser pour les caisses de retraite.
Vous dites que la réduction du temps de travail va dans le sens de l’histoire, pourquoi cela ?
Avant, on travaillait sept jours sur sept et douze heures par jour. On commençait à l’âge de huit ans, et il n’y avait ni retraite ni congés payés. Personne ne peut contester que l’on travaille trois fois moins que nos arrière-grands-parents et qu’on le vit très bien. On assiste aujourd’hui aux mêmes débats qu’en 1906 quand l’Église et la CGT ont voulu avoir le dimanche comme jour de repos. Où lorsque l’on s’est battu pour les congés payés. Certains disaient que ce n’était pas possible économiquement. Maintenant, presque tout le monde prend des congés, y compris les patrons. Et le secteur du tourisme est le premier secteur économique en France. Alors est-ce qu’on peut passer à quatre jours ? La réponse est oui.
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