Dans la Seine, ce « polluant éternel » omniprésent n’épargnera pas les nageurs aux Jeux Olympiques

Ce « polluant éternel » omniprésent dans la Seine n’épargnera pas les nageurs aux Jeux Olympiques (Photo Tim Clayton/Corbis via Getty Images)
Tim Clayton - Corbis / Corbis via Getty Images Ce « polluant éternel » omniprésent dans la Seine n’épargnera pas les nageurs aux Jeux Olympiques (Photo Tim Clayton/Corbis via Getty Images)

ENVIRONNEMENT - Ils sont partout. Les eaux européennes sont massivement contaminées par un produit chimique très persistant, l’acide trifluoroacétique (TFA), selon des associations, qui dénoncent « la plus grande contamination connue de l’eau à l’échelle européenne par un produit chimique fabriqué par l’homme ».

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Le Réseau européen d’action sur les pesticides (PAN Europe) et ses membres, dont Générations Futures en France, ont analysé 23 échantillons d’eau de surface et six échantillons d’eau souterraine provenant de dix pays de l’UE, à la recherche de ce produit. Il est issu de la dégradation de PFAS, surnommés « polluants éternels », mais sert aussi de produit de départ pour la production de certains d’entre eux.

Résultat : « l’ampleur de la contamination est alarmante et appelle une action décisive », écrivent les associations dans un rapport publié ce lundi 27 mai. Ces TFA peuvent être issus de la dégradation de pesticides PFAS, utilisés en agriculture pour leur stabilité, mais aussi de certains gaz réfrigérants ou de rejets de l’industrie de fabrication des PFAS, largement utilisés, par exemple pour le revêtement anti-adhésif des poêles, des mousses anti-incendie ou des cosmétiques.

L’analyse, menée par le Centre technologique de l’eau de Karlsruhe, met en évidence la présence de TFA « dans tous les échantillons d’eau », avec des concentrations allant de 370 nanogrammes par litre (ng/l) à 3300 ng/l. Elles sont importantes dans des cours d’eau comme l’Elbe en Allemagne, la Seine (en plein coeur de Paris), l’Oise et la Somme en France, ou la Mehaigne en Belgique.

Les ONG s’inquiètent des répercussions sur la qualité de l’eau du robinet - qui fera l’objet d’une prochaine étude - plus que des risques éventuels d’un plongeon dans la Seine, où des épreuves doivent avoir lieu cet été pendant les Jeux olympiques de Paris 2024.

Questions sans réponses

« On estime qu’il n’y a pas de risque à se baigner dans la Seine en tout cas vis-à-vis du TFA », a indiqué Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures. « C’est ponctuel donc complètement différent d’une exposition chronique à l’eau potable ». Pas de risque pour la santé des sportifs - et de la Maire de Paris - donc, mais une belle bolée de TFA pour tous les participants qui nageront la bouche ouverte.

Quant à l’origine du problème en Europe, « le principal responsable de la pollution diffuse aux TFA, ce sont les pesticides PFAS dans les zones rurales », a jugé Pauline Cervan. « 79% des échantillons présentaient des niveaux de TFA supérieurs à la limite de 500 ng/l proposée par la directive européenne sur l’eau potable pour l’ensemble des PFAS », note le rapport.

Toutefois, le TFA n’est pas spécifiquement réglementé actuellement : il est classé comme « non pertinent » par les autorités européennes et échappe donc au seuil (100 ng/litre) limite pour certains pesticides et produits issus de leur dégradation dans les eaux souterraines.

Un choix que regrettent les associations, qui soulignent sa persistance dans l’environnement, l’impossibilité de s’en débarrasser avec les procédés de traitement de l’eau potable habituels et un « profil toxicologique (qui) laisse encore de nombreuses questions sans réponse ». À cet égard, elles citent une étude qui constate « des malformations oculaires » chez des lapins « ayant reçu du TFA », mais sans conclusion à ce stade sur l’homme.

Peu d’études ont été réalisées et elles sont issues dans l’ensemble des entreprises industrielles. « Cette absence de connaissance, que ce soit sur la toxicité sur l’humain ou l’environnement, est totalement anormale compte-tenu de la persistance extrême du TFA et de sa contamination généralisée de l’environnement », a estimé Pauline Cervan.

Prônant le principe de précaution, les associations demandent notamment une interdiction « rapide » des pesticides PFAS et une restriction générale de l’utilisation des « polluants éternels ». « La pollution augmentera de jour en jour si des mesures décisives ne sont pas prises », note le rapport.

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