« Sous la Seine » sur Netflix : un requin à Paris, c’est vraiment possible ? Un expert nous répond

FILM - Un requin mangeur d’hommes en plein Paris ? C’est le scénario catastrophe de Sous la Seine avec Bérénice Bejo, sorti sur Netflix. Le film de Xavier Gens se déroule à l’été 2024 et semble tout droit sorti de l’actualité. La Seine a été nettoyée, non pas pour les Jeux Olympiques mais pour les championnats du monde de triathlon. La maire de Paris (jouée par Anne Marivin) clame haut et fort que l’eau est propre et sans danger.

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Pendant ce temps-là, des scientifiques alertent sur la pollution plastique sur le « septième continent » et des jeunes se mobilisent pour sauver les océans avec des actions coups de poing et des vidéos partagées en masse sur les réseaux sociaux. Tout est fait pour qu’on y croie, hormis un détail : un requin géant rôde dans les tréfonds de la Seine et menace de transformer l’épreuve de triathlon en bain de sang.

Ça semble trop gros pour être vrai, mais une orque et un bélouga s’étaient bien échoués dans le fleuve, comme le rappelle à la police fluviale Sophia, le personnage de la scientifique interprétée par Bérénice Bejo.

Alors, est-ce qu’un requin pourrait vraiment se retrouver dans la Seine ? Le HuffPost a posé très sérieusement la question à Éric Clua, vétérinaire et professeur à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), dans l’interview vidéo en tête d’article.

Un requin dans la Seine, mais pas à Paris

Pour le spécialiste des requins, « oui, c’est envisageable, mais dans certaines conditions ». La première dépend de l’espèce. « Parmi les trois les plus dangereuses pour l’homme, il y a le requin blanc, le requin tigre et le requin bouledogue », liste-t-il. « De ces trois espèces, seul le requin bouledogue est capable de remonter les rivières d’eau douce », précise Éric Clua. En Afrique du Sud, son nom local est d’ailleurs le requin du Zambèze, d’après le fleuve où il nage fréquemment.

Mais les températures du Zambèze ne sont pas celles de la Seine, comme le souligne Éric Clua : « Le requin bouledogue est un requin avant tout d’eau tropicale et la France est en zone tempérée ». En voir un en France n’est donc pas possible « avant de grands changements climatiques ».

Dans « Sous la Seine », le personnage de Bérénice Bejo suit les traces de ce requin du Pacifique à Paris.
Netflix Dans « Sous la Seine », le personnage de Bérénice Bejo suit les traces de ce requin du Pacifique à Paris.

Dans un scénario hypothétique où l’Hexagone serait devenu une zone tropicale, un requin bouledogue pourrait donc se retrouver dans la Seine, mais plutôt vers Le Havre. « Paris est très loin de l’embouchure de la Seine. Or le requin bouledogue est avant tout un requin marin, les adultes se trouvent plutôt dans les embouchures », explique l’expert. Et même si un requin devenait aventureux et décidait de remonter la Seine, il se trouverait confronté à des barrières physiques. « Il peut y avoir des écluses qui posent des problèmes aux requins, comme elles en posent aux esturgeons ou aux saumons », imagine Éric Clua.

« Sous la Seine est un délire complet »

Dans Sous la Seine, il ne s’agit pas d’un requin bouledogue, mais d’un mako, selon l’analyse des scientifiques du film. Le mako fait partie de la même famille que le grand requin blanc, les Lamnidés. « Mais il y a quand même des différences au niveau de l’écologie de ces espèces », note Éric Clua. « Le requin blanc, et c’est ce qui pose problème à l’homme, se rapproche régulièrement des côtes. Le mako, lui, est un requin qu’on qualifie de pélagique, c’est-à-dire qui vit essentiellement au large ». C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il y a très peu d’attaques de mako sur l’homme.

Bien que l’espèce existe, et que les personnages tentent d’apporter des explications scientifiques, le comportement du mako dans le film nous rappelle que Sous la Seine est bel et bien une fiction. Rien que dans la bande-annonce, le requin attaque la foule de nageurs du triathlon, et un autre groupe dans les catacombes. « On est dans un délire complet, dans de la fiction la plus totale », estime Éric Clua en regardant les images.

« Pour autant qu’un requin s’en prenne à l’homme, il va s’en prendre à une seule proie isolée et être extrêmement spécifique dans son approche. Là on fait croire que le requin va arriver et mordre tout le monde à droite à gauche, comme une bête déchaînée assoiffée de sang. C’est totalement faux d’un point de vue comportemental », regrette le vétérinaire, qui souligne l’intelligence du prédateur.

Gare aux idées reçues

Même si ce genre de films peuvent être de bons divertissements, ils contribuent à donner mauvaise réputation aux requins et à propager des idées reçues, comme le fait qu’ils puissent confondre un homme avec autre chose. « Le requin ne se trompe pas », affirme Éric Clua. « Ça ne veut pas dire qu’il ne va pas le mordre, mais il va plutôt le mordre pour explorer, probablement parce qu’il cherche à se nourrir. Heureusement, cette motivation de prédation de l’homme n’existe que chez très peu de requins. »

Mais même si certains requins aux « personnalités singulières » peuvent oser mordre une proie inhabituelle, « il n’y aura pas une volonté de nuire, contrairement à ce que beaucoup de films véhiculent, en particulier Les Dents de la mer ». Éric Clua regrette que ces fictions fassent croire que des requins cibleraient les hommes et y prendraient du plaisir.

Il prône une meilleure connaissance de ces prédateurs marins pour ne plus en avoir peur. « En tant que vétérinaire, je fais souvent un parallèle avec les chiens. Il y en a des très dangereux et d’autres qui ne le sont absolument pas. Même s’il est capable de tuer un homme, le chien n’a pas une mauvaise réputation parce que les gens le connaissent », compare-t-il.

« C’est dommage parce qu’on voit des gens qui partent en courant sur les plages lorsqu’il y a un requin bleu qui apparaît sur une plage alors que c’est un requin piscivore. Jamais de la vie un requin bleu ne s’en prendra à l’homme ou à un enfant pour se nourrir dessus », insiste Éric Clua. Alors, que vous croisiez un requin en Méditerranée, ou dans la Seine, pas de panique et surtout, pas de quoi s’en faire un film.

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