Secousses sismiques, fissure de 15km de long: pourquoi le volcan Fagradalsfjall inquiète l'Islande

Alerte sur l'île volcanique. En Islande, le volcan Fagradalsfjall menace d'entrer en éruption, après que les secousses sismiques se sont multipliées ces derniers jours. L'état d'urgence a été déclaré et une ville de 4.000 habitants a même été évacuée par précaution.

"Beaucoup plus sérieux" que d'autres éruptions

Actuellement en Islande, à tout juste 40km du volcan, le géologue Olgeir Sigmarsson, chercheur au CNRS associé au laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand, confirme auprès de BFMTV.com que le pays est en alerte.

"On est inquiets", assure celui qui travaille aussi pour l’Institut météorologique islandais à Reykjavik.

L'île, qui abrite 33 systèmes volcaniques actifs, connaît régulièrement des éruptions volcaniques, mais la situation actuelle préoccupe les experts.

"C'est beaucoup plus sérieux", estime Olgeir Sigmarsson, tout en rappelant que le volcan Fagradalsfjall a connu cinq éruptions depuis 2019. "Des habitations et des infrastructures sont en danger cette fois", souligne-t-il.

Une "crise sismique"

Le volcanologue Jacques-Marie Bardintzeff, professeur à l'université de Paris-Saclay, explique que la situation préoccupe les experts depuis en réalité plusieurs semaines.

"Depuis une vingtaine de jours, il y a une crise sismique dans la péninsule de Reykjanes (...). Tous les voyants sont au rouge", dit-il auprès de BFMTV.com

De fait, samedi, 900 tremblements de terre ont été détectés dans la région de la péninsule de Reykjanes, entre minuit et 13 heures, selon l’Institut météorologique islandais. "On craignait une éruption samedi. Depuis elle est toujours possible", assure-t-il.

Sur place, les habitants se tiennent "prêts", assure le géologue. "Si l'éruption est hors de la ville, (les autorités) mettront des bulldozers pour essayer de diriger la lave", raconte-t-il.

Le magma proche de la surface?

Craignant une éruption prochaine, la ville de Grindavik toute proche a été entièrement évacuée, une première dans le pays depuis 1973, lorsque des fontaines de laves ont donné naissance au volcan Eldfell, sur l'île de Heimaey, au sud du pays. "Les gens sont logés à gauche et à droite. C'est très rare", souligne Olgeir Sigmarsson.

Ce qui inquiète particulièrement les experts, c'est l'importante fissure, mesurant près de 15km de long, qui s'est formée. "On appelle ça un dyke, c'est une fracture verticale pleine de lave, dont le point le plus haut pourrait être à 1km de la surface", explique Jacques-Marie Bardintzeff.

Ce dernier précise qu'on observe un "gonflement du sol de 10 à 20 cm". "On pense que le magma est proche de la surface", assure-t-il.

Une évolution incertaine

Mais à l'heure actuelle, les experts sont incapables de définir une date pour l'éruption. "Ça pourrait arriver (ce lundi), dans quelques jours ou mois, ou pas du tout", indique Jacques-Marie Bardintzeff.

Ils ignorent les conséquences de cette potentielle éruption. "La lave peut aller dans la ville Grindavik et détruire des maisons et des bâtiments publics ou aller plus au Nord (où c'est quasi-inhabité, NDLR) ou aller au sud, dans la mer", explique le volcanologue.

Dans ce dernier cas de figure, on assisterait alors à une "éruption hydro-volcanique", précise-t-il. Un phénomène qui ferait moins de dégâts qu'une une éruption terrestre.

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Pour le géologue islandais, la situation reste complètement incertaine: la petite ville de Grindavik pourrait tout aussi bien être rayée de la carte, comme l'éruption pourrait ne jamais avoir lieu. "Tout est possible", assure-t-il. Faut-il pour autant craindre un scénario semblable à celui de 2010 avec l'éruption du volcan Eyjafjöll qui avait paralysé le trafic aérien d'une partie de l'Europe? "On n'en est pas là", temporise le chercheur.

Un "cycle éruptif" dans le pays

Si ce lundi la situation s'est un peu "calmée", Olgeir Sigmarsson assure que l'Islande reste sur ses gardes. Pour le volcanologue Jacques-Marie Bardintzeff, les experts sont de toute façon particulièrement en alerte ces dernières années.

"Depuis trois ans, ça bouge beaucoup. On est dans un cycle éruptif", estime le volcanologue.

"Ce qui est certain, c'est que le magma bouge sous la surface, mais ce qu'il va faire, est-ce qu'il va se propager au nord, au sud, on ne peut pas savoir", martèle-t-il encore.

D'ici là, le géologue islandais est dans l'attente et poursuit son travail avec les autres géologues et volcanologues de l'institut de Reykjavik. Au cas où il faudrait partir rapidement, "les voitures sont prêtes", jure-t-il.

Article original publié sur BFMTV.com